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4,24

sur 233 notes
Quelle merveille, ce livre. Je viens de le terminer, j'ai eu l'impression d'être hors du monde le temps d'une lecture, dans un cocon merveilleux.

J'ai tout aimé. Adoré. L'analyse du texte d'Homère, toute en finesse et rendue accessible par l'auteur. La relation avec son père, le rapprochement du père et du fils autour de l'Odyssée.

Ce livre est merveilleux. Je sais, cela fait trois fois que j'utilise ce mot, "merveille". Daniel Mendelsohn a su me faire tirer quelques larmes à la fin du livre, chose qui m'arrive rarement lors d'une lecture.

Rares sont les livres qui arrivent à nous faire penser autrement. A nous faire voir les choses autrement. A faire dévier nos schémas de pensées, vers quelque chose de profondément humain. C'est l'effet de ce livre sur moi.

Je suis heureuse également de découvrir l'auteur, Daniel Mendelsohn. Je suis allée l'écouter sur des émissions Radio France, et je l'ai trouvé très interessant, très humble aussi. C'est un auteur, un professeur, et une personne qu'il me plairait de rencontrer.

Ce livre est merveilleux, et je vous le conseille fortement.
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Une amie m'a offert ce livre dont je n'avais jamais entendu parler.
Je suis toujours ennuyée quand on m'offre un livre, car je ne l'ai pas choisi, que j'ai déjà une liste énorme de livres qui attendent sagement leur tour, et qu'il va falloir pourtant lire ce nouveau-venu-non-attendu, dans un délai raisonnable et éventuellement être capable de donner un avis... plutôt élogieux ....bref des contraintes !!!!

Il a donc attendu son tour , grillant néanmoins au passage plusieurs autres, en pôle position depuis longtemps pourtant .

Mais alors quelle bonne surprise !!! Un livre qui m'a beaucoup séduite, émue, fais réfléchir sur un tas de sujets.

C'est l'histoire de la relation de deux pères et de deux fils
: celle d'Ulysse et de Télémaque et celle de Daniel Mendelsohn et de son père Jay.
L'Odyssée d'Homère sert de toile de fond, puisque le fils anime un séminaire sur le sujet, auquel son père participe en auditeur.
Le père et le fils achèveront leur quête de connaissance par une croisière en Méditerranée sur les traces d'Ulysse : voir in situ les lieux mythiques !

les histoires s'entremêlent, s'éclairent, nous interpellent.
L'auteur nous propose une analyse pointue du texte, tout en restant cependant abordable pour les non spécialistes dont je suis.
La relation père/ écrivain est forte et riche et les analogies avec le texte d'Homère ne manquent pas.

Un vrai plaisir de lecture que je recommande vivement , sachant qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu Homère tant le périple d'Ulysse est connu et a fait rêver des générations d'individus.
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«Une maison est un royaume vaste et inconnu et une vie ne suffit pas à l'odyssée entre la chambre d'enfant, la chambre à coucher, le couloir dans lequel les enfants se poursuivent, la table de la salle à manger sur laquelle les bouchons sautent et le secrétaire avec ses quelques livres et ses quelques papiers, qui cherchent à dire le sens de ce va-et-vient entre la cuisine et l'office, entre Troie et Ithaque.»

Jamais auparavant une citation épinglée au cours d'une de mes lectures (ci-avant - extraite du livre «Danube», de Claudio Magris) ne m'aura paru à ce point appropriée à synthétiser l'impression profonde que m'en laisserait une autre, effectuée quelque temps après et en principe très différente de la première...
L'écriture de «UNE ODYSSEE - Un père, un fils, une épopée» relèverait pour moi, en effet, de ce même élan condensé magnifiquement dans ce passage de «Danube» : mouvement réunissant intellect, imagination et coeur, réconciliant avec grâce et naturel des dimensions la plupart du temps tenues à distance par la force des choses, incompatibles en apparence avec un quotidien subsumé dans cet horizon à court-terme auquel nous astreignent nos listes de courses et nos réunions à préparer, pris entre factures à régler et lave-vaisselles à remplir, entre le menu du jour et la chambre à échoir (ouf!) la nuit...

Exégèse savante d'un des textes fondateurs de la littérature occidentale, récit autour de d'une expérience singulière de l'auteur en tant qu'enseignant de lettres classiques, livre de mémoires dédié à son père, UNE ODYSSEE est un essai à entrées multiples, dont le dénominateur commun pourrait être la question de savoir comment créer les conditions subjectives pour qu'une «transmission» soit réussie : l'héritage d'une oeuvre classique, de ses lectures et interprétations successives à travers les époques; celle d'un maitre envers ses disciples; d'une génération à l'autre, ou encore celle d'un père à son fils.

Transmission qui s'envisage avant tout, ici, comme un cheminement partagé et comme «mouvement volontaire vers» : vers un dépassement du combat ininterrompu des consciences décrit par Hegel dans sa dialectique du maître et de l'esclave, «lutte de prestige» où chacun cherche instinctivement à ce que l'autre en face reconnaisse sa valeur comme étant prépondérante ; volonté de réduire le hiatus important existant entre un certain héritage humaniste classique et des modalités nouvelles de pensée, induites notamment par la révolution technologique et numérique actuellement en cours ; vers un décloisonnement aussi entre des modèles de rigueur et de travail intellectuels traditionnellement considérés comme incontournables pour accéder à un tel héritage, et ceux d'une jeunesse de plus en plus décomplexée à cet égard, habituée à un accès aux savoirs et à la connaissance à la carte, circonstancié et immédiat ; enfin, vers une levée possible de ce seuil de fer habituellement dressé entre vie professionnelle et vie personnelle, entre salon familial et la salle de classe, lorsque l'auteur, décidant d'accéder à la demande faite spontanément par son père de quatre-vingt-un ans, accepte qu'il suive en auditeur libre un de ses séminaires universitaires, consacré cette année-là (2011) à l'Odyssée.

Voilà en gros la feuille de route de ce récit lumineux de Daniel Mendelsohn, à la fois d'une érudition très généreuse et d'une intelligence émotionnelle absolument renversantes.

Dans la littérature grecque, d'ailleurs, nous explique l'auteur lors d'une de ses très nombreuses (et savoureuses) incursions philologiques, le mot «chant» (oimê) dérive d'un autre plus ancien (oimos), qui veut dire «chemin», ce dernier étant à son tour apparenté à un troisième mot, «oima», qui signifie lui «mouvement», «élan». C'est ainsi donc qu'en Grèce antique, le chant et la poésie auraient été étroitement associés à l'idée d'un «chemin», voire, plus archaïquement, à celle d'un «mouvement volontaire vers l'avant». (Et moi j'entends en ce moment, dans ma tête, «un chemin qui chemine», chanté par la voix veloutée de Georges Moustaki dans sa magnifique version française de la chanson «Águas de Março» - «Les Eaux de Mars» - du fondateur de la bossa-nova, Tom Jobim).

UNE ODYSSEE s'ouvre par ce que les érudits appellent un «proème» (c'est-à-dire «ce qui vient avant l'oimê», «avant le chant»). Il s'agit des vers par lesquels commencent pratiquement toutes les épopées classiques, annonçant en grands traits le sujet de l'oeuvre, son cadre, ses personnages et thèmes principaux. Entrée en matière où l'auteur tissera un étonnant écheveau d'imbrications signifiantes, accomplissant un véritable tour de force narratif inspiré de la technique de composition circulaire omniprésente dans la littérature grecque et, plus particulièrement, chez Homère.

«Si à première vue, elle peut s'apparenter à une digression, la composition circulaire, constitue une technique efficace pour intégrer à une même histoire le passé, le présent, et parfois même l'avenir puisque certaines «spirales» se déroulent vers l'avant, anticipant des événements qui se produiront après la conclusion du récit principal.»

Ainsi, procédant par des circonvolutions dans le temps et l'espace, par des allers-retours incessants entre un patrimoine universel légué par la Grèce antique et le réservoir de sa mémoire individuelle, mariant philologie et éléments autobiographiques, l'auteur détaille, pas à pas, quasiment pied à pied, les dix premiers vers incantatoires constitutifs du proème de l'Odyssée. Et tout en les analysant d'un point de vue littéraire, les relie symboliquement à ses souvenirs de son père et aux grandes étapes de l'odyssée vécue par tous deux grâce à leur lecture commune d'Homère durant cette année universitaire de 2011.

Cette «odyssée» dans l'Odyssée sera ensuite développée dans les chapitres suivants, au rythme même du séminaire universitaire et des cours consacrés aux principaux épisodes du voyage de retour du héros de Troie à Ithaque - itinéraire qu'à leur tour père et fils referont ensemble au terme du séminaire, lors d'un voyage en Grèce à l'été 2011 bouclant la boucle du récit.

Chapitres qui s'intitulant «Télémachie», «Paideusis», «Homophrosyné», «Apologoi», «Nostos», «Anagnorisisis» et «Sigma», pourraient de prime abord rebuter ou faire craindre le pire à un lecteur lambda s'estimant manquer d'érudition humaniste et classique suffisante, termes érudits que le talent et la pédagogie de Mendelsohn réussiront néanmoins à rendre parfaitement tangibles, actuels et vivants, accessibles au tout venant, du début à la fin du voyage.

Avec une grande délicatesse, avec la même attention et patience qu'il semble accorder à ses étudiants (et également à un père qu'il découvrira peu enclin à jouer le rôle de l'élève discipliné en classe !), l'auteur nous invite ainsi à partager, étape par étape, leur odyssée commune ayant permis, in fine, à tous les deux de trouver des réponses surprenantes à ce qui constituerait l'une des énigmes cruciales posées par l'épopée homérique : «mais quel est la vraie nature d'un homme, et combien de natures un homme peut-il posséder?»

Grâce à cet essai autobiographique, touchant par l'honnêteté du ton employé, surprenant par l'intelligence, la sensibilité et la vérité qui se dégagent à tout moment - brillante démonstration intellectuelle aussi, érudite, qui apprend et instruit, transmise en même temps avec coeur et générosité -, j'eus le sentiment de découvrir avec plaisir un style et une voix littéraire particuliers, atypiques.
Tout en abordant des thèmes liés à sa vie personnelle, à son intimité, Daniel Mendelsohn ne semble jamais céder à la tentation d'une auto-observation compulsive et/ou complaisante, ni à une forme quelconque de revendication (quelquefois de vindicte) confinant dans l'impudeur, ce que l'on retrouve, hélas, trop souvent chez des auteurs, de plus en nombreux, pratiquant une certaine forme d'autofiction dont le marché littéraire actuel paraît si friand (mais qui personnellement m'insupporte au plus haut point, y compris quand elle se prévaut d'illustrer un phénomène de société à déplorer, ou d'être simplement à visée soi-disant «sociologique»).

Enfin, l'auteur montre (à l'instar d'Homère) un art consommé de la digression (trop «agaçant», diront certains lecteurs du site) – aptitude remontant donc à la Grèce antique qui, toutefois, quoi qu'on en pense, maitrisée à merveille comme c'est le cas ici, s'avérera précieuse, incontournable, dès qu'on cherchera "à dire le [complexe] sens de ce va-et-vient entre la cuisine et l'office, entre Troie et Ithaque»...!

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Avec ce livre qui m'a été offert judicieusement par une amie connaissant mes goûts, je découvre un nouveau genre littéraire original et passionnant. A la fois autobiographie et analyse littéraire, l'auteur s'adosse à l'Odyssée pour parler de son père et de leur relation.
Il nous propose une relecture approfondie de l'Odyssée et il est parfaitement légitime dans sa proposition puisque , professeur de lettres , il anime des séminaires à l'université autour de l'oeuvre d'Homère.
Son livre retrace le déroulement d'un séminaire en particulier : celui au cours duquel il a accueilli son père mathématicien en retraite, âgé de 80 ans, en auditeur libre.
La construction du récit mêle l'enseignement interactif : les étudiants sont sollicités, il ne s'agit pas d'un cours magistral mais d'un échange de vues souvent fructueux ( y compris pour le professeur ) et les évolutions d'une relation père/fils suscitées par cette situation originale.
On navigue entre l'intime et l'universel, cette étude de l'Odyssée sert de support à toutes sortes de réflexions fines , le fils redécouvre son père, cette expérience fait naître un désir d'aller plus loin, et c'est ainsi que père et fils partent ensemble sur les traces d'Ulysse faire une croisière en Méditerranée.
La relation qui se déroule sous nos yeux grâce à ce récit original et bien écrit est très belle et touchante, l'auteur dénoue des questionnements et se rapproche d'un père dont il connaissait finalement si peu.
L'Odyssée n'était qu'un très vague souvenir pour moi, je craignais d'être perdue dans des références trop érudites, au contraire, j'ai attirée et fascinée par l'éclairage qu'en apporte ce livre !


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L'ouvrage de Daniel Mendelsohn est à nul autre pareil.. Il se dévore comme un page turner alors qu'il réunit sans jamais le moindre hiatus, une étude littéraire savante, originale et moderne de L'Odyssée d'Homère, une analyse de sa relation avec son père d'une grande finesse, et l'histoire de ses parents.
Son étude de L'Odyssée s'articule autour du sens de certains mots. On pourrait imaginer le propos abscons ; pas du tout, il éclaire le sens du texte grec avec une écriture simple et limpide. Peut-être parce que au centre de ses préoccupations trônent les personnages. Peut-être parce que son étude passe par le récit : celui du séminaire qu'il mena sur L'Odyssée et auquel son père déjà âgé, vint assister avec régularité et pendant tout un semestre, provoquant la curiosité, la surprise et pour finir l'admiration de ses étudiants ; récit auquel s'entremêle celui de la croisière qu'ils firent ensemble peu après "Sur les traces d'Ulysse". C'est à chaque fois, pour lui, l'occasion de redécouvrir son père, de s'interroger sur sa personnalité, de confronter son regard à celui des autres membres de la famille, à celui des amis de son père, d'admettre que jusque là il était passé à côté.
Il est étrange de constater combien les épisodes de l'épopée l'éclaire sur ses propres réactions ce qui souligne le caractère intemporel des sentiments humains.
Il y aurait encore beaucoup à admirer dans ce texte mais ce qui frappe enfin c'est l'infinie bienveillance du narrateur dans on rapport à autrui.
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Ah voilà une lecture très laborieuse alors que le contenu du livre est pour une grande part absolument génial. Mais ça manque terriblement de concision. le narrateur anime un cours de littérature sur l'Odyssée, son père s'y invite, malgré leur relation conflictuelle (disons teintée d'une certaine rivalité).c'est l'occasion de revisiter leur relation tout en faisant un parallèle avec l'oeuvre d'Homere et aussi de relire leur histoire passée. La navigation entre les trois donne un peu de respiration au texte qui est sinon un peu laborieux. Quand au parallèle entre les trois histoires, il y a des moments de grâce mais disons que le parallèle est vraiment personnel au narrateur et peu évident pour le lecteur.
Par contre , le narrateur fait preuve d'une grande érudition sur l'odyssée, j'ai donc décidé de lire l'odyssée en parallèle du roman, ce que je recommande car il en livre de nombreuses clés. Ce fut donc au final une expérience forte quoique laborieuse et longue. Et ça m'a inspiré d'écrire une saga de jeu de rôles reprenant le thème de l'odyssée, après la mort des dieux, ce fut donc au final très inspirant. C'est un exercice intellectuel stimulant et certainement pas de la détente.
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L'intérêt premier de ce livre est de nous donner envie de relire « L'Odyssée ». Il nous permet de retrouver bien des histoires que nous retenons de nos premières lectures de jeunesse. Par ailleurs, en professeur de littérature classique, Daniel Mendelsohn nous en restitue le sens allant jusqu'aux explications linguistiques de mots ou expressions grecs. Cette lecture nous permet d'assister au séminaire que donne Daniel Mendelsohn à ses élèves.
Mais à ce séminaire participe également Jay, le père de Daniel Mendelsohn. C'est l'occasion pour l'auteur de partir à la recherche de son père. L'approche que retient Daniel Mendelsohn est intéressante, créant certaine similitude entre sa démarche et celle d'Ulysse, au cours de son Odyssée.
Ce thème est quelque peu rebattu dans la littérature. Et la conclusion s'impose d'elle même : « le père sait tout du fils tandis que le fils ne peut jamais connaître le père (p460). Cet aphorisme est pourtant tempéré par l'auteur lui-même qui admet que « toutes les généalogies ne sont pas génétiques » (p144). Chacun peut se construire avec d'autres pères que son géniteur, chacun peut avoir des « Mentor » comme dirait Homère.
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Refermer un livre, c'est rompre l'intimité que l'on avait construite avec des acteurs qui étaient entrés dans votre vie par effraction. Et quand il s'agit d'Ulysse... En fait, on part sur un ouvrage subtil sur le poème d'Homère, et en fait Daniel Mendelssohn nous amène sur un autre territoire, beaucoup plus sensible et intime, la relation père/fils. Cette Odyssée là nous touche profondément et la justesse de l'analyse nous émeut. Mêlant le récit de l'Odyssée et l'analyse qu'il en fait pour ses étudiants à sa relation personnelle avec son père, l'auteur nous conduit dans une double logique dont le fil d'Ariane est la relation père/fils, Ulysse et Télémaque, Daniel et son père Jay, où il est très facile d'importer les éléments de notre propre puzzle familial. C'est un livre érudit - l'auteur est professeur de latin et de grec - , un voyage au coeur des sources grecques de la pensée occidentale et un miroir sur notre propre itinéraire de construction personnelle. A lire sans modération si on accepte ce détour par l'Odyssée qui pourrait , à tort, rebuter.
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Ce livre n'est ni un roman, ni un essai, ni une biographie (quoique...). Il est comme un double récit à des millénaires d'intervalle, une mise en parallèle entre Ulysse et Télémaque d'une part, et, d'autre part, entre le père de l'auteur et l'auteur lui-même, professeur nord-américain contemporain de littérature classique.

Je n'ai jamais lu l'intégralité d'une traduction de L'Odyssée d'Homère, mais j'ai eu envie de lire (sans y être encore parvenu) Ulysse de Joyce après avoir refermé Beaucoup de jours de Philippe Forest. Autant le voyage de retour à Ithaque accompagné par Philippe Forest m'avait conquis, autant Une odyssée de Daniel Mendelsohn m'a "enchanté".

Quand un professeur, sans pédanterie, vous explique la construction narrative du texte fondateur de la littérature, quand il s'appuie sur l'étymologie pour mieux vous faire comprendre le texte originel, quand lui-même, par un mimétisme assumé, enrichit son texte de digressions, de panachages du passé et du présent, quand en un mot il fait revivre au XXIe siècle l'épopée plurimillénaire, vous ne pouvez qu'être vous-même fasciné par la démonstration du caractère universel de l'épopée grecque.

Mais le propos de Daniel Mendelsohn n'est pas principalement de plaider en faveur d'Homère ; il est d'essayer de comprendre ce qui est le plus dur pour un garçon qui n'a jamais connu son père : "Vivre sans père, ou bien le rencontrer à vingt ans et devoir apprendre à le connaître ?". Question d'actualité de nos jours comme du temps des Troyens.

Une grande partie de la saveur (et de la profondeur) de cet ouvrage tient dans sa merveilleuse mise en scène. le père du professeur qui organise un séminaire universitaire sur L'Odyssée assiste en auditeur libre à la conduite des débats entre son fils et des étudiants : trois générations discutent et commentent pour nous le texte d'Homère. Un régal !

La qualité évidente de la traduction renforce ici le plaisir de la lecture. En plusieurs endroits, j'ai pensé à Proust ("Ce soir-là, quand mon père fut parti se coucher, dans le lit étroit qu'il m'avait fabriqué un demi-siècle plus tôt, et tandis qu'il se glissait entre les draps en poussant un gros soupir sonore, chose qu'il faisait souvent [...]" p. 132).

Embarquez sans tarder pour une fabuleuse croisière initiatique !
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Ce livre.
Est une étrangeté.
Dont je suis vraiment, vraiment ravie qu'elle existe.

Elle est inclassable, cette Odyssée, à mi-chemin entre l'essai et le roman, trop précise pour relever de l'autofiction, trop concentrée pour qu'il puisse s'agir d'une autobiographie. C'est en quelque sorte un récit, mais aussi une profonde analyse littéraire d'une oeuvre d'une densité folle, bref, incroyable, précieuse et captivante somme de savoirs, de réflexions et de remises en perspective. On y trouve bien sûr une analyse poussée mais accessible de L'Odyssée d'Homère en elle-même, mais aussi de toute la littérature antique et de sa portée jusqu'à nos jours, et enfin de la relation entre l'auteur, Daniel Mendelsohn, et son père Jay, récemment disparu.

C'est avec Jay que commence en effet le récit, lorsque celui-ci, octogénaire déjà, demande à son professeur de fils (Daniel donc) s'il peut assister au cours qu'il s'apprête à donner au semestre de printemps. Daniel s'en trouve un peu étonné, son père n'ayant jamais étudié ni le grec ni la littérature antique (ce que les anglophones appellent les Classical Studies), mais finit par accepter, touché par cette demande. Il faut dire que lui et Jay ont certes eu une relation aimante, mais parfois chahutée, voire complexe. Jay a été absent, longtemps, dur, souvent, taiseux, pratiquement tout le temps, curieux malgré tout, attentif à ce que ses enfants ne manquent de rien, hâtif dans ses jugements cela dit. Ce séminaire, ce cours auquel le très retraité Jay n'a pourtant a priori rien à faire, c'est aussi (peut-être) l'occasion pour le père et le fils de partager un beau moment ensemble, de se voir chaque semaine, d'échanger, de se retrouver autour de la passion de l'un et d'une frustration (Jay n'ayant jamais pu poursuivre l'étude du latin pour une raison encore un peu floue).

Et c'est.
Captivant.

Alors, je le précise tout de suite, j'ai fait neuf ans de latin et quatre ans de grec, ça me manque terriblement à l'heure actuelle, et je pense très sérieusement à continuer d'étudier ces deux merveilleuses langues de mon côté quand bien même ça n'aura strictement aucun lien avec mon (vague) projet professionnel.
J'aime, passionnément, à la folie, le latin et le grec, le grec surtout (désolée le latin, toi et moi on s'aime fort, mais le grec ancien c'est encore autre chose). Alors forcément, pour moi, un bouquin comme celui-ci, c'est une pure sucrerie.
Mais même pour quelqu'un de moins frappadingue que moi, je vous le garantis, cet ouvrage a tout de captivant.

Ce que l'Odyssée de Mendelsohn a d'admirable, c'est qu'elle a quelque chose à apporter à absolument chacun de ses lecteurs, que celui-ci soit déjà initié de près ou de loin à l'Odyssée d'Homère, soit venu pour l'histoire du rapprochement entre le père et le fils, ou soit simplement curieux d'en apprendre davantage quant au monde de la littérature antique, et de la Grèce antique en particulier. le texte est à la fois très précis, très détaillé, très érudit, et vraiment accessible, clair dans son propos, admirablement traduit, synthétique, bref, en un mot maîtrisé. Mendelsohn parvient de façon assez admirable à mêler l'intime (son histoire familiale) à l'universel (l'étude et la portée d'une oeuvre comme celle d'Homère, le monde de l'académie, du professorat en général, et le thème même de la transmission, de la mémoire, de l'héritage). Tout se mêle, se traverse, se répond, mû par une structure claire de laquelle l'auteur ne se détourne jamais, sans créer de lassitude pour autant, bien au contraire. On suit à la fois le déroulé du cours en lui-même, mais aussi "l'historique" de la relation entre Jay et Daniel, et enfin la croisière que père et fils décideront plus tard de faire ensemble autour de l'itinéraire d'Ulysse vers Ithaque. C'est d'une spontanéité, d'une justesse et d'une sobriété telles qu'on n'a honnêtement d'autre choix que de se prendre de tendresse pour les protagonistes, de passion pour le contenu théorique de l'ouvrage, et de curiosité pour le mélange unique et incroyablement pertinent que l'auteur opère à partir de la mise en parallèle de toutes ces thématiques.

On aurait du mal à voir dans ce petit pavé une lecture de vacances, mais c'est pourtant ce que ce livre a été pour moi, une évasion, une immersion profonde et exigeante dans un univers à la fois très dépaysant et totalement familier. C'est là l'effet (à mon sens magique) de la culture antique : assez éloignée de nous pour qu'on la fantasme et qu'on y trouve un côté exotique, mais bien trop proche de notre culture, de nos références et de notre conception du monde pour qu'on n'y trouve pas une sorte de réconfort. Une Odyssée est précisément un réconfort, à la fois littéraire, culturel et humain, une parenthèse incroyable d'empathie et de transmission où l'idée de mémoire trouve un sens nouveau, à la fois intime et collectif. Fantastique !
Lien : https://mademoisellebouquine..
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