Commençons par les griefs, pour éviter de finir sur une mauvaise note. J'ai lu «
Au-dessous du volcan » dans la traduction de
Stephen Spriel avec la collaboration de
Clarisse Francillon et de l'auteur, comme il est indiqué en quatrième de couverture (histoire de se donner une légitimité, parce que Lowry n'a pas dû beaucoup y travailler). Elle contient de jolis passages, mais d'une manière générale je ne l'ai pas appréciée, des formules sonnaient mal à mes oreilles, me paraissaient artificielles et même incompréhensibles. J'en note quelques-unes pour donner des exemples : A la page 434, alors que se déroule une feria, on trouve cette phrase : « Au sein de cet ennui, le taureau fit encore un tour de l'arène, puis, excédé, finit par s'asseoir dans un coin. « Tout comme Ferdinand » commença Yvonne, espérant pas que encore. » Pardon ? « Espérant pas que encore » ? Comprends pas. Une autre phrase à la syntaxe un peu fantaisiste : « Yvonne marchait devant Hugh, à dessein trop vite pour parler », là je comprends mais elle est mal construite. Ou alors des trucs absurdes comme : « Un japonais de taille inusitée ». A la base ce n'est pas un roman facile à lire (je vais y revenir) et j'ai parfois trouvé que le traducteur divaguait. Il a fait des choix extrêmement discutables, comme de ne pas traduire certains mots anglais, sans raison, ou alors de faire vouvoyer deux personnages (Yvonne et Hugh) alors qu'ils se tutoient quand ils se parlent en espagnol, c'est idiot ; il mélange les genres, met des mots au féminin là où il aurait fallu du neutre. Enfin, l'édition de poche contient trop de coquilles, rien qu'à la page 260, en quelques lignes j'ai relevé : « l'oage » à la place de l'orage, « la simples [sic]démence », et surtout la phrase d'après (qui condense tout ce qui est déplaisant et douteux dans cette traduction) : « Pourtant, qui aurait jamais cru que certain homme obscur, assis au centre du monde dans une salle de bains, par exemple, à penser de solitaires et tristes pensers » Mon Dieu… Tout cela donne une trop mauvaise image du texte, mais tant pis. Il existe aussi une autre traduction, apparemment moins snob, et plus sobrement titrée « Sous le volcan ».
Toutes ces fautes (et j'en passe) je ne les ai pas cherchées, elles m'ont sauté aux yeux parce que ce roman m'a beaucoup intrigué et que je l'ai lu attentivement. Résumons grossièrement : l'histoire se passe le jour des morts de 1938, dans une ville du Mexique. Lors de cette journée, Yvonne rejoint son mari, le Consul Geoffrey Firmin, après une séparation d'un an ; deux autres protagonistes interviennent : Hugh, le demi-frère du Consul et
Jacques Laruelle, un ami, tous deux amoureux d'Yvonne. Donc une histoire de jalousies plus ou moins déclarées, de reproches sourds et de vagues remords. Sans oublier, bien sûr, que le Consul est alcoolique et lorsque le lecteur adopte son point de vue, il plonge dans le pur enfer de cette maladie, les tremblements incontrôlés, le manque, les hallucinations, les bouteilles cachées, les mensonges, les drogues de substitution, les produits cosmétiques avalés pour leur taux d'alcool. Un cas pathologique extrême, raconté sans abus ni complaisance mais avec parfois une pointe d'autodérision, puisque Malcom Lowry était lui-même alcoolique. Cependant le consul encaisse bien, ce n'est pas une histoire d'ivrogne stupide ; plutôt gentil il n'a l'alcool mauvais que lorsqu'il boit du mezcal, ce qui n'arrive qu'un peu avant la fin.
Max-Paul Fouchet, dans la postface, en fait beaucoup à mon avis sur le côté kabbalistique du roman. Pour moi - qui ne connais rien à la kabbale -, ce n'est qu'une passion du Consul, dont il est peu question, une ou deux fois, je crois. Il est vrai que la symbolique des nombres et des noms propres est importante et on peut faire des lectures à plusieurs niveaux, puisque le politique, le sacré et l'individuel s'entremêlent. Il est quand même largement question de la déréliction. La séparation ne concerne pas que le Consul et Yvonne mais le Consul et presque le monde entier.
Quant au style de la narration, jamais tout à fait le même, il est très particulier. Souvent on passe par de longues plages descriptives, avec des ambiances et des environnements minutieusement restitués. Ce sont des descriptions tout à fait simples et belles. Je ne sais pas s'il faut aimer la vie pour en faire de telles mais il faut y être au moins attentif, avoir un reste de sérénité nécessaire à cette attention. A côté de cela, la narration devient parfois frénétique et chaotique, alors c'est une succession de ruptures déroutantes, des interruptions de pensées et de souvenirs ou de perceptions extérieures, des paroles entendues par hasard ou même de faux dialogues, des rêves. Et là c'est au lecteur de rester attentif s'il ne veut pas se perdre. Beaucoup de choses m'ont échappé.