Cicatrice, livre précédent de l'autrice m'avait laissé une forte impression, et je voulais voir si
Un amour allait suivre le même sillon.
Le titre déjà,
Un amour, mais où
Sara Mesa est-elle allée chercher ce titre, car il n'y en a pas trace dans le livre, ou alors je n'ai pu l'entrevoir. Ou bien était-il en creux dans l'histoire, dans les marges, dans les espoirs de l'héroïne, ou dans son passé ?
Nat, la trentaine, dont on ne connait rien, hormis le fait qu'elle travaillait en tant que traductrice commerciale et qu'elle a commis un vol non expliqué, part s'installer à la campagne dans une maison de village en piteux état, le propriétaire, antipathique à souhait, refusant de s'occuper de son entretien.
Il lui laisse, à sa demande, un chien étrange, qu'elle va parvenir à domestiquer et qui va prendre de l'importance dans la suite du roman.
Nat fait progressivement la connaissance de son voisinage, Piter, le "hippie" du coin, avec qui elle noue une relation impersonnelle, des gitans, un couple de personnes âgées un peu dérangées, et surtout "l'Allemand", un homme taciturne qui lui propose "d'entrer en elle" en échange de travaux de réparation de sa toiture.
La voici embarquée dans une histoire improbable et indéchiffrable avec cet "Allemand" qui ne semble pas prêt à lui donner quoique soit, ni mots, ni tendresse.
Sara Mesa installe d'entrée de jeu un climat glauque et malsain. Son héroïne, dont la quête est mystérieuse, est en proie à des démons, à une culpabilité envahissante. Ses relations sont teintées de crainte, de suspicion et de paranoïa, surtout avec les hommes en qui elle voit des prédateurs, mais dont elle peut aussi parfois se trouver sous la dépendance.
Nat semble avoir perdu ses repères ; elle navigue à vue et rêve une histoire imaginaire. Qu'est-elle venue chercher dans ce coin perdu de la Rioja, où les étrangers sont mal vus et où les ragots circulent vite ? Pourquoi cette citadine s'immerge-t-elle en milieu hostile ? Doit-elle racheter une faute impardonnable ?
La dynamique du personnage d'
Un amour rappelle celle de
Cicatrice. Des jeunes femmes sont prêtes à s'avilir, à s'oublier et à toucher le fond, dans le cadre de relations de séduction ambigües, pour mieux rebondir et en sortir éclairées et comme lavées de leur honte. Une démarche cathartique en somme...
Un roman puissant, âpre, dérangeant sur le thème de l'incommunicabilité.