Kurt Wallander, la soixantaine, est un homme comblé : il vient de réaliser son rêve de toujours, vivre à la campagne, aux côtés d'un fidèle compagnon, son chien Jussi. Sa fille Linda vit avec Hans, son conjoint, et Klara, leur petite fille. Un incident vient cependant troubler ces eaux calmes et sans rides : le beau-père de sa fille, un ancien officier de marine, disparaît du jour au lendemain. Peu de temps après, et tout aussi mystérieusement, Louise, la belle-mère, ne donne plus signe de vie. Sous les eaux calmes d'un quotidien sans remous, Wallander va mettre au jour des « incidents sous la surface » que personne ne semble avoir vus… Une plongée dans les eaux troubles de la guerre froide, sillonnée par de mystérieux sous-marins…
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L'homme inquiet » est peut-être d'abord l'histoire d'un passé trouble de la Suède. Mankell semble ici remettre en question la neutralité de ce pays à l'occasion de conflits, telles les guerres mondiales. L'auteur évoque la guerre froide, le rôle de la Russie, des Etats-Unis. Je n'ai pas été vraiment attirée par ces dimensions historiques.
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L'homme inquiet » c'est aussi « la dernière enquête de Wallander ». le lecteur assiste dans ce long policier (un peu plus de 500 pages) au naufrage d'un homme à la dérive qui explore les méandres troublés de sa mémoire.
Le rythme est extrêmement lent et cette lenteur peut rendre encore plus pénible le naufrage inexorable de Wallander. Cet homme m'avait semblé poignant, attachant, dans les autres oeuvres de Mankell que j'avais pu lire et aimer (ma préférée reste : «
La cinquième femme »). Ici, Wallander semble prendre un autre visage, radicalement différent, celui d'un homme à la dérive qui essaie de s'accrocher à une mémoire qui lui échappe. Et pourtant, Mankell permet à son personnage de rire de lui-même, un rire qui résonne, néanmoins, de manière un peu sardonique :
« Il pensa qu'il avait tendance à se souvenir de ce qu'il aurait préféré oublier et à oublier ce dont il aurait voulu se souvenir. Il y avait quelque chose de profondément tordu dans sa façon de vivre. Il ignorait si c'était pareil pour tout le monde. » (p. 479.)
Quand Wallander plonge sous la surface de son existence, comme en apnée mémorielle, c'est le silence qui le frappe :
« C'était comme si un grand silence venait de descendre sur lui. Comme si les couleurs s'étaient effacées en laissant derrière elles quelque chose, en noir et blanc, à son intention. » (p. 551.)
Le silence, comme un avant-goût du vide ultime…