Imaginez une cité bâtie entre mer et estuaire, en un entrelacs d'îles et de canaux. Imaginez des parcs, des collines et des marais, des palais, des masures et des ruines, bâtis sur les vestiges merveilleux d'une civilisation disparue depuis des lustres.
Imaginez un vieux cimetière abandonné, truffé de caveaux et de galeries souterraines. C'est là qu'a élu domicile le Faiseur de Voleurs, vénérable vieillard qui recueille les orphelins de la ville pour les former aux arts subtils de la Fauche et de la Cambriole, avant de les revendre aux diverses bandes de la pègre locale.
Son élève le plus doué ? Un petit gosse maigrelet du nom de Locke Lamora, du genre qu'on peut croiser dix fois sans jamais se rappeler l'avoir vu. Doué, à vrai dire, il l'est même un peu trop, pour son propre bien comme pour celui des autres, et son talent remarquable pour l'entourloupe force vite son maître à se débarrasser de lui. S'il ne finit pas cette première fois gorge tranchée au fond d'un canal, c'est que l'avenir lui réserve bien d'autres joyeusetés, beaucoup plus originales.
Entre temps, il sera devenu avec sa petite bande - les Salauds Gentilshommes - le plus grand voleur de la ville. le plus grand, et le plus méconnu. Une ombre sans visage, une rumeur que ses victimes osent à peine évoquer, honteuses de s'être fait si somptueusement baiser. le petit Locke Lamora a bien changé, mais sa capacité à attirer les pires emmerdements a grandi à la mesure du reste. Alors qu'il monte une splendide arnaque contre un patricien des beaux quartiers, une guerre sans règles et sans pitié se profile dans la pègre de Camorr, qui va bientôt lui imposer le rôle délicieux du truc coincé entre l'enclume et le marteau.
Vous aussi, vous avez lu Oliver Twist et copieusement grommelé en voyant ce fichu mioche rester aussi pur et innocent à travers ses déboires ? Vous allez adorer Locke Lamora, aussi menteur, roublard, grande gueule et réjouissant que l'autre était honnête, vertueux, timoré et ennuyeux. Pas mauvais garçon avec ça, ami des plus fidèles, probe à sa manière, sympathique et accrocheur, à la manière d'à peu près tous les personnages de l'histoire. Bon, tous ne sont pas exactement sympathiques, mais même les méchants très méchants ont un background suffisamment étudié pour avoir de la gueule et de la consistance.
Ajoutez à cela un univers bien travaillé, assez fascinant, et un scénario extrêmement bien fichu, qui entremêle aux aventures présentes des Salauds Gentilshommes des fragments judicieusement choisis de leur passé, de leur éducation, et de l'histoire de la ville, enrichissant et affinant sans cesse la trame principale du récit tout en cultivant le suspense. Dosez un parfait mélange d'humour et de noirceur, de désinvolture et d'émotion, pimentez le tout de dialogues truculents et d'insultes fleuries, et vous obtenez un roman d'aventures assez enthousiasmant, qui vous donne envie de vous jeter illico sur la suite. Ne serait-ce que pour savoir ce que
Scott Lynch va encore bien pouvoir trouver à infliger à ses personnages, envers lesquels il déploie des instincts sadiques qui doivent faire l'admiration de
George Martin lui-même, même si la torture est chez lui un peu moins subtile et beaucoup plus trash.
Ca tombe bien, j'ai justement le tome 2 sous la main !
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