Dans un monde post apocalyptique dévasté par on ne sait quelle catastrophe un homme et son enfant. le monde réduit à la survie : manger, rester au chaud, boire, rester en vie. Satisfaire ces nécessités primaires peut-il suffire pour vivre ? Un être humain peut-il s'en contenter ? En dépouillant le monde de tout, d'absolument tout McCurthy questionne notre raison d'être. Dans ce monde mort il y a pourtant un peu plus que ce qu'il n'y parait, pour l'homme c'est l'enfant, allégorie d'un espoir « Il ne savait qu'une chose, que l'enfant était son garant. Il dit « s'il n'est pas la parole de Dieu, Dieu n'a jamais parlé » ».
L'autre moteur c'est la certitude d'être du bon côté, d'avoir une légitimité dans un monde où tout n'est que grisaille, souffrance, terreur et violence :
« On est encore les gentils ?
Oui. On est encore les gentils.
Et on le restera toujours.
Oui Toujours »
C'est autant la survie que l'espoir, aussi maigre soit-il, qui a jeté sur
la route ces deux âmes meurtries. La mort serait un soulagement mais ce serait aussi un renoncement auquel l'homme pourrait se résoudre pour lui-même, mais pas pour son fils.
La route c'est tout ce qu'il reste. Avancer dans l'espoir de trouver quelque chose de meilleur, de vivable. J'ai beaucoup pensé au mythe de Sisyphe qui inlassablement pousse son rocher ou à Prométhée dont la torture est sans fin.
Des pages de vie quotidienne dans un monde dévasté. La peur, le dépouillement, l'absence de vie, l'horreur de ce que « les méchants » font pour survivre. La noirceur dans ce qu'elle a de plus désespérée. L'impression de mourir un peu plus chaque jour et le désespoir de ne jamais mourir pour que cela cesse. Des êtres en sursis à l'image de la grisaille qui les entoure : pas encore mort, plus tout à fait vivants. Mais ce livre c'est aussi un questionnement sur la condition humaine et sur la transmission.
Alors oui
la route est longue et douloureuse, d'une tristesse abyssale mais elle est portée par une écriture magistrale. Dépouillée, forte, directe, épurée jusqu'à l'os. de celles qui vous frappent au coeur. Elle est à l'image du propos. Symbiose totale entre le fond et la forme, l'un est au service de l'autre et vice-versa. On avance avec le coeur qui se serre un peu plus à chaque pas. Impuissant.
L'avantage de faire une lecture commune ce sont les avis divergents, donc enrichissants. La remarque qui m'a fait le plus réfléchir c'est celle de HordeduContrevent « c'est too much ». de cette remarque ont découlé des échanges très intéressants. Je ne peux pas tout dire sans dévoiler des moments clefs de l'histoire, mais pour moi c'est au contraire juste. Horrible et difficile à concevoir mais cohérent et inévitable. Pour certains lecteurs ces passages seront vécus comme « l'auteur en fait trop ». Je suis convaincue du contraire car nous avons idéalisé la nature de l'homme et sa grandeur d'âme. Ici McCurthy fait tomber le masque et pour certains lecteurs ce sera inconcevable, intolérable, pour d'autres douloureux. Certains sombreront même dans l'ennui. Tout dépend sous quel angle vous regarderez quand vous prendrez
La route. Pour moi ce fut le chemin vers quelque chose à la fois d'inimaginable mais qui semble inéluctable: le vide absolu, le cheminement de l'humanité vers le chaos. Un regard froid, chirurgical et dénué de toute illusion sur la nature humaine. Dérangeant et bouleversant.