Bien après tout le monde, je découvre
Betty de
Tiffany McDaniel. Il était, comme beaucoup de mes livres, dans ma Pile à lire depuis bien longtemps. Mais il m'a été recommandé parmi des lectures à faire pour cette année et j'ai ajouté au Pumpkin Autumn Challenge pour ne pas me défiler ! Cette histoire d'une enfant métisse native américaine avait ceci dit tout pour m'intéresser.
C'est un thème rapidement abordé, mais
Betty grandit dans une famille pauvre et nombreuse. Landon Carpenter est d'ascendance cherokee, et
Betty est celle qui lui ressemble le plus. Elle subit donc le racisme, comme lui, très tôt à l'école. Les autres enfants l'analysent à travers le spectre des clichés déployés par les adultes : les Amérindiens ont forcément des plumes et vivent dans des tipis, ce qui est loin d'être le cas de toutes les communautés. La fillette grandit donc dans le mépris de la plupart des voisins, la violence de ses camarades de classe, le rejet de ses grands-parents… Mais la violence se trouve aussi dans sa famille, et les prédateurs sont parfois les personnes les plus proches de soi.
Car
Betty est un récit cru, voire cruel. Dans un premier temps, le personnage de la mère est très ambivalent. Alka peut se montrer abusive psychologiquement. Elle n'hésite pas à insulter
Betty pour sa couleur de peau, à raconter des histoires inadaptées à ses enfants. Très vite, il est révélé les traumatismes de son enfance. L'inceste est très présent dans le récit, de même que les viols. Si dans certains cas, ces passages aident à comprendre les personnages et l'époque, j'ai cependant trouvé que l'on plongeait dans des moments très sordides qui n'étaient pas toujours nécessaires, comme si l'autrice cherchait à aller toujours plus loin. Notamment une scène avec des chats en milieu de livre. Heureusement, il y a une très belle écriture, poétique, riche et évocatrice, pour contrebalancer cet aspect.
Comment supporter les traumas du monde adulte quand on est enfant et impuissant ? L'aspect thérapeutique de l'écriture et de l'imaginaire se manifeste de plusieurs manières. Dans un premier temps, c'est au travers des histoires fantasques du père, Landon, qui puise dans son héritage Cherokee pour partager les traditions auprès de ses enfants,
Betty étant la plus proche de lui durant le récit. La place de la mémoire des générations passées est particulière, et l'énergie trouvée dans la nature et l'imaginaire permet de trouver un havre. Un fragile havre de paix que
Betty perpétuera en écrivant des histoires, ou des témoignages de ce qu'elle a vue, dans un geste désespéré et cathartique, mais salvateur.
Elle se révèle être un personnage fort et courageux. L'impuissance de son enfance est bien représentée, également à travers ses frères et soeurs, notamment Fraya, la soeur aînée, à la fois victime et protectrice. L'histoire des autres personnages est tout aussi touchante : Flossie, l'éternelle actrice, la sensibilité de ses jeunes frères… Mais ce sera
Betty qui brisera le cycle grâce à ses mots. Car l'héritage, ce n'est pas seulement celui de la culture Cherokee, c'est aussi celui des traumatismes des générations d'enfance qui se transmettent comme une maladie. C'est représenté par la ressemblance physique entre différents personnages, ce qui n'est pas un procédé très subtil mais a le mérite de bien poser les choses.
Le succès de
Betty est amplement mérité. C'est un roman dense et riche, porté par une écriture exceptionnelle et poétique, et une galerie de personnages marquants. Abordant des thèmes très durs, pauvreté, racisme, inceste… le roman décrit comment la jeune
Betty surmonte les épreuves grace à l'écriture et sa relation avec son père, son lien avec l'héritage de ses ancêtres et la nature. Dommage cependant que l'autrice pousse parfois loin la cruauté des événements, ce qui donne l'impression de vouloir jouer sur le pathos sans que ce soit nécessaire.
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