"C'est un 4 !" hurlerait le jury d'une émission populaire, où on s'essaie tant bien que mal à la danse, en affichant sa pancarte, hilare.
Pourquoi 4, voire 4.25, avec le sourire en prime ? Eh bien parce qu'il est rafraîchissant de lire les aventures (tribulations ?) d'un inspecteur catho chez les protestants en 1981 du côté de Belfast, au coeur d'un des nombreux (et reconnaissons-le : sanglants) épisodes du conflit nord-irlandais qui n'a jamais débouché sur l'indépendance de celle-ci mais a laissé sur le carreau un nombre effarant de victimes et des scènes de désolation dont on peine à concevoir qu'elles soient si récentes.
Enfin surtout lorsque le dit inspecteur (sergent en réalité, qui s'appelle Sean Duffy) s'avère être un tel numéro, un chien fou, cultivé, provoc, brillant, bourré d'humour et bourreau des coeurs - le contraire du modèle déposé pas très loin de là, en Scandinavie, on songe à Kurt Wallander ou Erlendur Sveinsson, voire à côté en Ecosse avec John Rebus, ce genre de flics qu'on connait et qui ont envahi le paysage du polar, tacitunes, introspectifs, meurtris au-delà du raisonnable, mélancoliques ascendant neurasthéniques, qui réfléchissent (beaucoup) avant d'agir (un peu mais bon toujours à bon escient).
Sean Duffy, dont c'est la première aventure, l'entrée en scène et en fanfare (5 livres parus, 3 traduits en français, le dernier cette année chez
Actes Sud), réfléchit beaucoup (il ne faut pas croire) mais agit bien davantage (vraiment), pas forcément à bon escient, mais enfin il pense que du mouvement aussi désordonné fût-il (cette image : chien fonçant dans un jeu de quilles) viendra le résultat, ce qui s'avère en partie vrai, qu'importent les dégâts.
L'intrigue est simple (deux homosexuels assassinés : oeuvre d'un serial-killer ?, une jeune femme disparue retrouvée pendue : suicide et rien à voir avec l'autre affaire ?) mais en temps de guerre, au moment où Belfast est secouée par les explosions et tenue par les bandes (milices, factions, groupes paramilitaires etc.), retrouver ses petits ne l'est pas.
Une terre si froide est un alcool bien frappé, son héros est lui frappé tout court. Il écoute de la musique, de Puccini aux Ramones, de Dusty Springfield aux Stones (moins Spandau Ballet "qui est à la pop ce que l'extinction du crétacé-tertiaire fut à la musique des dinosaures"), touche sa bille en mythologie, au lit (quelle vigueur) et dans l'utilisation de la mitraillette Sterling, évolue au sein d'un poste de police plan plan où son énergie et son humour ravageur détonnent, conduit sa "BM" en dépit du bon sens et d'une alcoolémie souvent (trop) élevée - et ne lâche jamais.
Une terre si froide, qu'on comparerait davantage à un film de
Tarantino qu'à un roman d'
Ellroy, est un polar à recommander très chaudement, rapide, nerveux et insolent.