Pour vous, moignons ouvrés de glaise et de métal, de marbre et de calcaire, arrachés parfois par césarienne à la matrice des siècles, je graverai ces mots, j’élèverai ces stèles.
A toi, frugalité de couleurs chapardées aux rameaux pauciflores du Temps;
A toi, femme faite fresque qui t’éclipses derrière ce qui reste des chatoyances de ta robe;
A toi, poterie qui exhibes la luxuriance noire et rouge de tes tatouages;
Cette stèle.
A toi, foule impavide dont la pupille de marbre semble aimantée par l’horizon de Dieu sait quelle éternité;
A toi, bronze dynamique, bronze tellurique qui, figure de jockey ou stature d’aurige, tiendras toujours les rênes de la vie, même statufiée;
A toi, funéraire ouvrage, soupirail derrière lequel on entendrait, tendant l’oreille, ruisseler l’Achéron;
Cette stèle.
A toi, Delphes, qui trônes sur ces monts comme tu trônas sur la Grèce, déferlement de colonnes géminées, triplées, quadruplées, prises au filet du printemps et orphelines de temple et de Pythie;
A toi, discrète Asinè à peine aperçue, note griffonnée par Homère en marge de l’Iliade;
A toi enfin, colosse, Parthénon, apostat de toutes les religions, pourfendeur de toutes les bannières, de tous les carcans, front en tous temps dressé pour regarder la Liberté dans le blanc de l’oeil;
Cette stèle.
A vous ces stèles, vous qui jamais ne vous êtes brisés sous la féroce canine des ans, et qui chargez encore de votre beauté la nappe de cette table où, tant et tant, festoya le Temps carnassier.
Félix Katikakis