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EAN : 9782283028025
464 pages
Buchet-Chastel (15/10/2015)
3.71/5   7 notes
Résumé :
" Chaque fois qu'il était tenté de succomber au désespoir, il s'était dit : Ô monde, tu ne m'as pas encore mis à genoux ! " Étudiant à Cambridge, secrètement écrivain et marin dans l'âme, Sigbjørn ne pense qu'à reprendre la mer. Son frère s'est suicidé et son père, armateur norvégien, a vu deux de ses bateaux faire naufrage. Pour ne pas que sa vie se fracasse elle aussi sur les récifs, Sigbjørn envisage une nouvelle traversée sur les flots de la mer Blanche, vers Os... >Voir plus
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Malcolm Lowry me fascine. Sa vie est impressionnante autant que son oeuvre. Derriere le masque de la fiction romanesque son perpetuel etat de detresse etreint le lecteur, le tenaille. Sous le volcan, son chef-d'oeuvre, prophetisait les modalites de son propre suicide. Parce que sa mort n'a pas ete un accident, comme on prefere la presenter, mais bien un suicide a mon avis, annonce de longue date, muri dans l'alcool, comme celle de Joseph Roth avant lui. Et ce livre, le voyage infini vers la mer Blanche, est pour moi une relation de sa jeunesse, ses essais de donner une direction a sa vie, ses quetes de sens, ses reves et ses desillusions. le titre original, In ballast to the White Sea, A vide vers la mer Blanche, est plus approprie. Il part a vide, vers un but lointain, ou il pourra enfin pressentir un avenir. En fait il n'est pas sur de la destination du bateau (il, c'est le heros du livre, Sigbjorn, mais pour moi c'est Lowry lui-meme), Arkhangelst ou la Norvege? Il va charger du bois ou rencontrer un ecrivain qu'il admire? Un ecrivain qui a ecrit le meme livre que lui, mais avant lui, et beaucoup mieux? le destin l'amenera en fin de compte a l'ecrivain.


En fait Lowry se raconte et se romance. Jeune, il admirait un auteur norvegien, Nordahl Grieg (que dans ce livre il nomme Erikson), et son livre “Le navire poursuit sa route”. Il s'est vraiment engage dans un cargo pour aller le rencontrer. Il voulait ecrire comme lui, le copier, le plagier, transposer son livre pour la scene. Et il a reellement fait ca plus tard, avec “Ultramarine”, qui s'affiche ostensiblement comme une reecriture du livre de Grieg, et meme un peu avec ce livre-ci.


Lowry est obnubile par Grieg. Et par Melville. Herman Melville, le grand ecrivain de la mer. Il y a enormement d'allusions a Melville. Des citations. Des plagiats de certains passages. Plus que ca: il se met dans ses pas. Sigbjorn, son heros, refait a Liverpool la trajectoire de Melville, et sa rencontre avec Hawthorne. Il boit dans la taverne ou a bu Melville: The Baltimore Clipper. Il repense les pensees de Melville. Il reve comme lui de visiter la Terre Sainte. de partir. Partir. Ne pas rester longtemps sur la terre ferme. Melville est pour Lowry le grand apotre, celui qui montre la voie, celui qui donne l'exemple. Et la fixation de Lowry avec la mer, a la suite de Melville, a la suite de Grieg, est intense, presque absolue.


Dans le livre, Sigbjorn Tarnmoor, un anglais d'origine norvegienne, se sonde. Son frere jumeau, Tor, s'est suicide et il n'a rien fait pour l'en empecher (est-ce donc un assassinat?). Son pere, armateur, est en faillite et est peut-etre responsable de la mort de nombreux marins. Sigbjorn a ecrit un livre pour s'apercevoir, trop tard, que quelqu'un d'autre l'a deja ecrit, et mieux que lui. Il ne sait que faire, vers ou se tourner. Tout a deja ete fait, tout a deja ete ecrit. Il tangue, en fait tout le livre tangue entre l'Appel au large de Melville et l'amortissement rapide du voyage, a l'instar du “A rebours” de Huysmans. Il decide de s'embarquer comme soutier sur un cargo pour avoir le temps, en s'abrutissant au travail, de se chercher, de se comprendre, de decider de sa voie dans la vie. de se fuir? de fuir son entourage? Est-il un lache? La plus grande partie du livre est composee de dialogues, de discussions legerement philosophiques qui traitent de cette decision. Avec son frere, son pere, une amie (sa fiancee?) qui le quitte pour partir en Amerique, avec des rencontres de hasard. Toutes ces discussions ne l'aident en rien, au contraire, elles ne font que le torturer, qu'approfondir ses doutes. Quand, en fin de compte, il embarque et arrive en Norvege, il reussira a rencontrer son ecrivain. Ils parleront. Il croira pouvoir conclure leurs debats en disant: “J'ai decouvert que l'homme peut renaitre". Mais l'autre lui retorquera: “Mais tu as aussi decouvert que dans la vie seulement peu de gens sont importants. Et il se peut que tu ne sois pas l'un d'eux…”. Tout est a repenser, sinon a refaire…


Tous ces denses dialogues sont destructures par des descriptions tres pointilleuses des environs de l'universite de Cambridge, de la vieille ville et le port de Liverpool (c'est a tracer une carte exacte, du King's Drive jusqu'au Pier Head, de la place de la Bourse avec la statue de Nelson jusqu'au quai de Brocklebank, ou tous les pubs seraient soigneusement indiques), du petit port de Preston, envahi par des decharges sauvages de ferraille et autres debris industriels, mais aussi de la campagne, du paysage agricole du Lancashire, vu d'avion ou des fenetres d'un train.


C'est donc un livre tres touffu. Une foret. D'une lecture tres ardue. On peut s'y perdre. C'est peut-etre du au fait que Lowry ne l'a pas fini et qu'il pensait peut-etre le retravailler. Mais le livre a ete consume dans un incendie et Lowry le pensait perdu a jamais. Il l'a beaucoup pleure. Ce n'est que longtemps apres sa mort qu'un manuscrit incomplet a ete trouve chez sa belle-mere, que des editeurs ont complete d'apres ses notes. Et on est en droit de se demander si Lowry avait vraiment oublie l'existence de ce manuscrit ou s'il l'avait sciement mis de cote, abandonne. S'il a souffert d'une amnesie aigue ou s'il a occulte deliberement l'existence du manuscrit. Ce que nous savons c'est que sa supposee disparition lui a servi a pleurer, jusqu'a sa mort, une oeuvre sur laquelle il avait travaille de tres longues annees et qu'en son esprit il portait aux nues. Mais pleurait-il sa perte ou son incapacite a la reprendre? Une maxime talmudique me taraude: “Celui qui pleure exagerement un mort pleure un autre mort". Que pleurait Lowry? Son manuscrit? Sa vie? Que cachait ce pleur? Que voulait-il signifier par cette attitude, si theatrale, et de si longue duree? Je me permets d'utiliser, en guise de reponse, la phrase de Sigbjorn qui clot ce livre: “Mon Dieu! Comment vais-je vivre sans ma detresse?”.


Ce livre est comme un marathon. Meme quand on s'y prepare, il y a des moments difficiles, des moments ou on pense decrocher, mais quand on franchit la ligne d'arrivee, le point final, on est submerge par une vague de satisfaction, de bonheur, de fierte egalement. Pour moi ce parcours aura ete evident, meme si pas aise, car Lowry me fascine. Sa vie me fascine. Son oeuvre, oeuvre/vie, me fascine. Puis-je conseiller le livre? J'hesite. A ceux qui connaissent deja Lowry? Surement, bien qu'avec des reserves, car il est loin d'atteindre les hauteurs de Sous le volcan.
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« le Voyage Infini vers la Mer Blanche », un roman de Malcolm Lowry, traduit par Martine de Clercq (2015, Buchet Chastel, 462 p.) de « In Ballast to the White Sea ».
A nouveau, un manuscrit perdu, puis retrouvé. C'est la traduction de ce roman inachevé, édité par une équipe de chercheurs de « University of Ottawa » avec une introduction de Patrick McCarthy et annotée par Chris Ackerley.
La nouvelle est écrite au Canada entre 1942 et 1944, pendant les années les plus heureuses et les plus fructueuses de Lowry. Elle révèle l'expérience de sa guérison et la profonde influence de sa retraite idyllique à Dollarton.il faut dire que Malcolm et Jan Gabrial, mariés en 1934 à Paris, se séparent en 1937 lors du voyage tumultueux au Mexique, avant d'être été emprisonné, puis expulsé du Mexique en juillet 1938. En 1939, à Los Angeles, il rencontre Margerie Bonner, une écrivain en herbe et ancienne enfant star du cinéma muet. Elle le suivra au Canada et deviendra sa seconde épouse. En 1940, Malcolm et Margerie louent une petite cabane d'estran à Lazy Bay, près de Vancouver, devenue plus tard une partie de Cates Park de Dollarton/Whey-ah-Whichen. C'est une banlieue extérieure de Vancouver sur la rive nord de Burrard Inlet. Il y avait une pièce assez grande, des fenêtres sur trois côtés et un porche sur le devant. La cabane a été construite juste au dessus du rivage sur des pilotis pour résister aux marées montantes. C'est là qu'il écrit la majeure partie de « Under the Volcano » et surtout « In Ballast to the WhiteSea ». le Canada représente pour Lowry un paradis nordique, Il en parle dans ce livre « Il me semble nous voir vivre dans un pays du nord, des montagnes et des collines et de l'eau bleue ». En 1958, les cabanes des squatters ont été supprimées et le parc a été créé. Mais la destruction de sa cabane par un incendie le 7 juin 1944 est aussi l'emblème d'un paradis perdu. L'essentiel de « Under the Volcano » est sauvé mais la version quasi achevée du texte de « In Ballast to the White Sea », part en flammes. C'était devenu une refonte de 1 000 pages, soit neuf ans de travail littéraire, que Lowry n'a plus jamais réécrit. Ce manuscrit disparu – comme d'autres dans la vie de l'auteur – ne sera désormais plus évoqué que pour nourrir la légende d'écrivain maudit qui suit Malcolm Lowry comme son ombre. Il faudra attendre la disparition en 2001 de Jan Gabrial, la première femme de Lowry, pour découvrir qu'un exemplaire carbone d'un premier jet avait été déposé chez les parents de Jan, avant que le couple n'entame son fameux voyage au Mexique. C'est à partir de cette copie que les chercheurs d'Ottawa ont rétabli le texte. C'est la première édition du texte, édité par Patrick A. McCarthy et annoté par Chris Ackerkey « In Ballast to the White Sea. A Scholarly Edition » (2014, University of Ottawa, 464 p.). On peut y ajouter 13 autres articles édités par Helen Tokey et Bryan Biggs, « Remaking the Voyage: New Essays on Malcolm Lowry and “In Ballast to the WhiteSea”» (2020, Liverpool University Press, 240 p.).
Pour les amateurs, on pourra y ajouter les autres volumes publiés par Ottawa University Press. Tout d'abord « Swinging the Maelstrom. A Critical Edition » édité par Vic Doyen qui analyse « The Last Address » et « Swinging the Maelstrom » (2013, University of Ottawa, 208 p.). Puis « The1940 Under the Volcano A Critical Edition » édité par Miguel Mota et Paul Tiessen (2015, University of Ottawa, 584 p.), ainsi que « Malcolm Lowry's Poetics of Space” C, édité par Richard J. Lane et Miguel Mota (2016, University of Ottawa, 300 p.). Auparavant « La Mordida » édité par Patrick A. McCarthy (1996, University of Georgia Press, 400 p.). Bonne lecture.
Le roman explore déjà tous les grands thèmes chers à Lowry – la fascination de la mer, la question du double, l'addiction à l'alcool. Il s'affirme dès lors comme une importante pièce du puzzle bibliographique de Malcolm Lowry. le roman est toutefois dédicacé à Jan Gabrial. Ce mois de juin 1944 est marqué par la mort de son ami Nordhal Grieg, les derniers moments de son père à Liverpool, et en plus l'incendie de la cabane de Dollarton. « Mais on tient bon & on garde le moral – les oiseaux, comme vous dites, n'arrêtent pas de chanter ». Pas de référence au débarquement de Normandie, qui va marquer le début de la fin de la guerre. C'est trop loin de Vancouver. Pas plus, non plus de référence à ce qui va se passer sur le front Est après Stalingrad, l'invasion du Reich et la montée du stalinisme, avec son cortège de Goulags. C'est encore une alternance au système capitaliste qui règne en Occident.
Brièvement résumé, le roman est l'oeuvre la plus ambitieuse de Malcolm Lowry du milieu des années 1930. Inspiré par son expérience de vie, le roman raconte l'histoire mais en est venu à croire que son livre et, en un sens, sa vie ont déjà été écrits. le roman tient compte de celui de Nordahl Grieg « le Navire poursuit sa route » (2020, Cambourakis, 223 p.), mais aussi de Conrad Aitken « Blue Voyage » (1927), autre référence de Lowry, bizarrement traduit par Patrice Repusseau en « Au-Dessus de l'Abysse » (2001, Gallimard, L'imaginaire, 476 p.).
Dans l'oeuvre de Malcolm Lowry, il faut plutôt se référer à la « Divine Comédie » de Dante, avec « Under the Volcano » comme « Inferno » et ses scènes dramatiques entre le Consul et sa femme. « Swinging the Maelstrom », publié à titre posthume, à propos de Bill Plantagenet, un pianiste alcoolique en séjour au Bellevue Hospitalé, asile psychiatrique de New York, devait être « Purgatorio », et « In Ballast to the White Sea » formant la conclusion comme « Paradiso ». C'est, du moins l'opinion de l'excellente analyse de Catherine Delesalle-Nancey « La Divine Comédie Ivre » (2019, Michel Houdiard éditeur, 192 p.). On notera au passage les 17 chapitres, plus un non numéroté (du moins dans la traduction française), soit l‘équivalent de ceux d'« ulysses » de James Joyce. Ce qui en fait des chapitres en moyenne de 25 pages, en fait entre 10 pour le chapitre 14 et 134 pour le chapitre 10.

Retour à « le Voyage Infini vers la Mer Blanche ». Un étudiant de Cambridge aspire à devenir secrètement écrivain alors qu'il est marin dans l'âme, Sigbjørn ne pense qu'à reprendre la mer. Il passe une nuit arrosée avec son frère Tor, qui lui annonce qu'il envisage de se suicider. Sigbjørn se moque du commentaire de son frère, doutant de sa sincérité, et l'encourage verbalement à y renoncer. Cependant, son frère se tue alors que la compagnie maritime du père de Sigbjørn a une série d'accidents et perd deux bateaux qui font naufrage. Ces circonstances peuvent, ou non, avoir été conçues pour des questions d'assurance.
Sigbjørn est en train d'écrire un roman, mais il découvre un livre « Skibets Reise Fra Kristiana » (Le Voyage du Navire depuis Kristiania) déjà publié par le romancier Erikson qui ressemble étrangement à son projet. C'est le thème du double, thème qui obsède Lowry. On retrouve un autre Sigbjørn, Wilderness, cette fois, dans « Sombre comme la tombe où repose mon ami » (1987, Denoel, 299 p.)
Il s'inscrit cependant sur un navire de fret. Il voit l'un des navires de son père, le « Thorstein » brûler alors que son navire entame une traversée sur les flots de la Mer Blanche, vers Oslo où vit son modèle, le romancier Erikson. Il change alors de destination et arrive en Norvège, pays de l'écrivain qui a pré-écrit son livre. Il le retrouve et deviennent amis.
Lowry a été accusé d'avoir plagié le roman de Nordahl Grieg (1902-1943), lointain cousin du compositeur Edward Grieg. Lowry a en fait admis dans une lettre à Grieg en 1938 qu'« une grande partie de son premier roman « Ultramarine » est « une paraphrase, un plagiat ou un pastiche de votre part ». Rien de bien commun entre Benjalin Hall et Sigbjørn Tarnmoor. On retrouve d'ailleurs ce dernier avec Tor, deux étudiants de Cambridge, tout comme Malcolm. quoiqu'il en soit, on ne peut comparer l'initiation ou l'amarinage à bord de l'« Oedipus Tyrannus » avec « le Mignon » cargo transportant toutes sortes de choses, naviguant de port en port, et laissant les hommes confrontés leurs rêves à la réalité lors d'escales plus ou moins heureuses.
Nordahl Grieg s'est engagé à dix-huit ans comme mousse sur un cargo. Il en a tiré de cette expérience ce récit maritime à la fois exalté et terrible. À sa publication en 1924, le navire poursuit sa route valut à son auteur une reconnaissance littéraire immédiate. Cependant le livre provoque aussi le ressentiment de ses compatriotes norvégiens, qui n'apprécièrent guère de voir décrites les vicissitudes des marins. En effet, si Nordahl Grieg sait glorifier le courage de ces hommes, il s'attache aussi à montrer leurs souffrances, mais aussi leurs joies quotidiennes. Il n'est cependant pas aveugle à la brutalité de cet univers masculin, où la solidarité qui est de règle s'effrite parfois devant les coups du sort. « le navire poursuit sa route » devient alors la phrase titre du livre, qui revient comme un leitmotiv. C'est le destin des individus, face à la puissance écrasante du bateau, machine à broyer les hommes. Rappeler que l'on est en 1924, et que l'ouvrage était une attaque contre l'exploitation des gens de mer par l'industrie du transport maritime. A cette époque, Nordahl Grieg milite alors au parti communiste. Il sera en 1927 le correspondant d'un journal en Chine, où il est témoin de la guerre civile entre le Kuomintang et les communistes. de 1933 à 1935, il vit en Union soviétique, où il a été officiellement invité à étudier les techniques de la scène et du film soviétiques. À son retour en Norvège, il est devenu un ardent partisan de la politique de Joseph Staline et est devenu président des Amis de l'Union soviétique (1935-1940).
On retrouve cette affinité chez Lowry, notamment dans le chapitre 3, qui marque la fin du communisme. En particulier, dans une lettre à son ami Downie Kirk, Lowry écrit « le communisme par sa nature même contient en lui les germes de sa propre destruction, donc d'ici 1989, disons, tout devrait être beau ». Il revient au chapitre suivant sur la prolifique littérature russe, alors qu'il est, lui-même, un ardent amateur de cinéma soviétique et observateur attentif de l'attrait croissant du communisme et du fascisme. Il est cependant convaincu de la fragilité d'un monde en équilibre entre les forces du capitalisme, du communisme et du fascisme. « Serait-ce que pour nous la Russie représente le futur et la Norvège le passé ». On est dans les années 1940, les années des purges et déportations staliniennes sont encore à venir et à découvrir. Un peu plus loin. « je verrai la Russie où l'on construit le futur à coups de marteau » et la faucille, alors, c'est pour couper les têtes ? Il était beau le futur vu au sortir de la guerre. Ceci dit, au cinéma, on projette « Les derniers jours de Saint Pétersbourg » de Poudovkine. Un film où un humble paysan vient à la ville, à l'usine. Les ouvriers se mettent en grève et dénoncent leurs conditions de travail. le paysan, quant à lui, et docile et accomplit consciencieusement son travail. Mais, indirectement, il fait arrêter un ami de son village. Il partira à la guerre et en reviendra, prêt à faire la révolution. On savait Malcolm Lowry assez banché sur le cinéma soviétique de propagande.
Auparavant, il énumère les soirées estudiantines des deux frères à Cambridge, leur désir décrire ou d'embarquer. Un second chapitre consacré aux navires. Longue histoire d'écriture maritime qui utilise des navires pour critiquer des structures matérielles et culturelles plus larges. Séparation ou ségrégation de l'équipage selon leur origine sociale et économique. Les différences entre leurs attentes et leur expérience de la vie à bord forment la base des classes dominantes de la mer. C'est toute une histoire sociale et politique, que l'on retrouve moins exposée par la suite dans ses livres. En fait cela reprend la scène dans « Ultramarine » (1965, Denoel, 265 p.) quand la limousine de son père, grand marchand de laines à Liverpool, le dépose sur le quai avant d'embarquer comme simple matelot.
Puis viennent les références norvégiennes, avec une vingtaine de lettres à Hr William Erickson, dans laquelle il cite Herman Melville et son amitié pour Nathaniel Hawthorne. Il s'introduit en tant que Sigbjørn Hansen-Tarnmoor, d'origine norvégienne, né à Kristiansand, puis Christiania, devenue depuis « Oslo, la ville sur le marais ».
Conversations ente le père et le fils, où l'on en vient à parler de Moby Dick. « Mais toute la pêche à la baleine est passée entre les mains des Norvégiens » résultat « Oslo est le nouveau Nantucket ». D'ailleurs, « la société capitaliste porte en elle ses propres présages rouillés de désastre comme la baleine criblée de lances, affaiblie par ses blessures avant de subi l'assaut final ».
On sait que Malcolm Lowry est né sur la péninsule de Wirral, dans l'ouest du Lancashire, une région colonisée par les Vikings depuis 902, quand ceux-ci ont été chassés d'Irlande. On a donc suggéré que cette lointaine ascendance pouvait être la cause de la fascination de Malcolm Lowry pour tout ce qui concernait la Norvège. Il y est question de « Thurstanetone », la ville des Thorstein, maquée par des ruines dont la pierre de Thurtstson Common, relique Viking.
De plus Malcolm est né un 28 juillet, une date chérie des Norvégiens car marquant le début des festivités du festival d'Olsok. le festival commémore la mort de Saint Olaf II Haraldsson, roi de Norvège en 1930 lors de la bataille du Stiklestad, fondateur de l'église chrétienne à Nidaros, aujourd'hui Trondheim. C'est la bataille centrale de la christianisation de la Norvège puisqu'elle opposa le sud chrétien au nord païen. On retrouve cette attraction pour le catholicisme dans les conversations entre le capitaine Olaf Hansen-Tarnmoor et Sigbjørn. « Je sens en toi un fort penchant pour le versant mystique de la religion catholique »
C'est aussi l'attirance vers le livre de Nordhal Grieg «Skibet gaar videre » le Navire poursuit sa route », que Malcolm découvre et lit chez Conrad Aiken en 1929. C'est l'époque où Lowry écrit « Ultramarine », qui narre ses premiers embarquements. L'épisode fait plus ou moins allusion à l'écriture, via l'auteur improbable William Erikson, dans la série de lettres, non finies ou non-envoyées que l'on retrouve dans le chapitre 4.
Enfin, il y a chez Malcolm Lowry l'attrait du double, tout comme cela se retrouve chez son maitre à écrire Herman Melville. Chez ce dernier c'est « Pierre ou les Ambiguités » traduit par Pierre Leyris (1999, Gallimard l'Imaginaire, 592 p.). bien que le contexte soit quelque peu différent. Un trio entre Pierre Glendinning, Lucy Tartan, sa fiancée, et Isabel Banford, qui se révèle être sa demi-soeur. La mère Glendinning Stanley dominatrice, qui contrôle le domaine et supervise le tout, depuis son veuvage du père, Pierre Sr.
Chez Lowry, c'est un double en contraste. « Sigbjørn s'attendait à trouver son double, mais Erikson est au contraire son parfait opposé. Alors que Sigbjørn est blond, Erikson est brun. le premier est d'aspect robuste, de taille moyenne avec de larges épaules, alors que l'autre est grand et mince, d'apparence fragile, tragique même ». de plus, le premier est plus ou moins égocentrique alors que le second est très ouvert. C'était déjà le cas entre Sigbjørn et son frère Tor « un double magnétisme semblait vouloir renvoyer les deux frères aux pôles distincts de leur destinée océanique ».
Il y a de nombreuses pages sublimes et évocatrices, qui retracent des paysages du nord industriel de l'Angleterre ou de la Norvège glaciale, telle « une toile de neige se tissait lentement dans l'air au-dessus de Sigbjørn », et « laissant dans son sillage un écheveau de brume duveteuse ». Ou encore « Les flocons de neige voletaient comme un millier de manuscrits en lambeaux jetés des fenêtres du passé ». Ou elles décrivent des intérieurs de pubs, de bars « La Patte'Ours » ou « Les Trois Souris Blanches » et de bateaux.
Les trois derniers chapitres sont de toutes évidences des textes encore à l'état de brouillon et dénotent une fin tronquée. le bateau sur lequel se trouve Sigbjørn n'ira finalement pas à Arkhangelsk, mais se rend à Ålesund, son port d'enregistrement.
Les éditeurs n'ont pas cherché à améliorer le texte, ils ont plutôt essayé de reproduire, à partir du manuscrit de Jan Gabriel, un texte ressemblant le plus possible au brouillon de Lowry. Les détails sont parfois excessifs, comme ceux décrivant chaque trou d'un parcours de golf lors de la partie ente le père et le fils. « Ils descendirent ensuite le dur fairway du quatrième trou. […] Au trou suivant, […] son père tapa un superbe drive […] avant d'arriver au septième tee ».

A part cela, c'est toujours une bonne chose que de pouvoir lire, enfin, cette partie de la trilogie écrite par Malcolm Lowry.
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