Cracher sur sa tombe. C'était le voeu de Damien, son ultime oraison au vieux, son vieux, drapé dans son paletot de marin sans mer, plus imbibé d'alcool que d'embruns, celui qui avait froidement assassiné son meilleur ami de longues années plus tôt.
L'heure est arrivée et Damien rejoint le littoral pour cet adieu aux saveurs d'exorcisme.
Rien n'a changé dans la petite ville côtière. Sauf qu'il n'y a plus de marins. Parce que plus de poissons, moissonnés au large par les navires industriels ; parce que trop de pétrole échoué après une énième marée noire. le village de pêcheurs est désert et, à quai, les fileyeurs s'érodent inexorablement.
Aux trois sirènes, c'est Oriane, son amour d'antan qui a repris le bar. Elle est belle et n'a jamais cessé de l'attendre.
Mais rien ne va se passer comme prévu. Dès son arrivée, Franck, ancien ami de son père devenu flic, fait à Damien des révélations troublantes. Et si le vieux était mort ni accidenté ni suicidé ?
Lentement, le doute s'insinue.
Jerome Loubry livre ici un roman plus noir que polar. Bien sûr, on tourne les pages avec curiosité, hameçonné dès le premier lancer de ligne. Mais le coeur du roman n'est pas là. Il pulse dans les silences, tous ces non-dits qu'on dérobe aux enfants; ces trahisons petites ou grandes qui vous tordent aux heures de l'adolescence. Et le silence est ici tonitruant, rythmé par la houle qui emporte les secrets, les malaxe, et les recrache en cadavres livides sur la jetée.
Je découvre
Jerôme Loubry avec ce texte, et j'avoue avoir été conquise tant par l'écriture que par la justesse du regard posé sur cette communauté éreintée économiquement et cadenassée de silences et d'aigreurs.
Le chemin de Damien le mène là où tout commence toujours, entre amour et trahison. de cela, on pouvait être prévenu. Ce n'est pas le cas du final qui m'a coupé les jambes....