... ET LEUR PART DE SILENCE.
Le regretté poète Serge Wellens ne manque pas de le préciser dans les quelques lignes introductives qu'il donne préface à ce beau recueil :
«L'accent pongien du titre donné à cet ensemble peut induire en erreur le lecteur. Or, la distance est grande entre la part des choses selon Yves Marteze et leur parti pris au sens où l'entend Francis Ponge.»
Ceci posé avec certitude, c'est dans la délicatesse secrète des mots -presque susurrés à voix basse, dans les acceptions tant sonores que musicales du qualificatif -, dans leur voile à peine en-ajouré de crépuscule ou de nuit sombre que se pose alors le poème. Les ciselures sont justes, toujours, qui disent si ténument l'impossibilité de l'amour ou du vivre, la douteuse rencontre des corps, cette manière de pleurer sans larme toute la détresse des abandons ou de la solitude. Une douleur sourde et métaphysique n'est jamais bien éloignée du corps ni de l'esprit
La nuit dénoncée
dans l'écoeurement du soir
on ne sait jamais
quelle couleur viendra
la justifier
Et plus loin :
Derrière les ronces
se dresse
l'ombre acceptée des chemins
de pénitence
par où s'échappe le souvenir, les jours anciens, heureux de l'enfance, jusqu'à l'annonce du dernier crépuscule, peut-être :
Ce gué
serti d'absences et de fragments
par où l'enfance se hâte de fuir
ne mène plus
désormais
qu'à la sérénité désarmée
du crépuscule.
Il faut dès lors faire La part des choses, puisque le poète nous y invite, mais c'est à une attitude finalement très taoïste qu'il semble s'engager, plus qu'à une résistance vaine et inachevable, infinie même
et dans le pressoir des cieux
l'âme
obligée de durer
Un premier recueil d'une maturité de verbe et de sens pour le moins surprenante, enthousiasmante - malgré l'omniprésence des nuances en clair-obscur . À cause, plus exactement -, datant déjà de 2006, édité chez un discret mais intéressant petit éditeur de Loire-Atlantique, les éditions Sac à mots.
On espère à juste titre un second envoi...
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CHAMBRE D'AMI
Pour Eric Lemonnier
«Quand la mort aura été entièrement absorbée par la vie» Maine de Brian
L'herbe dégrafe les serrures
chaque fenêtre roule
le drap passager de la nuit
les ronces soudoient le ciel époumoné
dépossédée de ses noyés
une barque visite
l'écume assujettie
d'improbables insectes
piétinent la marelle du vent
les murs ont égaré leur ombre
les meubles en souffrance
interroge la poussière
il n'est plus de pain
pour les lèvres rouillées
l'horizon s'écroule côté cour
et dans ce creux
qui nous revient
et dont témoignent
les choses vouées à l'oubli
ce corps large ouvert
est l'hôte improvisé
de notre aube si crucifiée.
ÉNIGME DE LA RUPTURE
Pour Serge Wellens.
«En hiver les arbres sont en bois.» Jules Renard
Cet arbre
se résout
à perdre
ses feuilles
mais il ne
se console
jamais
du départ
d'un oiseau