Le commerce des allongés raconte l'aventure d'un jeune commis de cuisine, Liwa Ekimakingaï, qui a trouvé la mort à cause d'une mauvaise rencontre faite dans un bar la nuit de la fête d'indépendance. Cette mort incompréhensible suscite un fort désir de vengeance malgré les avertissements des anciens, occupant le cimetière « Frère-Lachaise », sa dernière et éternelle demeure.
Dans une Pointe-Noire plongée dans les pratiques occultes : le sacrifice des albinos par des guides religieux pour renforcer leur pouvoir spirituel, les sacrifices gémellaires des hommes politiques pour obtenir le pouvoir, les infanticides pour garder le pouvoir, la mort est tout sauf naturelle. de plus, les artistes qui, au lieu de rechercher le succès par le travail empruntent des chemins de traverse et sont contraints de sacrifier une partie du corps invisible ou non au profit d'une fulgurante ascension.
C'est dans cette Pointe-Noire que vit Liwa avec sa grand-mère Mâ Lembe dont l'histoire n'est pas des plus simples. En effet, traitée de « cuisse légère du gendarme » pour avoir été enceinte d'un gendarme qui a pris la fuite, elle s'installe à Pointe-Noire où elle se lance dans le commerce et les tontines pour assurer toute seule la survie de sa fille Albertine. Son commerce et ses activités parallèles lui permettent de s'acheter une parcelle qu'elle construit. Elle perd sa fille sur le lit d'accouchement et se retrouve à élever seule son petit-fils dont elle ignore le père. Dans son désir de lui donner le meilleur, elle paie son abonnement à la bibliothèque, l'oriente vers la voie de Dieu à l'église « Grâce à Dieu » et va jusqu'à coucher avec le jardinier pour lui assurer un emploi au Victory Palace.
Dans cette situation complexe, juste le temps d'un soir, Liwa rencontre Adeline qui n'est autre que Samantha, tuée par son père pour obtenir le poste de directeur du port maritime de Pointe-Noire. Elle jette son dévolu sur Liwa et fait de lui son vengeur. Elle savait que la sorcière
Angelou qui veille sur son père le lui informera et que son père dans le but de garder sa réputation se débarrassera de Liwa. Ne pouvant accepter une telle mort, Liwa reviendra se venger de son meurtrier, vengeant par la même occasion Adeline qui décida de se lier à lui pour le restant de leur mort.
La lecture du Commerce des allongés nous garde dans l'univers d'
Alain Mabanckou, tombé enceinte d'un gendarme qui a pris la fuite, la dynamique des commerçantes au grand marché de Pointe-Noire, les rites autour de la mort, la promenade funéraire, le pouvoir des jumeaux. Mais un univers revisité, d'un côté des personnes qui se battent pour leur survie mais qui deviennent des victimes collatérales d'autres personnes avides de pouvoir qui se livrent à des pratiques occultes comme dans les sphères de pouvoir politique, religieux et les artistes.
Le commerce des allongés reste fidèle au style enjoué et aux reformulations particulières qui sont la signature d'
Alain Mabanckou « les choses que je ne vais pas dire ici(…) » et cette tendance à établir des liens avec d'autres livres ou textes comme la mention de l'hôtel « la vie et demie ». Les noms des personnages farfelus pour les uns mais drôlement représentatifs pour ceux qui parlent les langues véhiculaires du
Congo Brazzaville. Cependant, l'on constate une prise de risque avec le personnage de Prosper Milandou
Si le rêve le plus long de ta mort du commerce des allongés m'a mis dans une impression du déjà-vu car étant habituée à l'univers d'
Alain Mabanckou, les deux autres parties : Au Frère-Lachaise et Au Cérémonial ont réussi à me transporter, à m'émouvoir et à me faire prendre conscience que derrière les apparences d'une jolie femme (ou d'un joli garçon) peut se cacher un revenant.
Alain Mabanckou est sans nul doute un très grand écrivain. Serait-ce une extrapolation en disant que c'est le plus grand de sa génération ?