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Je n'ai pas lu "Pensées pour moi-même" de bout en bout comme on lit un roman ; les pensées de Marc Aurèle sont un guide dans lequel je puise pour prendre du recul quand ça ne va pas bien dans ma vie.
Ainsi, la fameuse maxime : "La colère et le chagrin nous font beaucoup plus de mal... " est affichée sur mon bureau ; c'est un rappel constant qui m'aide à modérer ma propension à la colère et à relativiser les sujets de contrariété.
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Marc Aurèle ne se critique pas... il se relit encore et encore... Une fonction "A relire" SVP Babelio ?
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Exceptionnel ! Traité de philosophie d'il y a plusieurs millénaires et tellement actuel, s'en est gênant à une époque ou L'I.A. va se répandre dans nos vies, alors que nous ne maitrisons pas assez encore nos relations intercommunautaires.
Livre court et efficace, très instructif et revigorant, dans le sens ou il nous entraine et nous explique que la vie n'est pas facile quel que soit sa position social, et ça je trouve que c'est une information importante de nos jours ou le bling-bling l'emporte sur le social et l'humanitaire.
Il exhorte les peuples à fraterniser, à chercher l'harmonie, il faut savoir que c'est un chef de guerre qui à écrit ce livre, pas un agrégé en philo, je n'ai rien contre les agrégés bien au contraire, mais de savoir que ces écrits sortent en droite ligne avec l'expérience véc, de l'auteur, cela leurs donnent une sapidité exceptionnelle, presque une connexion wifi entre le livre et mon cerveau.
En conclusion, je citerai M. Lamartine : Des accents inconnus de la terre... frappèrent Les Échos... et une voix qui m'est chère laissa tomber ces mots...
C'est exactement l'impression que m'a laissé cette lecture, une leçon en cours primaire, une proximité avec l'auteur, quasiment en phase avec lui tout au long de son oeuvre, courte et efficace, enfin c'est mon avis, qui ne vaut pas grand chose.
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Les pensées de Marc Aurèle représentent un sommet de la pensée stoïcienne et au-delà. de portée universelle, elle sont une source précieuse d'inspiration pour apprendre à mieux vivre et appréhender le sens de la vie. Elles nous révèlent l'âme d'un homme exceptionnel, Empereur de son état, qui a su, malgré la charge, rester profondément humain et d'une grande humilité. Assurément aussi, un exemple à méditer pour tous les hommes et les femmes aspirants au pouvoir.
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C'est une lecture que j'ai trouvée difficile, essentiellement à cause du style mais surtout à cause des tournures de phrase d'un autre âge à la complexité redondante.
Dommage car les idées que j'ai pu appréhender m'ont parues belles et inspirées, simplement elles ne m'ont pas parlé comme je l'espérais pour les raisons évoquées plus haut.
Cela dit il me reste le plaisir d'avoir découvert un philosophe que je ne connaissais pas, il faut toujours voir le verre à moitié plein ;)
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Le stoïcisme est une philosophie de la résignation.
Résignation sur ce qu'on ne peut changer : le temps qui passe, l'impermanence de toutes choses, la maladie, la mort. En ce sens, c'est une philosophie réaliste, une philosophie de la vie comme elle est, mais c'est aussi une sagesse irréaliste, l'illusion que la raison et la volonté peuvent amener à la paix intérieur. La loi naturelle n'est pas la loi de la raison. L'homme n'est pas et ne sera jamais un être de pur raison, il ne peut pas se défaire des passions et des sentiments, ils lui sont consubstantiels. Les stoïciens eux même n'en sont pas dupes : Sénèque disait que le sage est aussi rare que le phénix.

Le stoïcisme est en tout cas le dur chemin qu'à suivi Marc Aurèle. Ses pensées sont celles d'une âme sensible, d'une âme supérieure, qui a une conscience aiguë de la vanité de toutes choses face au temps qui fuit et engloutit tout. C'est ce qui touche dans ces pensées, en tout cas ce qui moi me touche, ce qui fait qu'elles sont atemporelles et nous parlent presque 2000 ans plus tard. Le côté « remède » de ces pensées peut apparaître assez vain mais l'homme qu'elles peignent est digne d'admiration.
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Représentant du stoïcisme, Marc Aurèle s'est inspiré également d'Epicure et de Socrate. Empereur philosophe, auteur des Pensées pour moi-même, il dirige l'Empire romain et médite sur la condition humaine. Au service de l'action, sa pensée est fascinante.

Le stoïcisme, qui fut fondé à Athènes à la fin du IVe siècle avant J.-C. par Zénon de Citium et a exercé son influence sur le monde antique durant plus de cinq siècles, a connu sa période la plus brillante dans les deux premiers siècles de notre ère, à Rome. «En ce temps-là, écrira Montesquieu, la secte des stoïciens s'étendait et s'accréditait dans l'Empire. Il semblait que la nature humaine eût fait un effort pour produire d'elle-même cette secte admirable, qui était comme ces plantes que la terre fait naître dans des lieux que le ciel n'a jamais vus.» Marc Aurèle, l'empereur philosophe au destin si singulier, est le représentant par excellence de ce stoïcisme impérial.

Né en 121 dans une famille de la noblesse romaine, Marc Aurèle est porté au pouvoir par le système, alors en vigueur à Rome, qui veut que l'empereur encore vivant adopte un homme jeune choisi par lui et le forme dès son plus jeune âge en vue de l'exercice du pouvoir suprême. En 138, Hadrien adopte ainsi Antonin à la condition qu'il adopterait lui-même Marc Aurèle et l'associerait au pouvoir. La même année, Hadrien meurt, Antonin lui succède. Et Marc Aurèle devient à son tour empereur, à la mort d'Antonin, en 161. le règne de Marc Aurèle est, pour l'Empire romain, une période d'instabilité et de guerre. Fait pour la paix et le calme de la méditation philosophique et aspirant dans ses écrits à la concorde universelle du genre humain, Marc Aurèle va passer pourtant la plus grande partie de sa vie en campagne aux frontières de l'Empire. Excepté de rares séjours à Rome, il partage la vie de ses légions qui combattent les Parthes puis les Germains au-delà du Rhin et du Danube. Et il meurt au cours d'une de ces expéditions en 180, sur les bords du Danube, probablement victime d'une épidémie de peste.

Pendant son règne Marc Aurèle est également confronté, à l'intérieur, aux progrès du christianisme qu'il réprime avec la plus extrême fermeté. Généralement porté à la magnimité à l'égard de ses ennemis et réformateur de la législation romaine dans un sens qui adoucit le sort des esclaves, il semble en revanche n'avoir guère éprouvé de pitié pour les chrétiens, sans doute coupables à ses yeux de cet orgueil qui «est le plus insupportable de tous», celui «qui s'enorgueillit sous la modestie». Il va jusqu'à suspecter leur sincérité et les accuser de prendre la «pose tragique» . Et lui qui méprise les jeux du cirque les laisse jeter aux fauves, comme à Lyon où ont lieu en 177 de cruelles persécutions, dont l'histoire sainte retiendra le martyre de Blandine. Autrement dit, pour être philosophe, Marc Aurèle n'en est pas moins empereur, et l'on ne saurait du reste penser l'un sans l'autre, tant l'unité des actes et de la pensée est le fondement même de la doctrine stoïcienne telle qu'il l'incarne. En remplissant les devoirs de sa charge, en faisant la guerre ou en réprimant les chrétiens dont il estime qu'ils menacent l'Empire, Marc Aurèle se conforme au principe stoïcien qui enjoint à chacun de s'acquitter au mieux du rôle qui lui a été attribué par la Providence, et se conduit en empereur romain parce que la raison le lui commande. Mais il n'est pas un philosophe roi à l'image de celui que Platon voulait mettre à la tête de la cité. Marc Aurèle ne cherche en effet ni à réformer l'Etat ni à fonder une cité idéale. «Ne t'attends pas, écrit-il s'adressant à lui-même, à la république de Platon, mais sois satisfait du plus petit progrès, et, ce résultat, ne le considère pas comme une petite chose.» Plus roi philosophe que philosophe roi, si Marc Aurèle veut faire régner la philosophie, c'est d'abord en lui-même.

Si Marc Aurèle est un représentant du stoïcisme et constitue même, avec quelques autres dont Sénèque et Epictète, l'une des principales sources dont nous disposons pour l'étude et la compréhension de cette doctrine, il ne saurait toutefois y être réduit. En effet, Marc Aurèle n'est pas un philosophe d'école. Il a certes reçu l'enseignement des maîtres stoïciens et a lu auprès d'eux Epictète, qu'il cite et dont il s'inspire, mais il n'est pas l'homme d'une doctrine. Son inspiration et les modèles de vertu dont il se réclame ne se limitent pas, loin de là, à la seule tradition stoïcienne. S'il est stoïcien, c'est d'abord dans sa vie: «Dans l'art de l'écriture et de la lecture tu ne peux enseigner avant d'avoir appris. Il en est de même, à plus forte raison, de l'art de la vie.» Marc Aurèle s'efforcera donc d'être sage d'une sagesse conquise et enrichie jour et après jour dans l'existence et la méditation sur l'existence. Rien de livresque chez lui. «Renonce aux livres; ne te laisse pas distraire.» La vraie sagesse et la vraie philosophie ne sont pas dans les livres, leurs préceptes essentiels sont «communs à toutes les écoles». Et Marc Aurèle d'invoquer aussi bien Epicure, qui professe une doctrine opposée à celle des stoïciens, que Socrate qu'il considère comme un maître.

Marc Aurèle n'est pas non plus à proprement parler un philosophe qui écrit des livres, et celui qu'il nous a laissé et qui contient toute sa philosophie n'en est un, pour ainsi dire, que par accident. Comme leur titre le suggère, les Pensées pour moi-même - trouvées à la mort de Marc Aurèle dans une cassette enfermant les papiers privés de l'empereur et oubliées pendant des siècles - n'ont pas été écrites pour un public. Il s'agit de notes, destinées à son usage personnel, que Marc Aurèle rédige en grec - la langue des philosophes qu'il s'est donnés pour modèles - et non en latin. le soir venu, l'empereur se retire sous sa tente et procède par écrit à son examen de conscience. Il analyse ses sentiments, note ses expériences, les médite et en tire des leçons. Car on ne devient pas sage en un jour. Les passions et les désirs qui nous taraudent menacent sans cesse de nous faire oublier nos meilleures résolutions. Et les principes de la philosophie stoïcienne eux-mêmes ne sont rien sans ces exercices spirituels destinés à en entretenir quotidiennement la flamme. «Les principes vivent. Comment d'ailleurs pourraient-ils mourir, à moins que ne s'éteignent les idées qui leur correspondent? Or ces idées, il est en ton pouvoir de les raviver sans cesse.»

Les Pensées pour moi-même sont l'outil d'un incessant travail sur soi, par lequel Marc Aurèle s'exhorte à ne pas relâcher son effort pour triompher de ses passions, s'arracher à la paresse ou à la facilité. L'empereur a-t-il eu un matin de la peine à sortir du lit? Il s'interpelle: «Au petit jour, lorsqu'il t'en coûte de t'éveiller, aie cette pensée à ta disposition: c'est pour faire ?uvre d'homme que je m'éveille [...] suis-je fait pour rester couché et me tenir au chaud sous mes couvertures? » Les plus infimes circonstances de la vie quotidienne sont autant d'occasions de se remémorer la nécessité de conduire sa vie conformément aux principes de la philosophie. «A chaque action, demande-toi: de quelle façon me convient-elle? N'aurai-je pas à m'en repentir?»

Jugeant, non sans raison, que l'un des principaux obstacles à la sagesse et à la paix intérieure a sa source dans notre imagination, qui nous égare en nous représentant les choses non pas telles qu'elles sont, mais telles que nous désirerions qu'elles soient, Marc Aurèle nous engage à voir la réalité objectivement et non comme nous la peignent nos passions et nos fantasmes. Contre l'imagination et ses sortilèges, il met en oeuvre une technique originale qui consiste à décomposer les représentations ou les images qui nous charment et nous aliènent, afin d'en dissiper l'illusion. le procédé est parfois des plus crus, lorsqu'il s'agit, par exemple, d'évoquer les plaisirs de la table ou ceux de l'amour: «De même que l'on peut se faire une représentation de ce que sont les mets et les autres aliments de ce genre, en se disant: ceci est le cadavre d'un poisson; cela, le cadavre d'un oiseau ou d'un porc; et encore, en disant du Falerne, qu'il est le jus d'un grappillon; de la robe prétexte, qu'elle est du poil de brebis trempé dans le sang d'un coquillage; de l'accouplement, qu'il est le frottement d'un boyau et l'éjaculation, avec un certain spasme, d'un peu de morve. de la même façon que ces représentations atteignent leurs objets, les pénètrent et font voir ce qu'ils sont, de même faut-il faire durant toute ta vie; et, toutes les fois que les choses te semblent trop dignes de confiance, mets-les à nu, rends-toi compte de leur peu de valeur et dépouille-les de cette fiction qui les rend vénérables. C'est un redoutable sophiste que cette fumée d'estime; et, lorsque tu crois t'occuper le mieux à des choses sérieuses, c'est alors qu'elle vient t'ensorceler le mieux.» Une page de A l'ombre des jeunes filles en fleurs, dans laquelle le narrateur se déprend d'Albertine en lisant sur son visage les signes précurseurs de la décrépitude, évoque ce même procédé par lequel Marc Aurèle s'exerce à ne pas attacher de prix à ce qui n'en a pas, à estimer les choses à leur juste valeur et à parvenir à ce détachement sans lequel il n'est ni bonheur ni liberté. Proust ne dit au fond ici rien d'autre que Marc Aurèle: «C'est en somme une façon comme une autre de résoudre le problème de l'existence qu'approcher suffisamment les choses et les personnes qui nous ont paru de loin belles et mystérieuses, pour nous rendre compte qu'elles sont sans mystère et sans beauté; c'est une des hygiènes entre lesquelles on peut opter, une hygiène qui n'est peut-être pas très recommandable, mais elle nous donne un certain calme pour passer la vie, et aussi - comme elle permet de ne rien regretter, en nous persuadant que nous avons atteint le meilleur, et que le meilleur n'était pas grand'chose - pour nous résigner à la mort.»

Fidèle à l'enseignement d'Epictète, Marc Aurèle distingue les choses qui dépendent de nous et celles qui ne dépendent pas de nous. Si nous ne pouvons assurément pas faire que ce qui arrive n'arrive pas, ni échapper à notre condition et cesser d'être mortels, notre attitude à l'égard de l'événement dépend en revanche de nous. Nous sommes en effet toujours maîtres de notre pensée et de notre jugement et avons, à tout moment, le pouvoir de nous retirer en nous-mêmes et de nous rendre ainsi inaccessibles à l'adversité et au malheur. Rien ne sert de fuir et de chercher refuge sous d'autres cieux, dès lors que nous disposons de la plus imprenable des citadelles: notre for intérieur, sanctuaire de liberté et de sérénité. «On se cherche, note Marc Aurèle, des retraites à la campagne, dans les montagnes. Et toi-même tu as coutume de désirer ardemment ces lieux d'isolement. Mais tout cela est de la plus vulgaire opinion, puisque tu peux, à l'heure que tu veux, te retirer en toi-même.» En dépit du tumulte extérieur, du fracas des armes et des servitudes de sa charge, l'empereur philosophe s'emploie à conserver l'âme égale, à «ressembler au promontoire contre lequel se brisent sans cesse les flots».

La perspective de la mort elle-même ne saurait l'affecter. Si Marc Aurèle n'a de cesse de se répéter à lui-même qu'il est mortel, ce n'est ni pour s'en lamenter, ni pour se complaire à des pensées morbides, mais pour prendre acte de sa condition et en tirer les conséquences. Car, qui a clairement pris conscience de sa finitude ne désire plus vivre un temps infini. «T'affliges-tu de ne peser que tant de livres et non trois cents? Comporte-toi de même, s'il te faut vivre tant d'années durant, et non davantage.» Comparée à l'infinité du temps, notre existence, aussi longue soit-elle, est dérisoire. Qu'importe que nous vivions encore un an ou cinquante. Dussions-nous vivre «trois fois mille ans et même autant de fois mille ans [...] la vie la plus longue revient à la vie la plus courte», car «celui qui a vécu le plus longtemps et celui qui mourra le plus tôt font la même perte», puisque la seule chose que nous puissions perdre est ce qui existe, à savoir l'instant présent. Bien que nous sachions tous que nous pouvons mourir d'un instant à l'autre, nous vivons cependant bien souvent comme si nous étions immortels et pouvions dépenser sans compter le temps qui nous est imparti. Or, si la vie est brève, il n'y a pas de temps à perdre, et il convient de vivre «chaque jour comme si c'était le dernier»; le sage sait, comme le dira le Montaigne, qu' «il faut être toujours botté et prêt à partir». Il ne diffère pas le moment de faire ce qu'il a à faire. Et c'est en quoi consiste, selon Marc Aurèle, sa «perfection morale».

Pour Marc Aurèle, conformément à la doctrine stoïcienne, Dieu, ou la raison universelle, gouverne le monde, fixe la destinée de chacun et lui assigne une place déterminée dans l'ordre de l'univers. le philosophe, qui s'est donné pour règle de vivre conformément à la nature et de s'acquitter au mieux du rôle qui lui a été attribué, sait qu'il serait insensé de vouloir se soustraire à son destin. Il comprend, en outre, que l'événement qui l'affecte est providentiel, sinon pour lui, du moins pour le tout dont il fait partie. Et il l'accueille, lui donne son assentiment. «Il faut donc aimer, pour deux raisons, ce qui t'arrive. L'une, parce que cela était fait pour toi, te correspondait et survenait en quelque sorte à toi, d'en haut, de la chaîne des plus antiques causes. L'autre, parce que ce qui arrive à chaque être en particulier contribue à la bonne marche, à la perfection et, par Zeus, à la persistance même de celui qui gouverne la nature universelle.» Marc Aurèle compare ce qui nous arrive aux remèdes parfois désagréables que le médecin prescrit et que nous acceptons parce qu'ils sont utiles à la santé du corps: «Regarde l'achèvement et la réalisation de ce qui a paru bon à la nature universelle, comme tu regardes ta propre santé. Accueille avec autant d'empressement tout ce qui arrive, même si tu le trouves trop dur, dans la pensée que par là tu travailles à la santé du monde.»

L'univers tout entier peut être comparé à une cité. Cette cité universelle, que Marc Aurèle appelle la «cité de Zeus» et qu'il tient pour «la plus vénérable des cités et des gouvernements», se traduit par une inclination naturelle de l'homme envers ses semblables. Cette sociabilité naturelle est à l'origine des sociétés humaines et invite chacun d'entre nous à tisser des liens d'amitié avec le genre humain tout entier. Marc Aurèle, comme chacun, a deux patries: «Ma cité et ma patrie, en tant qu'Antonin, c'est Rome; en tant qu'homme, l'univers». Ce cosmopolitisme - c'est-à-dire le fait d'être citoyen du monde - anticipe nos modernes «droits de l'homme». Quiconque a compris que «tous nous collaborons à l'accomplissement d'une oeuvre unique» s'acquitte de ses devoirs de solidarité à l'égard de ses semblables. Il sait que «ce qui n'est pas utile à la ruche n'est pas non plus utile à l'abeille». Et sa bienveillance à l'égard des autres hommes le porte à pardonner à ceux qui lui ont causé du tort. S'irriter contre eux ou éprouver de la haine à leur égard serait en effet contre nature, s'il est vrai que «nous sommes nés pour coopérer, comme les pieds, les mains, les paupières, les deux rangées de dents».

Le sérieux avec lequel Marc Aurèle s'acquitte des obligations qui lui incombent va de pair avec la lucidité la plus aiguë. Qu'importe si Alexandre ou Philippe «ont joué la tragédie»: «Personne ne me condamne à les imiter. Simple et modeste est l'oeuvre de la philosophie. Ne m'entraîne pas à l'orgueil de la solennité.» Acteur éphémère d'une pièce qu'il n'a pas écrite et conscient de la fragilité des choses humaines, Marc Aurèle n'est dupe ni du pouvoir, ni des honneurs ou de la gloire. Sa méditation revient souvent sur ce thème: la «renommée posthume, un oubli»; «fumée, cendre, légende, et pas même légende», observe-t-il en pensant à «tous ceux qui se distinguèrent en quoi que ce soit en concevant d'eux-mêmes une haute opinion». Car combien d'hommes qui ne savent pas ton nom; combien l'auront oublié; combien qui te louent peut-être maintenant, bientôt te vilipenderont! Et comme le souvenir, et comme la gloire, et enfin toute autre chose ne valent pas la peine d'en parler! » Tant de lucidité et d'humilité chez un homme au faîte du pouvoir a de tout temps suscité l'admiration et explique sans doute, dans une large mesure, la fascination exercée par la figure de cet empereur philosophe, dont Montesquieu estimait qu'on ne pouvait pas «lire sa vie sans une espèce d'attendrissement», car tel était, selon lui, «l'effet qu'elle produit qu'on a meilleure opinion de soi-même, parce qu'on a meilleure opinion des hommes».
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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Chers Babéliens

C'est un plaisir de constater l'enthousiasme que suscite, chez vous, Marc Aurèle Antonin.

De fait, vous me rendez paresseux : ni critique, ni citation ! Vous avez fait le job.

Bien à vous

Pat
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Un très bon recueil regroupant les maximes de la pensée stoïcienne, retranscrite à la plume d'un grand homme, Marc Aurèle.

Dans ces 12 livres écrits par Marc Aurèle lors des moments de répit que lui accorde sa vie tumultueuse d'empereur Romain affairé, on lit plusieurs fois la même pensée exprimée avec des mots différents. Mais l'on pardonne cette répétition grâce à la plume poétique de l'auteur.

Nous sommes forcés dans ce livre à méditer sur l'idée de la mort, et l'analyser d'un regard neutre, comme tout idée factuelle que l'on aborde sans peur ni retenue. Tout être sur terre finit par périr, et le temps écoulé dans une vie est infinitésimal dans l'éternité de l'existence naturelle et divine.

Que l'on meurt à 30 jours comme nourrisson, à 3 ans ou à 90 ans, cela est égal puisque notre vie entière est poussière, et tout est dans l'ordre des choses, contre lequel il ne faut jamais se fâcher, mais l'accepter de bon accueil comme une partie d'un tout. Résister au destin, pour l'auteur, est aussi fou qu'absurde, puisque non seulement cela ne changerait rien, mais aussi parce que le destin est ainsi fait pour une raison plus grande que l'intérêt individuel perçu.

En ce sens, il faut vivre sa vie en essayant constamment de développer son guide intérieur, la divinité au sein de chacun de nous, afin de converger vers notre nature et notre rôle sociétal, sans se soucier de la mort, des opinions des autres ou de toute chose qui ne dépend pas de nous.

Qu'on nous loue ou qu'on nous maudisse devrait nous être indifférent, puisque l'opinion, est dans la pensée stoïciennes, l'origine de la souffrance. En effet, ce n'est pas les péripéties qui nous rendent malheureux mais plutôt le jugement qu'on leur attribue.

Marc Aurèle souligne aussi qu'il ne faut mépriser ou maudire le « méchant », le voleur, le corrompu, mais lui être bienveillant et le guider s'il est possible, ou l'éviter s'il s'avère qu'il arrive à représenter un obstacle. Comme tout stoïcien, il dénonce l'aspiration à la gloire, à la renommée et à la louange.

Malgré les limites du raisonnement développé dans ce livre, notamment les dogmes pré-admis concernant la justice divine et la création du monde par les dieux tout bienveillants, le raisonnement fallacieux qui admet une solution comme infaillible juste parce qu'on en a pas d'autres pour répondre à une grande question, malgré la simplification de la complexité de l'appareil psychologique de chacun qui rend plusieurs préceptes inapplicables pour certains individus, ce livre reste un très bon recueil de bonnes pratiques qui prônent la résilience et la tolérance. A lire.
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« Pensées pour moi-même » est un journal qui devait être détruit en post mortem ! Il est intéressant de garder cette idée en tête durant toute sa lecture pour souligner la sincérité des pensées de l'auteur et la franchise de ses résolutions !

L'auteur est Marc Aurèle, un empereur romain du II siècle après JC ; on s'attendrait, en lisant ses pensées, à converser avec un guerrier intrépide ou avec un politicien pragmatique mais il s'avère que l'homme qui s'adresse à nous n'est autre qu'un philosophe stoïcien, d'une stoïcité irréprochable, qui nous invite à répondre principalement à 2 questions : «qu'est-ce que le monde ?», « pourquoi suis-je né » pour justement voir le monde différemment, accepter la mort comme une solution de renouvellement de la nature et pour vivre son présent pleinement puisque ni le future ni le passé ne sont à notre disposition !
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