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EAN : 9782917290248
106 pages
L'OREILLE DU LOUP (01/09/2011)
4/5   1 notes
Résumé :
Anthologie poétique ; choix et traduction du roumain par Linda Maria Baros
Titre original : Îmi mănânc versurile
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
dans un certain sens

dans un certain sens, le fait qu’à la moitié du mois de mars
le vent cogne fortement contre les petites portes, géométriques, parfaites,
de nos arbres éternels, qui se trouvent devant
et seulement devant nous, spectaculaires et virils, mais ondoyants,
les arbres dont les branches traînent presque ventre à terre,
moribonds, ne signifierait pas grand-chose, si je ne me trouvais pas
moi aussi dans les parages, marginale,
en marge, à la périphérie,
oscillant toujours entre un quartier et un autre,
entre un poète et un autre,
entre un prosateur et un autre, entre le texte d’un poète forgé
et le texte d’un poète inné,
si je n’étais pas une marginale solidaire
avec la ruine de tout mur marginal, comme une juive innée et pas
forgée, et non avec le mur qui se dresse comme la tour opulente
d’une église couverte de dalles et d’or,
qui porte les traces des mendiants en lambeaux,
si je ne me collais pas contre ces murs marginaux
comme une sangsue qui suce le mortier et le ciment textuel,
si je n’étais pas une marginale, la lune dans le sang, une marginale
porteuse d’un nouveau virus, anarchiste, viscéral, séparée
de tous et de toutes, remplie à ras bord de sms et de sos
tragiques et funambulesques, si je n’étais pas une marginale collée
comme une sangsue contre les murs les plus éloignés
du centre-ville,
détruits, rongés, blessés, comme quelques soldats qui retournent dans l’arène
après un combat qui a sucé leur sang goutte après goutte,
si je n’étais pas une impossible épouse de boucher qui appelle
au secours en plein dépeçage de viande,
si je n’étais pas l’une de mes propres victimes, surtout
lorsque je prie sur les dalles des églises sans tours,
sans coupoles, sans murs et icônes,
l’une parmi ceux qui crachent sur les objets
droit au centre des objets,
qui crachent sur la poésie, sur la littérature, sur l’art,
précisément au centre de la poésie,
de la littérature et de l’art,
comme un archer spécialisé dans le crachement au centre,
le centre m’obsède
je suis obsédée par le centre, je suis une marginale obsédée
je me traîne marginale vers le centre
je me promène sur le boulevard du centre
remplie de mélancolie
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j’ai voulu écrire d’une certaine manière

j’ai voulu écrire d’une certaine manière
pour que vous sentiez vous aussi quelque chose de ce que je ressens
mais « cela ne vaut pas le coup ».
ne sentez rien parce que la réalité, c’est un rien
ensuite, lorsque j’écris, ma main gonfle à partir du poignet,
ce qui est tellement misérable
presque vulgaire et incertain.
je sentais des riens opportunistes,
comment pourrais-je écrire
pour que vous sentiez quelque chose de non-conformiste?
d’un point de vue social, seuls l’opportunisme
et le conformisme peuvent être sentis.
on dirait quelques recteurs en devenir,
qu’on cultive par peur.
je n’évoque même pas d’autres points de vue
qui pendent en franges, comme des lièvres
écorchés sans pitié,
dans n’importe quel contexte je me trouverais,
seules les choses sur lesquelles j’ai déjà écrit pourraient être senties.
tout le reste, c’est l’obscurité et l’effroi et l’impuissance
de porter autre chose que le masque mortuaire de la famille
sur mon visage indécent et sophistiqué.
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Ceux qui sont en marge de la société

Je n’ai jamais travaillé de mes mains j’ai écrit seulement ce que j’avais

dans la tête, souvent la tête me demandait de l’écraser contre le mur

de ma famille, je n’ai jamais ramé sur les galères je n’ai pas signé le registre de présence

je n’ai pas couru comme une folle parmi des écrivains plus ou moins

authentiques pour les interviewer, tôt le matin je me cogne

contre la jeune odeur d’Alexandru, je cire ses chaussures je lave

sa nourriture j’enterre son lait dans un thé jaune comme du miel

rien ne m’intéresse, je suis seule et absente

je vois toujours à la fenêtre une paroi qui s’élève jusqu’au ciel

sur laquelle s’égrènent des pierrots déments, en lambeaux,

ceux qui sont en marge de la société.

dans leur gorge l’écriture se tient droite

comme un cheval dressé sur deux pattes
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Je ne reconnaîtrais jamais que j'aurais aimé faire l'amour

je ne désire et n'ai désiré que rentrer dans le royaume des cieux.
parmi des anges veules, parmi des femmes aux utérus de pierre,
parmi des enfants au sexe dodu et pervers,
parmi de grandes lesbiennes, parmi des voleurs qui prient, les genoux brisés,
parmi des ratés, des aveugles, des boiteux et des impuissants,
des impotents qui se construisent des châteaux de sang,
parmi des noirs enchaînés, parmi des vieux suicidaires et fous.
je n'ai voulu faire l'amour qu'avec moi-même sur une croix en fer
que j'ai moi-même dressée (…)
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D’ici cent ans, Tudor viendra et dira : Angela a voulu
être un homme et cela ne lui a pas réussi.
elle a voulu être le poète dont on pourrait dire
qu’il est né
malencontreusement avec un sexe de femme
mais elle n’a écrit que sur la peur et la mort
et cela ne lui a pas réussi.

elle a voulu être une alcoolique invétérée et une grande fumeuse
des fumées plein la tête
pouvoir faire n’importe quoi sous son masque de glace sentant la vodka
pouvoir saisir à la gorge celui qui n’a plus de gorge
accuser celui qui ne peut plus se défendre
hurler lorsque l’autre pleure
gaspiller comme si elle était en train d’offrir
mourir comme si elle voulait mourir
et cela ne lui a pas réussi
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