Née en 1953, l'américaine
Alice McDermott est (comme Marie, l'héroïne de
Someone), née à Brooklyn et d'origine irlandaise. En 1998, son roman
Charming Billy avait été lauréat du National Book Award, un des plus prestigieux prix littéraires américains. C'est une auteure que j'avais dans mes tablettes depuis longtemps, mais sans l'avoir encore jamais lue. Lorsque j'ai découvert que son dernier roman – sorti au Quai
Voltaire en France fin août dernier – parlait de Brooklyn et de la communauté d'immigrés irlandais, ça a tout de suite fait tilt et je me suis lancée.
Someone est une lecture magnifique.
Pourtant au début du roman je me suis un peu inquiétée. Dans la description de certaines scènes d'enfance, de certains personnages, il y a comme un arrêt sur images, une profusion presque diluvienne de détails réalistes. J'ai eu peur que cela nuise au rythme, à la consistance de Marie.
Mais non. On arpente à ses côtés les chemins d'une vie ordinaire ; sans rien de linéaire. Ce roman, c'est comme tenir compagnie à une vieille dame feuilletant l'album de souvenirs de sa vie et l'écouter raconter, digresser, oublier, disserter. Un souvenir anodin de ses dix ans, dans les années 30, resté imprimé dans sa mémoire, se verra évoqué avec une foultitude de détails, suivi de quelques mots sur ses propres filles à dix ans. Ensuite elle revient sur son adolescence, puis à celle de ses filles, barbées de s'être fait raconter mille fois l'histoire de son premier amour ; qu'elle nous raconte ensuite à nous. Et ainsi de suite. Ce n'est pas linéaire mais ça se tient merveilleusement de bout en bout. La construction narrative est vraiment très subtile. On sait par avance les grands événements de sa vie, évoqués par un détail, un tiers, une absence, avant même qu'elle ne nous les ait racontés. Au début ça surprend. Mais étrangement, cette manière de raconter donne au roman une puissance particulière. Les différents personnages acquièrent une densité émouvante, saisis ainsi par la plume de l'artiste, dans la trame de leur existence. J'ai eu cette impression étrange qu'ils prenaient d'autant plus corps et vie. Comme si peut-être, l'écrivain réussissait à bluffer notre propre mémoire de lecteur en nous faisant croire qu'effectivement on savait déjà qu'untel était mort, malade, rencontré, même avant qu'on le sache. On s'approprie intimement le récit.
Les petites et grandes tragédies de la vie, la jeune voisine qui se rompt le cou dans un escalier, la mère de sa meilleure amie qui meurt en couches, son premier chagrin d'amour, son premier emploi chez Fagin, l'entrepreneur de pompes funèbres du quartier (qui même s'il en veut à Dickens, n'en expose pas moins l'intégralité de son oeuvre reliée dans son bureau), des personnages complexes et touchants, l'évolution de la société, le changement de Brooklyn… Toute une vie ; et un plaisir de lecture gigantesque.
Alice McDermott vient de rejoindre la liste de mes auteurs à suivre.
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