Face aux dessinateurs de mangas qui sortent 48 pages en 2 semaines et face aux dessinateurs de comics qui sortent 48 pages en 2 mois, il est difficile de fidéliser un public avec des dessinateurs de bandes dessinées qui font 48 pages en 2 ans… Donc de plus en plus d'éditeurs ont opté pour la formule gagnante de la collection thématique où interviennent plusieurs auteurs (les puristes crient à l'hérésie, mais il fallait bien trouver une solution pour ne pas dépérir encore davantage face à la concurrence). C'est dans cette optique que Vent d'Ouest après avoir lancé la collection « J'ai Tué » lance la collection « Communardes ! » dédié aux figures féminines de
la Commune (les classes populaires abandonnées par les élites durant le dur siège de la capitale entre septembre 1870 et janvier 1871, ont refusé la reddition d'un gouvernement autoritaire, conservateur et quasi royaliste, pour s'autogérer sur un modèle socialiste entre mars et mai 1871… avant la boucherie ordonnée par cette ordure d'
Adolphe Thiers !)
J'observe depuis quelques années une forme de radicalisation de la culture populaire avec une forte résurgence des thématiques liées à lutte des classes dans tous les médias, et je suis persuadé que cette collection appartient à ce mouvement. Car après tout,
la Commune est un lieu de mémoire tellement fort qu'il a su plus que résister à l'aseptisation MEDEF-compatible de l'enseignement de l'Histoire (ce qui génère à chaque génération d'élève des « hein, on nous aurait menti à l'insu de notre plein gré ? »)…
Pour ce tome 2,
Wilfrid Lupano a décidé de faire dans les tranches de vie à la "Rémi sans Famille" / "Princesse Sarah" (remember les chialades quand vous étirez gosses ^^) : pendant le rude siège de Paris, nous suivons les galères d'Octavie Granger et sa fille Victorine qui ne manquent aucun des meetings de
Louise Michel et
André Léo prêchant l'égalité absolue entre hommes et femmes.
Octavie qui a raté le coche avec la Batailles des Amazones de la Seine, traîne sa misère dans les ateliers de confection de montgolfières avant de tenter sa chance comme cambrioleuse et d'être rudement rappelée à la réalité par un passage à tabac…
Victorine de plus en plus livrée à elle-même, met en application les idées féministes en prenant la tête d'une troupe de garnements patriotes avec l'ambition de transformer ses amis éléphants Castor et Pollux en machines de guerre antiprussiennes…
Confrontées aux difficultés et aux désillusions, elles se voient obliger de demander de l'aide à tatie Jeannon la prostituée… Et là, j'ai trouvé que la fin arrivait un peu vite et ne débouchait sur pas grand chose, mais c'est un peu la limitation de ce genre de récits. A la limite les fameux éléphants rouges seraient presque un McGuffin car ils sont peu prégnants par rapport au côté tranche de vie : on aurait pu développer le master plan de Victorine qui se nourrit de la légende d'Hannibal Barca au lieu de s'attarder sur le passage de la mère et la fille au lupanar.
Je n'ai pas rencontrées d'affinités particulières avec les dessins de
Lucy Mazel dont le travail sur l'encrage et la colorisation m'a semblé aller en se bonifiant au fur et à mesure que les pages défilaient. Sa technique est assez proche de ce qui se fait dans l'animation, et je suis persuadé que cette bande dessinée pourrait facilement devenir un chouette long métrage.
Les dernières images sont ambivalentes par leur non dit :
Victorine abandonne-t-elle ses rêves d'enfant pour devenir adulte ?
Victorine revenue au réel fait-elle ses premiers pas vers la radicalisation ?
Victorine la haine au coeur bascule-t-elle finalement du Côté Obscur de la Force ?
Car entre les rupins qui se remplissent la panse dans les restos chicos tandis que le commun des mortels se content de chiens et de chats (quand ils ne se battent pas pour un rat !), et les thénardiers habituels qui profitent des uns et exploitent les autres, on aurait bien envie d'accrocher un drapeau rouge à sa fenêtre !!!
Pour un peu, j'attendrais presque un "Vingt ans après"… blink