Le rondeau des roses d'août
Des roses–il en est encor…
Elles aussi sont parfumées,
Comme étaient celles des années
Où bienheureux semblait mon sort.
En ce temps-là, quel fier essor !
Mon regard scrutait les nuées,
Des roses–il en est encor…
Elles aussi sont parfumées…
En vain le verdict de la vie
M'a spolié de mes trésors,
Toujours, quand je souris j'oublie,
En chantant je brave la mort.
Des roses–il en est encor…
(En français par C. Borănescu-Lahovary)
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C'était au temps jadis, en la Rome d'Octave,
Je me souviens : c'était en mai, l'an bissextil,
L'air était pénétré d'un arôme subtil
Quand je vis des bleuets dans les yeux de l'esclave.
Vibrant, j'en aspirais le parfum volatil ;
Dans mon sang jeune et fier courut comme une lave,
Et de la fleur d'antan revit, toujours suave,
La trace du pollen que lança le pistil.
Ce fut dans un jardin enclos de blanches pierres,
Furtif, un clair rayon filtra sous les paupières
Où semblaient se mirer les bonds sphinx de Memnon
Et bien que le lilas ait fleuri mes obsèques–
Voici deux mille ans près–Cretus était mon nom,
Et je portais tunique et toge à franges grecques.
(En français par l'auteur)
Une ombre par-delà le Styx
L'éphèbe aux pâles yeux, fugaces fleurs mystiques,
Leurre à reflets d'argent nés d'un rêve imprécis,
Fut dans sa brève vie l'éphémère musique,
Pleurs de flûte enchantée, que l'abîme engloutit.
Sinistre, le nocher livide l'accueillit,
Me laissant sur la rive, à ma plaintive errance
Et rien, longtemps, ne peut adoucir ma souffrance,
Mais vivre apaise, et l'homme est porté à l'oubli.
Pourtant, fleur de l'instant, parfois même aujourd'hui
L'éphèbe de Novare aux yeux mystérieux
Remonte des tréfonds, lueur nacrée où luit
La lune et son image en la mer et les cieux.
Le nocher sans pitié la ramène à la rive…
Où, comme par magie, je l'arrache à la mort,
Toujours élancé, jeune–hyacinthe chétive–
Ombre en qui je me vois tel que j'étais alors.
(En français par C. Borănescu-Lahovary)
Rondeau pour moi-même
J'étais grand, lorsque j'ai haï,
Mais plus que jamais, en ce jour,
Je suis grand, me sentant amour,
Je suis grand, me sentant oubli.
On est grand, sans compassion ;
Mais on surpasse la nature
Lorsque le cœur n'est plus qu'amour
Lorsque l'âme n'est que pardon.
Je sais : tout est douleur, toujours,
Nous vivons dans l'inconscience,
Mais le réconfort, c'est l'amour,
Si grande que soit la souffrance.
L'élévation, c'est la clémence.
(En français par C. Borănescu-Lahovary)
Le rondeau des roses qui meurent
Alexandru Macedonski
(trad. Muşa Nicolae)
C'est la saison des roses qui meurent
Dans les jardins et dans mon âme
Ayant une fois la grâce des femmes-
Sont devenues des pauvres fleurs.
Est dans le monde un frissonnement
Et un chagrin qui se déchaîne
C'est la saison exaspérant
Quand toutes les roses meurent sur la scène.
Dans le crépuscule violet
Coulent les sanglots comme la pluie
Et quand arrivent les longues nuits
Dans les jardins et dans mon âme
C'est la saison des roses qui fanent...