J'étais mal très mal. Une pinte de Guinness me défiait. J'avais déjà remarqué que toutes les Irlandaises en buvaient, mais je n'étais pas irlandaise. J'étais une petite Parisienne qui pensait dur comme fer que cette bière était dégueulasse. Mon estomac avait déjà enduré leur piquette, il tiendrait le choc face à leur Draught. Et puis je n'avais pas le choix. Hors de question de jouer à la difficile devant ce type.
Il m’entraîna à ses côté, il avançait sans hésitation. Il me lâcha et entreprit de nettoyer une tombe, leur tombe, cette tombe que je voyais pour la première fois. Mes yeux parcouraient chaque détail, la couleur du marbre, la calligraphie de leurs noms. Colin avait vécu trente-trois ans et Clara n'avait pas eu le temps de fêter ses six ans. Félix me tendit les deux roses.
- Parle-leur.
Je posai mon ridicule présent sur la tombe et me mis à genoux.
- Hé, mes amours... pardon... je ne sais pas quoi vous dire...
Ma voix se brisa. J'enfouis mon visage dans mes mains. J'avais froid. J'avais chaud. J'avais mal.
- C'est si dur Colin, pourquoi as-tu pris Clara avec toi ? Tu n'avais pas le droit de partir, tu n'avais pas le droit de la prendre. Je t'en veux tellement de m'avoir laissée toute seule, je suis perdue. J'aurai dû partir avec vous.
Je baissai la tête en souriant. Je le sentis s'approcher. Ses lèvres se posèrent sur ma tempe.
- Bonjour, dit-il simplement.
J'étais troublée.
j'étais simplement capable de profiter de petits bonheurs simples
Diane a perdu brusquement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Dès lors, tout se fige en elle, à l'exception de son coeur, qui continue de battre. Obstinément. Douloureusement. Inutilement. Egarée dans les limbes du souvenir, elle ne retrouve plus le chemin de l'existence. C'est peut-être en foulant la terre d'Irlande, où elle s'exile, qu'elle apercevra la lumière au bout du tunnel. L'histoire de Diane nous fait passer par toutes les émotions. Impossible de rester insensible au parcours tantôt dramatique, tantôt drôle de cette jeune femme à qui la vie a tout donné puis tout repris, et qui n'a d'autre choix que de faire avec.
Mais mon cœur battait obstinément. Et me maintenait en vie. Pour mon plus grand malheur
Voilà trois semaines que j'étais dog-sitter. Trois semaines. Edward se foutait de moi. Mais le chien était sympa; mon meilleur ami du moment. Mon seul ami dans ce bled, en fait. Il me suivait partout, il dormait avec moi. Quand je me mettais à lui parler, je me faisais un peu peur. Genre vieille mémère à chien-chien. Même si en guise de chien-chien celui-ci tenait à la fois de l'âne et de l'ours. Un mélange indéfinissable.
« Il n’y a rien à raconter. Je te résume la situation très simplement, il m’a fait beaucoup de bien, je lui ai fait beaucoup de mal, et je l’ai certainement perdu définitivement, ça s’arrête là. »
Mon pas ralentit à l'approche des Gens. Plus d'un an que je n'y avais pas mis les pieds. Je m'arrêtai sur le trottoir d'en face sans y jeter un coup d'oeil. Immobile, la tête basse, je plongeai la main dans une de mes poches, il me fallait de la nicotine.
« Il faut d’abord que je me reconstruise,que je sois forte, que j’aille bien, que je n’ai plus besoin d’aide. Après çà, seulement, je pourrai encore aimer. »