Et tout à coup, Claude découvrit qui le liait à cet homme qui l'avait accepté sans qu'il comprît bien pourquoi : l'obsession de la mort.
On ne choisit pas sa mort. Mais d'accepter même de perdre ma mort m'a fait choisir ma vie.
La soumission à l'ordre de l'homme sans enfants et sans dieu est la plus profonde des soumissions à la mort ; donc, chercher ses armes où ne le cherche pas les autres : ce que doit exiger d'abord de lui-même celui qui se sait séparé, c'est le courage. Que faire du cadavre des idées qui dominaient la conduite des hommes lorsqu'ils croyaient leur existence utile à quelque salut, que faire des paroles de ceux qui veulent soumettre leur vie à un modèle, ces autres cadavres ? L'absence de finalité donnée à la vie était devenue une condition de l'action. A d'autres de confondre l'abandon au hasard et cette harcelante préméditation de l'inconnu. Arracher ses propres images au monde stagnant qui les possède...
« — Ce n’est pas pour mourir que je pense à ma mort, c’est pour vivre. »
Cette tension de la voix n’était celle d’aucune autre passion : une joie poignante, sans espoir, comme une épave tirée de profondeurs aussi lointaines que celle de l’obscurité.
Ce n'était pas sa jeunesse qui revenait à lui, ainsi qu'il l'attendait, mais des êtres disparus, comme si la mort eût appelé les morts...
L'imagination, quelle chose extraordinaire!En soi-même, étrangère à soi-même...L'imagination...Elle compense toujours...
Claude avait été séduit d'abord par le ton de sa voix (c'était la seule personne du bateau qui prononçât le mot: énergie, avec simplicité);(...).
(Perken) La vie est une matière, il s'agit de savoir ce qu'on en fait - bien qu'on n'en fasse jamais rien, mais il y a plusieurs manières de n'en rien faire... Pour vivre d'une certaine façon, il faut en finir avec ses menaces, la déchéance et les autres : le revolver est alors une bonne garantie, car il est facile de se tuer lorsque la mort est un moyen...
Vous savez aussi bien que moi que la vie n'a aucun sens : à vivre seul on n'échappe guère à la préoccupation de son destin... La mort est là, comprenez-vous, comme...comme l'irréparable preuve de l'absurdité de la vie...
- Pour chacun.
- Pour personne! Elle n'existe pour personne. Bien peu pourraient vivre... Tous pensent au fait de...ah comment vous faire comprendre ? ...d'être tué, voilà. Ce qui n'a aucune importance. La mort c'est autre chose : c'est le contraire.
Songez que je commence à comprendre leurs cultes érotiques, cette assimilation de l'homme qui arrive à se confondre, jusqu'aux sensations, avec la femme qu'il prend, à s'imaginer elle sans cesser d'être lui-même. Rien ne compte à côté de la volupté d'un être qui commence à ne plus pouvoir la supporter.