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L'oiseau bleu d'Erzeroum" de
Ian ManookIan Manook est un écrivain voyageur (la Mongolie et les polars de Yerudelgger, l'Islande avec "A l'Islande", "
Askja" et "
Heimaey", le Brésil avec "
Mato Grosso", les U.S.A sous le nom de
Roy Braverman avec "
Hunter" et "
Crow")...
Là nous partons en Arménie, près d'Erzeroum, en Turquie orientale (plateau Arménien), et c'est un voyage au coeur des origines arméniennes de l'auteur (
Ian Manook étant l'anagramme de Manoukian, ce n'est plus un secret). Il nous raconte, au cours des vicissitudes de l'histoire, celles du génocide arménien de 1915, le parcours romancé de sa grand mère à travers l'histoire de deux soeurs Araxie et Haiganouch.
Celles-ci chassées par les Turcs musulmans de L'Ittihad de Talat Pacha, qui avait planifié le génocide, vont tout perdre, famille et maison. Elles vont traverser la Turquie, lors de la longue marche vers le désert de Deir er Zor, devenir esclaves à Alep, fuir vers Smyrne (Izmir) puis vers Beyrouth et la France et l'Urss. Un horrible chemin de croix pour ces chrétiens orthodoxes qui fit plus d'un million de morts et historiquement un combat pour faire reconnaître leur culture, leur pays...
Au cours de cette fresque historique de 1915 a 1939, C'est finalement l'histoire de l'Arménie, de ceux qui sont restés dans cette Europe de l'Est, et de sa diaspora, en France, aux Etats Unis, ainsi que les liens que l'horreur de la déportation, de l'exil ont resserrés entre les survivants.
Si la première partie est très noire, décrivant des épisodes épouvantables de la déportation, la suite est une aventure, parfois rocambolesque, des deux soeurs qui croisent la Grande Histoire (les guerres, la montée du fascisme, le Front populaire, la dictature soviétique). C'est vivant, comme l'énergie nécessaire à la survie en enfer, et celle de la nécessaire reconstruction vers une meilleure vie après l'horreur. Des personnages à fort caractère les entourent, mama Chakee, la vieille qui les a sauvé de la mort et fera tout pour elles. Haigaz et Agop, deux Fedai qui vont croiser leur pas, Christopher Patterson, l'intrepide américain mi-espion mi-humanitaire, Hovannes le solitaire...
Tous tiennent un rôle important dans ce canevas, scénario improbable, comme toutes les histoires folles de ces sagas familiales de ces migrants, réfugiés...
C'est aussi l'histoire de cette France qui vient d'ailleurs, et qui construit le pays dans les usines de voitures, les laveries industrielles.
C'est magnifique, facile à lire, et nous apprend que l'humanité, par ses luttes, son désir de vivre, sa solidarité, arrive toujours à surnager dans l'horreur des guerres, des pogroms, génocides. Une saga à mettre entre toutes les mains et les yeux des lecteurs qui aiment les romans historiques.
Je vais m'empresser de lire la suite, "
le chant d'Haiganouch" de
Ian Manook