« Je me sens toujours plus seul quand il fait froid ».
Ne voulant avoir affaire à personne, et surtout pas à lui-même, Fredrik s'est isolé dans une ile proche de Stockholm, difficile d'accès, entourée de glace une bonne partie du temps.
Avec une vielle chienne sourde, et une vieille chatte vagabonde.
Bien sûr, parfois, il s'étonne de l'absence absolue de contacts, de téléphone, de courrier, de visites, sauf celle du facteur qui lui annonce immanquablement qu'il n'a pas de lettres ; mais il a voulu ça, depuis 12 ans, ce désert glacé, ce vide, cette vie creuse.
Apparaît un beau jour, au milieu de la glace, son ancien amour, qu'il a abandonné il y a presque 40 ans, sans un mot d'explication, sans lui dire au revoir, abandonnée, point.
Sa vie change, entre les accusations d'Harriet bien compréhensibles, sa volonté à elle qu'il accomplisse au moins la dernière promesse qu'il lui a faite avant de s'éclipser en douce, l'approche de la mort de la réapparue, sa solitude à lui, et sa certitude que la mort est proche aussi pour lui ( Fredrik a 66 ans, et Mankell est mort à 67)
Dans «
les chaussures italiennes »le narrateur de Mankell fait un bilan de ce qu'il a fait, mal, la plupart du temps : il a fui l'amour d'Harriet, sans raison, il a fui aussi lorsqu'il a été confronté à un problème grave. Il s'est fui lui-même. le temps a passé, peut être est-il trop tard. Sortira-t-il de la prison sans barreaux qu'il s'est construite ?
La vieillesse confrontée au néant et à l'inutilité de son existence, voilà ce que nous présente Mankell, voilà ce que chacun de nous devrait envisager.
Sa vie change pourtant avec l'arrivée inopinée de cette mourante : durant sa fête d'adieu, où les vivants et les morts sont unis, il parle « de la surabondance et de la simplicité .De la perfection et de l'accomplissement qui n'existent peut être pas mais qui se laissent parfois entrevoir dans la compagnie de bons amis par une belle soirée d'été. L'été suédois était capricieux, certes… mais il pouvait être d'une beauté étourdissante. »
La vieillesse confrontée aussi à ses anciennes trahisons : pourquoi trahit-on ? pour ne pas être trahis , par peur de nous mêmes , par peur de sentiments trop intenses, par peur de perdre le contrôle. Par peur.
Truffé de rebondissements, d'allers et venues, de réapparition d'autres témoins gênants du passé, ça déménage dans l'ile autrefois inoccupée.
Au fur et à mesure que Fredrik voit le vide de son existence, elle se remplit de façon bigarrée et imprévue.
LC thématique octobre 2021: Cap au Nord