Aucun autre garde-fou qu'un corps bien-aimé : il nous cache, il nous défend, il nous protège contre les hommes, contre la nuit, contre l'inconnu. Que le courage doit être facile à deux êtres unis dans la chair.
Nous croyons qu'un être a disparu de notre vie; nous scellons sur sa mémoire une pierre sans épitaphe; nous le livrons à l'oubli; nous rentrons, le coeur délivré, dans notre existence d'avant sa venue : tout est comme s'il n'avait pas été.
Quel océan inconnu s'est donc retiré de cette plaine, pour qu'elle lui apparaisse comme un fond de mer, comme une immense arène vide?
Le couchant rougeoie, les vignes dorment au loin.
Comment, si près de la mort, et lorsqu'il va falloir tout quitter, peut-on demeurer à ce point occupé des biens de ce monde?
La suspension Renaissance de la salle à manger émettait une lumière qu'absorbaient les boiseries, les tentures à ramages chocolat.
Mais une autre religion les unissait : les pins , la vigne , – la terre , enfin . Ils communiaient dans ce même amour . Si on leur avait ouvert le cœur , on y eût trouvé inscrits les noms de toutes les fermes , de toutes les métairies dont la possession les tenait en joie , les fortifiait aux jours de traverses et de deuil – empêchait qu'aucun drame atteignît en eux le goût de la vie .
Ces cœurs éternellement trompés sont, ici-bas, du gibier pour Dieu.
Chambre aux murs blêmes, sépulcre vide. La poussière y dansait dans la lumière qui fusait des persiennes. On eût dit une de ces chrysalides diaphanes qu'abandonnent les cigales envolées.
L'après-midi était terne, l'atmosphère pesante, mais aucun orage ne montait : il ne pleuvrait pas. La poussière, qui salissait l'herbe des talus, ne pouvait rien contre les vignes déjà souillées par le sulfate.