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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Raymond Courrèges, jeune bordelais, retrouve la femme qu'il a jadis aimée, dans une boîte de jazz parisienne, accompagnée de mari qui fut un temps son « protecteur ».

"... le visage de certaines femmes jusque dans la maturité demeure baigné d'enfance ; c'est peut-être leur enfance éternelle qui fixe notre amour et le délivre du temps. "

Raymond se remémore alors son adolescence, structure romanesque empruntée à Proust de l'indice qui provoque le souvenir. Il se souvient que cette femme, Maria Cross, croisée par hasard dans le tramway qu'il prenait alors, était aussi l'objet des attentions de son père, médecin majeur de la scène bordelaise.

"Nous avons tous été pétris et repétris par ceux qui nous ont aimés et pour peu qu'ils aient été tenaces, nous sommes leur ouvrage, - ouvrage que d'ailleurs ils ne reconnaissent pas, et qui n'est jamais celui qu'ils avaient rêvé. "

Dès lors le père et le fils se croisent dans leur passion.

"On ne pense jamais que ce sont les passions des pères qui le plus souvent les séparent de leurs fils."

le nom de « Cross » emprunté à l'anglais signifie à la fois « la croix » qu'elle porte (son fils mort), le verbe « croiser », « traverser » (une vie) et enfin l'adjectif « en colère », colère qu'elle montre par jeu à Raymond lorsque, celui-ci dans sa maladresse - attendrissante selon elle- veut la faire céder à son désir mais qui laisse le jeune homme dépité, le marque à jamais puis participe d'un certain cynisme.

"Ah ! l'importunité de ces êtres, à qui notre coeur ne s'intéresse pas, et qui nous ont choisis, et que nous n'avons pas choisis."

C'est le jeu continuel d'un amour inavoué, non consommé qui est intéressant ici. Tout réside dans le non-dit de certaines scènes mais que Mauriac fait partager au lecteur à la fois juge et parti, et c'est son grand talent de dévoiler une apparente mauvaise foi qui n'est que jeu ou dépit amoureux.
Sur un thème on ne peut plus classique, Mauriac réussit en ce sens qu'il analyse en clinicien digne de ce docteur Courrèges, chercheur, et dont la mort d'un chien pendant ses recherches, allégorise sa propre déchéance physique issue elle-même d'une renaissance sentimentale. Rien n'est vraiment dit, c'est à peine suggéré mais on comprend tout clairement. Et chacun se retrouve confronté à son propre « désert ». Maria, prisonnière d'une certaine respectabilité, Raymond en proie à ses désirs jamais assouvis et toujours recommencés, le docteur, son père, face à la mort et aux souvenirs douloureux.

"Le docteur était de ces imaginatifs qui ne lisent jamais de romans parce qu'aucune fiction ne vaut pour eux celles qu'ils inventent et où ils tiennent le rôle essentiel."

Autres citations marquantes :

"Mais à quoi bon cet effort vers la perfection lorsque c'est notre destin de ne rien tenter qui ne soit louche en dépit de notre bon vouloir ?"

"Ce n'est pas la mort qui nous prend ceux que nous aimons ; elle nous les garde au contraire et les fixe dans leur jeunesse adorable : la mort est le sel de notre amour ; c'est la vie qui dissout l'amour. "

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Un soir à Paris, dans un bar de la rue Duphot, apparaît, accompagnée de son mari, Maria Cross. Raymond Courrèges n'en croit pas ses yeux, il a si longtemps rêvé de cette rencontre pour pouvoir assouvir sa vengeance envers cette femme qui l'a humilié, presque vingt ans auparavant... La présence de Maria, qui ostensiblement l'ignore, fait naître des images qu'il n'a pas envie de contempler mais qu'il ne peut que subir. Au fil des souvenirs ainsi convoqués, nous découvrons les événements à l'origine du ressentiment haineux de Raymond.
C'est l'époque de sa jeunesse bordelaise. Fils et petit-fils de médecin, son goût trop prononcé pour les plaisirs à satisfaction immédiate l'a détourné de toute velléité de carrière. Il aime dominer ses camarades, auprès desquels il passe pour un sale type, de ceux qui cachent des photos de femmes dans leur portefeuille et fréquentent les baraques à catins de la fête foraine. Il prend des airs arrogants et cyniques pour éreinter le milieu enseignant et le monde des adultes en général.

Il n'est pas vraiment plus apprécié chez lui qu'au collège. Sa soeur aînée -qui le surnomme "la plaie de la famille"- et sa mère le jugent comme un incapable et son père surmené, comme indifférent à tout ce qui se passe dans un foyer où il est peu présent, ne sait comment créer de liens avec ce fils au coeur hérissé de défenses.

La réalité intérieure de Raymond est en inadéquation avec cette image d'assurance effrontée et de tombeur de filles qu'il renvoie. Victime de l'opinion désastreuse que les autres ont de lui, il a fini par y croire lui-même, et donc par l'entretenir. Il est beau mais se trouve laid, et s'applique donc à ne pas prendre soin de son apparence. Convaincu de ne pouvoir susciter que le dégoût, il éprouve pour son corps, qu'il voudrait cacher, une honte profonde.

Tout va changer avec l'attention que lui porte une femme. Cette femme prend chaque jour de la semaine le même tram que lui, de retour du cimetière où elle s'est rendue sur la tombe de son fils. Cette proximité quotidienne avec son enfant mort explique-t-elle ce besoin de s'attacher à un enfant vivant ? Toujours est-il qu'elle décèle dans le collégien négligé qu'est Raymond un être neuf, et que s'instaure entre eux un échange d'abord silencieux. le jeune homme, sous l'effet de cette contemplation, se transforme, se convainc qu'il n'est peut-être pas un monstre, puisqu'il détient le pouvoir de capter le regard d'une femme, il sort de son état d'écolier sordide, se préoccupe de son apparence.

Il a dix-sept ans. Elle en a vingt-sept. Elle, c'est Maria Cross, ce que Raymond n'apprend que lorsqu'ils finissent par se parler. Quelle stupéfaction alors ! Voici donc cette femme dont on n'évoque dans son milieu le nom qu'à voix basse parce qu'on lui prête une mauvaise vie… chez les Courrèges, son évocation suscite des dissensions entre son père, dont elle est la patiente et qui contredit cette réputation injustifiée, et sa mère, qui refuse d'entendre parler de cette gourgandine irrémédiablement perdue.

"Le désert de l'amour" est le roman des souffrances et des désillusions qu'engendre le décalage entre attentes et réalité, entre l'image que l'on s'est construit d'un autre et la confrontation, qui la contredit, avec son altérité.

Raymond projette sur Maria -qui n'aime pas le sexe- les excitants fantasmes que l'on associe aux "mauvaises femmes", quand Maria s'induit elle-même en erreur quant à la candeur et à la pureté adolescente du jeune homme, malentendus qui conduisent inévitablement au conflit. Et toutes les histoires d'amour évoquées ici par François Mauriac sont ainsi vouées à l'échec. Courrèges père, secrètement épris de Maria, n'obtient en retour qu'une estime platonique et vaguement ennuyée. L'épouse du docteur, qui s'est résignée à s'assécher, a fini par accepter l'indifférence de cet homme qu'elle imagine dépourvu de toute passion.

Il sourd une grande tristesse de ce texte où il semble impossible d'être aimé de ceux que l'on aime, ou de l'être pour ce que l'on est vraiment.

Et il ne faut compter sur aucune compensation au sein du cercle familial. Dans la grande demeure des Courrèges où cohabitent, en plus de Raymond et ses parents, la grand-mère, et le couple formé par sa soeur et son beau-frère, l'essentiel des échanges se résument à d'acrimonieuses querelles domestiques, comme si à vivre ainsi les uns contre les autres, on perdait le goût de s'apprécier et de se confier, tout en acquérant celui de surprendre les secrets des autres.

Quant à Maria Cross, prisonnière de l'absence de perspectives qui la condamne, en tant que femme sans famille ni formation, à se faire entretenir par un homme qui la répugne, elle est seule, rejetée à la fois par ses pairs qui ne comprennent pas son désintérêt pour la vie sociale et par les milieux bourgeois où elle ne saurait avoir sa place.

J'ai une fois encore été complètement conquise par l'écriture de François Mauriac, d'un classicisme peut-être parfois désuet, mais dont la précision et la richesse embarquent et convainquent. Comme toujours avec cet auteur, les pensées torturantes des personnages, leurs obsessions et leurs motivations sont décrites avec une finesse qui révèle un connaisseur de la psychologie humaine et des mécanismes -émotionnels et sociaux- qui déterminent les relations entre individus. La structure narrative enfin, faite d'épisodes qui s'enchâssent de manière concentrique, mêlant à la fois passés et présent, mais aussi le point de vue de divers protagonistes, entretient une forme de suspense tout en dynamisant le récit.

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La rivalité imprévue entre un père et un fils à peine sorti de l'adolescence, quant à une femme, Maria, entretenue par une tierce personne par nécessité financière. Amour platonique du père médecin qui a soigné le jeune garçon de cette dame, hélas décédé. Ce médecin travaille beaucoup et ne vit que pour ses visites à Maria. le jeune fils, Raymond s'éprend de Maria, lors de trajets en tram. Elle le repoussera et 17ans plus tard, il la retrouve dans un restaurant, avec l'envie de se venger. Raymond est un fils de famille volage, pas très sympathique au demeurant, sans vocation particulière.
Descriptions formidables de Bordeaux en 1925
après la 1ère guerre mondiale, analyse profondément humaine de ce que l'on croit être l'amour ou de ce qu'est l'amour même non partagé, de la souffrance amoureuse, réconciliation du père et du fils, éloge de la famille et du mariage. Un roman de haute moralité à priori. Mais si on lit bien les dernières pages, le docteur qui a abandonné ses rêves et se repose désormais sur son épouse, conseille à son fils de se marier, pour ne pas être seul "A la fin comme au commencement, il faut qu'une femme nous porte". La famille telle un refuge, après une ou des déceptions . de l'égoïsme pur et simple, du conformisme ? La question peut être posée.
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Une écriture poétique pour certains passages et une intrigue facile à suivre. Maria Cross est l'objet de la passion du père et du fils et personne ne lui résiste. « C'est terrible d'aimer et c'est honteux de ne plus aimer « .
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Une écriture qui rend aux personnages leur entière humanité, voilà ce qu'est l'écriture de Mauriac. L'histoire ne m'attirait guère (un père et un fils amoureux de la même femme) mais c'était sans compter sur cette écriture. Au fil des pages, on comprend les trois personnages, pourtant antipathiques à prime abord. on suit leurs rêves, leurs espoirs, leurs désillusion... Trois personnages qui pourraient s'aimer mais ne se comprennent pas et auxquels on compatit. Un reflet pessimiste de nos relations humaines et du désert de l'amour entre illusions personnelles et réalité souvent froide et dure.
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