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3,6

sur 208 notes
Lire un Manbanckou, c'est comme retrouver un vieux pote de fac qui serait resté dans son univers tout en éclairant le nôtre avec une malice imparable. Dans cet opus, le conteur nous parle de la "révolution" du Congo en 77, par les yeux d'un enfant (pas si naïf). Son analyse factuelle, mêlée à tout ce que le quotidien apporte comme lot de choses à penser, est très forte. On voit concrètement comment la petite histoire est liée à la grande et réciproquement. Il saisit des détails truculents, nous rattrape avec des runnings gags, nous brosse le paysage d'un environnement en couleur, autant par l'humour que par les tensions entre les personnages. Certes, le contenu est lourd et grave, mais conté de cette manière, cela prend un tout autre chemin, d'autant plus prenant. Bravo l'artiste !
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Plongée dans la violence du Congo post décolonisation, la vision de Michel 11 ans du monde qui l'entoure que ce soit la famille, la rue et la ville. L'histoire est autant captivante que difficile. En tous cas, envie de découvrir d'autres romans d'Alain Mabanckou.
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Ce regard à hauteur d'enfant de 12 ans fonctionne à merveille, ça permet une drôlerie, un détachement, des émotions vives, tout en permettant également à Mabanckou de nous éduquer un peu sur l'histoire, la culture, les vies de son Congo Brazzaville, et de cette Afrique centrale spoliée par l'Occident.
Ou comment parvenir à donner des leçons sans faire la leçon.
Tout à fait réussi pour moi, je remercie l'auteur pour ce livre qui fait du bien et qui a certainement aussi dû être émouvant et amusant à écrire. Ca se sent. C'est communicatif.
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Mon avis est mitigé.
Certes, l'ambiance, le décor des rues de Pointe-Noire sont bien rendus. La description est toute sensorielle, du goût des plats de Maman Pauline aux bruits de la rue, à l'odeur du quartier. J'ai bien apprécié cette plongée dans la ville et dans le quotidien du jeune Michel.
Michel, le Narrateur, a cependant une voix singulière, qui m'a dérangée par moments, car pas assez - ou trop - caractérisée. Ainsi, on peut comprendre que c'est un jeune adolescent, collégien ou lycéen ; cependant, il parle parfois comme un petit enfant, puisque la satisfaction de ses besoins primaires est centrale chez lui : manger, dormir, regarder les filles, jouer avec son chien. Il paraît à première vue naïf, ignorant de ce qui se passe autour de lui ; mais en réalité, il a une certaine opinion politique, son père écoutant des radios étrangères et lui expliquant les choses. Cette naïveté n'est donc que feinte, Michel ne pleure pas véritablement la mort du camarade président, il feint de le faire, en cherchant à paraître le mieux habillé, allant même jusqu'à porter une chemise avec son portrait. Il a donc un regard critique et distancié. Je regrette que l'ironie, voire le cynisme peut-être, ne soient qu'effleurés, Michel aurait été plus intéressant en étant plus complexe, en montrant clairement ce qu'il pense. de plus, les réflexions sont trop didactiques, à visée pédagogique même : même si on ne connaît pas bien comme moi le contexte politique du pays, ni le président au pouvoir et les circonstances de sa mort, l'écriture cherche à tout nous expliquer, mais lourdement j'ai trouvé.
Autre reproche pour moi, le roman finit de façon assez abrupte, je n'ai pas senti la tension dans les dernières pages, le dilemme de Michel n'est pas assez creusé - alors qu'on aurait pu avoir une belle situation de dilemme cornélien, la famille ou la vérité.
J'aurai préféré finalement lire le roman de Michel, ses rencontres avec ses amis, sa famille, son quartier, plutôt qu'un roman qui mélange trop d'éléments si divers, en manquant de subtilité selon moi.
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Alain Mabanckou situe son livre en mars 1977 lorsque le "camarade président Marien Ngouabi", le chef de la révolution socialiste congolaise, a été assassiné.
C'est Michel qui raconte les 3 jours qui ont suivi et les répercutions sur les membres de sa famille.
La radio quant à elle relate les faits.
C'est un roman agréable à lire qui mêle informations, événements familiaux et anecdotes humoristiques de l'auteur.

Si j'ai bien apprécié l'humour, au fil des pages, j'ai trouvé que l'érudition de Michel 'collait' mal au portrait de cet enfant de 13 ans. Un grand paragraphe nous parle de Chirac… L'analyse politique du Congo n'est pas approfondie comme l'indique la 4eme de couverture.
Pour moi, ce n'est pas le meilleur roman d'Alain Mabanckou.

Quelques réflexions de Michel :
- Une radio ne doit pas mentir, surtout si elle a coûté très cher et que les piles sont encore neuves.
- La sagesse nous apprend que lorsqu'on coupe les oreilles,le cou devrait s'inquiéter.

NB : Roman lu en 2019
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Viens, assieds-toi, prends-toi un tabouret, je t'offre une bière, tu veux ? Presque minuit, l'heure des chauves-souris et des chats gris qui fouillent dans les poubelles de ce boui-boui. Viens, n'aie pas peur du noir, j'aime la pénombre, ça dissimule ma tristesse. Qu'est-ce que tu prends ? Une Sierra Nevada, jolie. le silence s'installe autour du comptoir, un instant évaporé loin du brouhaha de la piste de danse où les gazelles noires, de leur pagne coloré, bouge leur arrière-train de façon provocante, ces filles habillées comme si elles n'étaient pas habillées, on voit tout gratuitement, mais je ne vais pas m'étaler ici, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir...

Tu veux une deuxième bière mon histoire est longue et parler me donne toujours soif, à croire que mes mots viennent du désert. Pas si longue que ça, quoique ça fait longtemps que je n'ai pas revu mes cours d'anatomie, non mon histoire dure trois jours. Tu t'en souviens toi, de ces trois longues journées du samedi 19 mars 1977 au lundi 21 mars 1977. Oui, je vois, tu y étais aussi. A Brazzaville ? Moi, j'étais à Pointe-Noire, fier de mon uniforme d'écolier, de mes baskets à la mode Bruce Lee et de ma chemisette à l'effigie de notre bon camarade président Marien Ngouabi. Je me souviens que Papa Roger écoutait, sous le manguier, La Voix de la Révolution Congolaise, une bouteille de vin rouge à ses pieds. Maman Pauline devait préparer à manger, peut-être qu'elle faisait ses beignets, recette appliquée de cette jeune béninoise qui les vend aux abords du marché. Mais depuis plusieurs heures, il ne passait que de la musique soviétique. Alors de son Grundig Papa Roger est passé sur La Voix de l'Amérique, parce qu'il est bien connu que l'Amérique sait ce qui se passe parce qu'elle a des espions partout. C'est là qu'on a appris que notre bon camarade président Marien Ngouabi s'est fait lâchement assassiner à 14H30, une heure où la sueur dégouline pour qui ne fait pas la sieste... et que Papa Roger a recraché son vin rouge...

Car ce soir, le Congo a peur. La radio ne le dit pas mais je le sens dans les yeux de Maman Pauline ou la sueur de Papa Roger. Dans la rue, les cris des enfants en train de jouer ont été remplacés par des tirs de kalashnikov. D'ailleurs, il n'y a plus d'enfants. Plus aucun klaxon venu claironné à la nuit tombée ; Il n'y a plus de voitures non plus, sauf des convois militaires ou miliciens venus ramassés des individus apeurés ou des corps fusillés. Même dans les bars où les plus belles femmes noires s'assoient attendant qu'un vieux aux cheveux gris viennent lui poser sa main sur sa croupe en lui demandant ce qu'elle boit, ces corps d'ébène se retrouvent figés dans la stupeur et la tristesse. Ils ne bougent plus alors que des corps comme ça, luisant de sueur et de chaleur, sont là justement pour faire pétiller le regard des messieurs mais je ne vais pas m'étaler ici encore une fois, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir...

Alors j'allume une dernière fois la radio, fini les beaux discours, place à la musique. Les cigognes s'envolent. Et là, je revois enfin le sourire de tous ces beaux culs immortels danser devant mes yeux.
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Récit du coup d'état de 1977 au Congo à hauteur d'un collégien, clairvoyant et facétieux qui nous met face à nos incohérences d'adulte. Une belle plume chantante entre la réalité et les rêves d'un adolescent futé qui ne s'en laisse pas totalement conter.
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Le narrateur est jeune (12 ans environ ?). Il raconte son quotidien au Congo-Brazzaville, et l'irruption de la violence dans sa vie quand le président sera abattu lors d'un coup d'état.
Le propos, parfois naïf, m'a un peu agacée, mais il ne faut pas perdre de vue l'âge du narrateur. Ce qui n'est pas évident, vu la complexité des informations politiques qu'il donne (on s'y perd un peu).
N'empêche que c'est agréable à lire, et intéressant de découvrir le vécu d'un jeune Congolais en 1977.
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J'ai aimé retrouver Alain Mabanckou sous les traits de Michel. Comme dans petit piment on retrouve la vie à pointe noire. On plonge dans la vie du Congo des années 70. La chute du régime, la vie dans le pays à travers le regard naïf d'un adolescent...
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1977 au Congo-Brazzaville. Plus précisément les 19,20 et 21 Mars.
On retrouve Michel déjà rencontré dans « Demain j'aurais vingt ans », sortant de son certificat d'étude. Il semble tête en l'air mais observe son monde, le questionne, l'écoute à travers les actualités internationales que diffuse la radio Grundig, comparant et critiquant du haut de son jeune âge le pendant propagandiste martelé par les ondes de l'état.
Il habite toujours Pointe-Noire avec maman Pauline et Papa Roger.
Maman Pauline est une redoutable mais respectée commerçante de banane mais soumise aux lacunes d'un état naissant, omnipotent mais en même temps dépassé par le manque de formation de sa population pour faire tourner les reliques industrielles comme le chemin de fer par exemple.
Élevant la scolarité en point d'orgue de son éducation « poli », il se nourri également des voisins qui distillent les codes sociaux et entraide tel Mâ Moudoubi la marchande du quartier et ressent les affres post coloniaux des nantis qu'il appelle « les capitalistes noirs », petit nombre s'enrichissant au détriment du reste de la population.
Le récit alterne entre candide géopolitique, descriptions du régime communiste, la décolonisation récemment débutée et le portrait du chef suprême de la révolution congolaise Marien Ngouabi.
Donc en ce 17 Mars 1977, la Grundig annonce l'assassinat du chef de la révolution et c'est l'occasion pour Michel de voir débarquer de la capitale Brazzaville, trois oncles venant colporter la peur et le malheur sur la famille parce qu'un frère par alliance de Mama Pauline s'est trouvé accusé et condamné pour contestation du pouvoir.
S'en suit un dilemme pour respecter le mort et les rites funéraires sans risquer de mettre en danger la famille élargie forcément coupable de traitrise aux yeux du régime despotique cherchant des bouc-émissaires à un coup d'état déguisé.
Alain Mabanckou romance sa jeunesse et dépeint les enjeux de la décolonisation dans un contexte de guerre froide. Il dénonce le rôle joué par les médias non-indépendants d'un état vacillant et fragile.
Il nous expose un condensé d'Histoire de son pays à hauteur d'enfant, la violence qui se déchaine à la mort du camarade président.
Plane sur ce récit un fatalisme de rigueur devant l'Histoire se répétant et nous permet d'ouvrir la porte de ses familles congolaises sur qui se répercute un événement politique dans une construction postcoloniale chaotique faite d'instabilité ethnique.
Plus intimement, c'est aussi l'apprentissage du mensonge salvateur pour un enfant, régissant désormais sa vie et l'observation violente des mécanismes du deuil par le personnage de Mama Pauline.
Difficile de savoir s'il y a des éléments autobiographiques dans ce roman mais certainement une part de vérité sur la nostalgie de la jeunesse de l'auteur toujours persona non grata dans son pays, dirigé autocratiquement par Sassou-Nguesso depuis ces événements de 1977.
Quel dommage pour ce peuple d'être privé d'une voix qui porte l'étendard de la liberté à mon humble avis.
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