Le ciel est crevé. Une pluie incessante, annoncée par les parfaites bêtises de la météo pour une saison de quarante jours, s'abat sur les quatre membres de la famille, inonde et noie tout, les fruits, les terres, et bientôt la modeste maison des Vivi. Dans quel monde vivent-ils, comme au delà du temps et de l'espace ? Tonino-Tonio-Antonio juge de cet univers hostile qu' "il cherche à nous effacer, on fait trop d'histoires"… "C'est la saison des hommes qui pleurent" ajoute celui qui ne parvient pas à pleurer, mais fait pleurer son violon. Tom, le père révolté, boit du rouge qui saoule pour se retourner la tête quand il pleut trop noir, distille de l'alcool et écoute la radio. En narrateur, le personnage du grand-père maternel, Ravi, commente les événements. Sa fille Donna, la chamboulée, occupe le temps en pétrissant de la pâte pour confectionner des tartes.
Et voici Ève encore, éphémère première femme, la fille de l'air, coeur de caillou qui rechigne à se donner à un Tonino, jeune homme pressant : «Nous étions des enfants et ça me suffisait. Après c'est compliqué»…
Stéphanie Marchais, avec cette sixième pièce publiée, que Éric Garmirian et
Agathe Sanz avaient respectivement mis en espace au Théâtre du Rond-Point et au Théâtre de la Tempête, à Paris, sous son premier titre "Des ailes tu en as", évoque, en trois actes et trois saisons — été, automne, hiver — «l'histoire entière des hommes», comme le note en avant-propos Gislaine Drahy, «dans cette écriture où l'excès voisine avec la nuance». La parole poétique se fond avec une originalité peu commune dans l'oralité des plus démunis. Antonio, sachant qu'il a des ailes ainsi que Donna le lui a toujours répété, va espérer s'envoler, quitter les siens, se délivrer de ce déluge, partir enfin dans sa salutaire étrangeté, ce legs maternel.
Chronique en partie parue dans "Encres de Loire" n° 49 page 34, automne 2009.
Lien :
http://www.paysdelaloire.fr/..