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sur 71 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Étrange atmosphère, étranges personnages. Une maison délabrée louée par une femme encore jeune qui semble résignée à tout et dont ne sait d'où elle vient et pourquoi elle s'est réfugiée dans cet endroit glauque prenant comme compagnon un chien à moitié sauvage. Autour d'elle orbitant «  un hippie » super cool qui fabrique des vitraux de goût douteux , « un Allemand » qui fait d'étranges propositions de troc sexuel, un voisin marié qui la drague et un propriétaire mal élevé et mesquin , celui de la maison délabrée…. Bienvenue à La Escapa,un village perdu de la Rioja ! Voilà pour le décor de ce livre au titre banal, d'une écrivaine espagnole dont je viens de faire la connaissance.

La femme c'est Nat, une femme qu'on peine à déceler. Elle a visiblement décidé de brouiller les anciens repères de sa vie, mais vu que ni sa mémoire , ni son âme ne sont vierges, elle n'arrive pas à s'en détacher . Bien que ne désirant pas approfondir, elle ne peut s'empêcher de penser, analyser et juger. Sara Mésa à travers ce personnage à l'apparence indifférente, va nous dérouter de pages en pages, instaurant un malaise par le biais « d'une histoire d'amour » qui relate l'ambiguïté et la différence entre femmes et hommes, entre la réalité et l'imaginaire des ressentis et de leurs manifestations, dans un monde où « chacun parle une langue différente », et où se révèle une part d'entre nous immense et inconnue, labyrinthique et insatiable dans des circonstances inattendues. le silence est au coeur du récit, « Autour, il n'y a que le silence : cet éternel silence fictif ». Un roman âpre, original, dont la prose délicate fascine par sa pudeur dans le choix des mots.

« — Donc c'est moi, mais ça pourrait être n'importe quelle autre femme……
— Ça aurait pu être une autre et j'aurais pu être un autre aussi. Comme toujours. »

« …on n'atteint pas sa cible en visant, mais avec insouciance, à travers des oscillations et des détours, presque par hasard. »


Un grand merci aux éditions Grasset et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.
#Unamour #NetGalleyFrance
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Sans qu'on sache très bien pourquoi au départ, Natalia, jeune trentenaire, a décidé de changer de vie. Elle a quitté sa ville et son boulot de traductrice en entreprise pour s'installer à La Escapa (la bien nommée : « escapar » signifie « échapper »), petite localité isolée de l'Espagne profonde, pour se consacrer à sa carrière de traductrice littéraire.

La nouvelle vie de Natalia est cependant loin d'être idyllique. La Escapa est un bled paumé, aride et quasi-désert, à proximité d'une montagne dénommée Glauco (faut-il traduire?), la petite maison qu'elle occupe est délabrée et son propriétaire est un escroc au regard lubrique, et les habitants du village se méfient de cette étrangère et de sa décision saugrenue de s'installer dans cet endroit sans charme. Parmi ceux que côtoie néanmoins la jeune femme, il y a en particulier Piter, le hippie local, étranger lui aussi mais bien intégré dans la communauté, un type sympathique mais un peu intrusif et dispensant des conseils moralisateurs. Il y a aussi la jeune fille qui tient la supérette et rêve de s'enfuir à la ville, des voisins qui débarquent le week-end dans leur maison de campagne, et Andreas, surnommé « l'Allemand », taciturne et dont, paraît-il, elle devrait se méfier. Pour compléter cet entourage étriqué, Natalia, qui avait demandé à son propriétaire de lui trouver un chien pour lui tenir compagnie, se voit refourguer un cabot très peu sociable, qu'elle baptise Chienlit.

Malgré ses efforts, Natalia a du mal à s'intégrer, et le malaise s'épaissit encore lorsqu'un violent orage endommage la toiture de sa maison et qu'elle accepte l'offre de l'Allemand de réparer les dégâts moyennant rétribution en nature. Les rumeurs se répandent dans un silence assourdissant et Natalia se sent de plus en plus isolée, méprisée, jusqu'à ce qu'éclate le drame causé par Chienlit.

Ce qui devait être un renouveau pour la jeune femme s'avère être une lente descente dans un puits sans fond de doutes existentiels et de solitude, au point de fantasmer sa relation avec l'Allemand et d'y perdre sa dignité et, inévitablement, d'en souffrir.

Sara Mesa s'y entend pour installer une ambiance de tension diffuse de plus en plus pesante et inquiétante, et pour camper des personnages incarnés et complexes. Elle décortique avec une grande finesse psychologique les questionnements de Natalia, anti-héroïne qui se laisse dériver et qu'on voudrait secouer, pour laquelle on n'éprouve pas de réelle empathie mais qui ne laisse pas indifférent.

Sur les thèmes de la solitude, de la manipulation, des faux-semblants, de l'incommunicabilité, des choix de vie et du respect des autres et de soi-même, « Un amour » est un roman ambigu, rude et captivant.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.

#Unamour #NetGalleyFrance
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Récompensée par de prestigieux prix littéraires espagnols, Sara Mesa est devenue en quelques années une autrice incontournable de la littérature espagnole contemporaine.
Véritable événement littéraire en Espagne, son dernier roman, « Un amour », a été désigné « meilleur livre de l'année » par plusieurs journaux espagnols.

« Un amour » m'a attirée par sa belle couverture, par la simplicité de son titre. Mais, cette lecture a été très différente de celle à laquelle je m'attendais.

*
Nat, une jeune traductrice décide de changer de vie et s'installe dans le petit village rural de la Escapa dans le désert d'Almeria. Elle y loue, auprès d'un propriétaire véreux, intrusif et particulièrement répugnant, une maison délabrée avec un jardin pitoyable. Comme il a été décidé, l'homme lui a trouvé un chien pour lui tenir compagnie, mais ce chien craintif paraît avoir subi des mauvais traitements de son ancien maître et se laisse difficilement approcher.

« Quand elle s'accroupit à côté de lui, se mettant à sa hauteur pour ne pas l'effrayer, il se sauve la queue entre les jambes. À cause de cette attitude agaçante, elle se met à l'appeler Chienlit, parce qu'il faut bien lui trouver un nom. Chienlit n'est pas seulement farouche, il est aussi énigmatique. Il rôde dans les parages, mais c'est exactement comme s'il n'était pas là. »

Nat essaie sans succès de travailler sur la traduction d'un livre, mais ses journées sont longues et solitaires, laissant libre court à des pensées parasites qui envahissent son esprit et son quotidien.

« Mieux vaut ne pas penser, mais les pensées surgissent et se frayent un chemin en elle, s'entassent. Elle voudrait qu'elles ressortent aussi vite qu'elles sont entrées, pourtant elles s'accumulent à l'intérieur, l'une par-dessus l'autre. Cette simple volonté – tenter de les restreindre à un unique aller-retour plutôt que de les laisser s'accumuler – est en soi une pensée trop intense pour son cerveau.
Quand elle aura le chien, ce sera plus facile. »

*
Dans ce monde rural très fermé et rude, son choix de vie dérange et amène la méfiance : elle est une étrangère, une femme seule et indépendante. Ainsi, elle a du mal à se faire accepter, à tisser des liens avec les habitants du hameau trop peu nombreux et intolérants.
Ses voisins les plus proches sont un couple de personnes âgées et malades ; Andréas baptisé « l'Allemand » sans aucune raison, un homme taciturne qui vit des produits de son jardin ; Piter, un vitrailliste hippie; et une famille.

L'histoire commence vraiment lorsqu'un orage particulièrement violent éclate. La maison prend alors l'eau de toute part.
Le propriétaire refusant d'entreprendre des travaux dans la maison, Andréas lui propose un étrange marché (sans aucune équivoque) contre la réparation du toit de la maison.

Nat est une jeune femme ordinaire, à un croisement de sa vie où elle est en mal de reconnaissance, vulnérable, désorientée, déracinée, seule. Est-ce pour cette raison qu'après avoir refusé dans un premier temps la proposition de son voisin, elle décide finalement d'accepter ?

« Un changement a commencé à s'opérer en elle. Sa fureur se dissout et cède le pas à un vide dont l'écho assourdit tout son corps. Elle est tombée au fond d'un puits où elle est en train de se noyer. »

Lorsque l'amour arrive sous une forme à laquelle elle ne s'attend pas, on peut se demander si c'est vraiment de l'amour. J'y ai vu davantage une histoire sur l'incapacité d'aimer et de communiquer, sur le besoin de rompre sa solitude, de rechercher un plaisir dans le sexe.
Par cette relation troublante, malsaine, obsédante et cette dépendance gênante, l'autrice cherche à créer un trouble chez le lecteur, elle y réussit parfaitement bien.

« Est-ce une obsession ? Oui, sans nul doute, c'est une obsession. Mais pas seulement, se dit-elle. C'est un rapt, une métamorphose, une transformation radicale du tableau prévisible. Ce qui était à l'extérieur, au loin dans le paysage, ce qui était invisible et sans intérêt, est désormais en elle, la hante, l'ébranle. »

*
La narration est sobre, sèche, écorchée, propice à rendre l'atmosphère oppressante et malaisante. Tout est fait pour nous faire ressentir les émotions, les sentiments, les doutes, les blessures, la méfiance de la jeune femme qui se sent à la fois contrainte et menacée. Les paysages nus, la montagne qui domine et écrase le village, l'atmosphère inquiétante et insécure, les personnages masculins dérangeants, les silences envahissants, tout amène à créer une ambiance étouffante et pesante.

« Il suffit d'un frôlement, d'un nouveau rapprochement, pour que l'engrenage se remette à tourner. Remords et désir, soif et vertige s'alternent, telles les dents du rouage. »

Le sort semble s'acharner sur elle : les personnes qui gravitent autour d'elle, toutes les mauvaises décisions qu'elle prend, l'excluent, la marginalisent et la fragilisent chaque jour un peu plus. le lecteur sent bien qu'elle se dirige droit dans le mur, qu'il va assister, impuissant, à son effondrement psychologique.
Je dois dire que, même si je n'ai pas compris cette femme, j'ai tout de même eu de l'empathie pour elle. J'ai ressenti sa peur, sa colère, sa fragilité, son besoin d'amour et d'attention.

*
Si ce roman semble me décevoir, c'est que cet amour a été frustrant et trop dur pour moi.
Le titre et la couverture représentant un lévrier m'ont également induite en erreur. Cet amour, je pensais, peut-être bêtement, que c'était son chien qui le lui apporterait. Je pensais que chacun se reconstruirait dans l'amour de l'autre.
Le chien tient une place importante dans le roman, mais pas celle-ci.

Malgré ma déconvenue, je dois reconnaître que Sara Mesa a le talent pour raconter une histoire qui n'est pas belle, une histoire dans laquelle prédomine des sentiments intenses, profonds, douloureux, sombres, violents, effrayants. L'autrice a su provoquer les lecteurs en les plaçant dans une situation incommodante, car l'amour peut parfois prendre différentes formes ou des chemins détournés, alambiqués, hasardeux, dangereux.
La fin est déconcertante, je ne m'y attendais pas.

*
« Un amour » est un petit roman sur le désir, sur l'image que les autres nous renvoient comme un miroir, sur le besoin d'exister dans le regard de l'autre et en particulier celui des hommes, sur les attentes de chacun dans une relation.
C'est un roman étrange, douloureux, froid, triste qui surprend par son approche inattendue.
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Cicatrice, livre précédent de l'autrice m'avait laissé une forte impression, et je voulais voir si Un amour allait suivre le même sillon.
Le titre déjà, Un amour, mais où Sara Mesa est-elle allée chercher ce titre, car il n'y en a pas trace dans le livre, ou alors je n'ai pu l'entrevoir. Ou bien était-il en creux dans l'histoire, dans les marges, dans les espoirs de l'héroïne, ou dans son passé ?
Nat, la trentaine, dont on ne connait rien, hormis le fait qu'elle travaillait en tant que traductrice commerciale et qu'elle a commis un vol non expliqué, part s'installer à la campagne dans une maison de village en piteux état, le propriétaire, antipathique à souhait, refusant de s'occuper de son entretien.
Il lui laisse, à sa demande, un chien étrange, qu'elle va parvenir à domestiquer et qui va prendre de l'importance dans la suite du roman.
Nat fait progressivement la connaissance de son voisinage, Piter, le "hippie" du coin, avec qui elle noue une relation impersonnelle, des gitans, un couple de personnes âgées un peu dérangées, et surtout "l'Allemand", un homme taciturne qui lui propose "d'entrer en elle" en échange de travaux de réparation de sa toiture.
La voici embarquée dans une histoire improbable et indéchiffrable avec cet "Allemand" qui ne semble pas prêt à lui donner quoique soit, ni mots, ni tendresse.
Sara Mesa installe d'entrée de jeu un climat glauque et malsain. Son héroïne, dont la quête est mystérieuse, est en proie à des démons, à une culpabilité envahissante. Ses relations sont teintées de crainte, de suspicion et de paranoïa, surtout avec les hommes en qui elle voit des prédateurs, mais dont elle peut aussi parfois se trouver sous la dépendance.
Nat semble avoir perdu ses repères ; elle navigue à vue et rêve une histoire imaginaire. Qu'est-elle venue chercher dans ce coin perdu de la Rioja, où les étrangers sont mal vus et où les ragots circulent vite ? Pourquoi cette citadine s'immerge-t-elle en milieu hostile ? Doit-elle racheter une faute impardonnable ?
La dynamique du personnage d'Un amour rappelle celle de Cicatrice. Des jeunes femmes sont prêtes à s'avilir, à s'oublier et à toucher le fond, dans le cadre de relations de séduction ambigües, pour mieux rebondir et en sortir éclairées et comme lavées de leur honte. Une démarche cathartique en somme...
Un roman puissant, âpre, dérangeant sur le thème de l'incommunicabilité.
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Choisi par hasard ou parce que ses finances n'offraient rien de meilleur, le village se tient sur lui-même composé de quelques âmes rustres. Natalia y loue son renouveau suite à une mauvaise expérience ; il sera un nouveau départ, un temps pour elle, l'idée d'un souffle. Mais, elle est seule, elle est femme, trentenaire sans enfant, perdue au milieu d'eux, ceux qui l'observent et s'interrogent, interprètent. Tour à tour, bourreaux, paternalistes, pervers ou envieux, les hommes l'abiment rongeant le peu d'estime qu'elle conservait. Elle s'accroche aux riens d'un désir sexuel, croit en l'histoire, s'y plonge. Est-ce cela l'amour ? L'attente et l'idée que l'on se fait de l'autre même par erreur ? le besoin d'être aimé.e occulte-t-il la raison, nous efface, brise ?
Roman d'atmosphère où la tension croît au fur à mesure, « un amour » décrit à la perfection l'incertitude face aux regards et à la pression des autres, face au poids des jugements. Il pose l'hésitation nourrie du doute jusqu'à ce que l'héroïne s'oublie – héroïne universelle que l'on voudrait secouer puis étreindre, victime avant tout d'un monde empli de cases à remplir. Galerie de personnages et d'attitudes plus vraies que nature, il dresse un savoureux portrait de l'âme humaine et, tout en s'abstenant de tout parti pris, offre à réfléchir sur le sens des choix et des actions.
Très belle découverte, cette lecture se dévore en quelques heures tant elle captive et nous maintient dans l'attente du dénouement. Une réussite.


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La Escapa. C'est dans ce petit village espagnol, isolé de tout, que se réfugie Nat. La jeune femme a décidé de tout quitter et elle tente de se consacrer pleinement à son travail de traductrice. Elle loue alors une maison à un propriétaire très antipathique. Il lui laissera néanmoins un chien pour lui tenir compagnie. La jeune femme fera la connaissance des autres habitants et ne tardera pas à se rendre compte que tout n'est pas aussi idyllique qu'elle aurait pu l'imaginer.

En voilà un roman particulier, de ceux qui laissent une sensation très âpre une fois la dernière page tournée. Il faut dire que l'auteure n'a rien fait pour rendre les personnages attachants, bien au contraire. Même le comportement de la protagoniste peut paraître exaspérant, de par sa passivité lors des conflits qu'engendre sa venue dans ce village.

L'auteure va livrer une longue réflexion sur la solitude de la protagoniste. Au fil des pages, le lecteur suivra à quel point cet isolement la pousse à faire des choix, qui ne sont pas toujours judicieux. Nat n'a personne à qui demander conseil et se sentira perdue à plusieurs reprises.

Ce que l'auteure a particulièrement réussi à retranscrire dans ce roman, c'est l'ambiance pesante qui règne à La Escapa. Elle a su créer une atmosphère particulière et j'ai ressenti cela pendant toute ma lecture.

J'ai suivi le quotidien de Nat, et je dois dire que l'auteure en a fait un personnage profond et avec beaucoup de relief. Les pensées de Nat sont retranscrites dans le détail et le lecteur suit ainsi l'évolution du personnage tout au fil des pages.

La plume de l'auteure est élégante et tout en finesse. J'ai beaucoup aimé le style, qui m'a permis de ne jamais ressentir un quelconque ennui lors de ma lecture, bien au contraire. le roman est divisé en trois grandes parties mais le tout reste très fluide.

Un roman original, dans lequel l'auteure a su créer une atmosphère particulière. A découvrir.
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On retrouve dans Un amour de Sara Mesa une situation de départ qui rappelle celle de nombreux films de suspense et/ou d'horreur, avec une femme, Natalia, qui a tout quitté, la ville et son travail, entre autres, pour un coin de campagne isolé (Men ou L'Ogre commencent ainsi). Un exil qui correspond à la recherche d'une vie nouvelle et à l'oubli d'un traumatisme récent. Un amour est écrit à la troisième personne mais il donne l'impression de l'être à la première tant les moindres faits et gestes ou surtout pensées de Natalia nous sont livrées par le détail. Sara Mesa est tout aussi à l'aise pour créer une ambiance lourde pour son héroïne, avec son lot de personnages masculins inquiétants ou incompréhensibles, tout du moins dans l'esprit de Natalia, qui commence à battre la campagne (mais jusqu'à quel point ?), c'est le cas de le dire. Toujours dans l'entre-deux entre réalité et fantasmes, Un amour se dirige tout droit vers une tragédie, croit-on deviner, mais la romancière sait jouer avec les nerfs des lecteurs sans laisser s'échapper ses réelles intentions. le livre est court, trapu et svelte à la fois, assez différent des autres grands livres espagnols parus ce printemps sous la plume de Almudena Grandes, Javier Cercas et Arturo Pérez-Reverte. Sa singularité oppressante n'en est que plus passionnante à découvrir.
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Voilà un roman prenant et mystérieux

Une jeune femme espagnole nommée Natalia, dont on découvrira peu à peu la vulnérabilité, débarque seule dans un coin perdu où elle loue, faute de moyens, une maison insalubre. Elle s'adapte peu à peu à un environnement plutôt hostile ou indifférent, prend un chien pour lui tenir compagnie (et quel chien !), trouve une certaine complicité avec un voisin un peu plus âgé et séduisant nommé Piter. Solitaire et désargentée, elle traduit sans conviction un roman étrange pour gagner sa vie.

Que fuit-elle ? Qu'est-elle venue chercher dans ce village paumé ? le lecteur n'en saura finalement rien ou presque. Cette héroïne reste plutôt floue, sans passé, sans personnalité. Elle n'est pas décrite physiquement non plus. Parfois familière quand elle nous livre son ressenti et ses interrogations, elle reste le plus souvent insaisissable du fait de sa présence inexpliquée dans ce village loin de tout et de ses autres choix souvent déroutants.

Elle se révèle cependant quand un voisin taciturne et sans charme apparent, nommé « l'allemand » par les villageois, lui propose un marché pour le moins étonnant : en échange d'un seul rapport sexuel avec lui, il s'engage en effet à réparer la toiture de Natalia qui lui vaut des inondations dévastatrices à l'intérieur de la maison Cet homme rustre en apparence fait comprendre à Natalia qu'il vit seul et sans femme depuis longtemps et qu'il aimerait juste « rentrer en elle ».

D'abord offusquée et peu attirée par cet homme quelconque, elle refuse sa proposition « indécente » et le jette hors de chez elle mais peu après, sous une impulsion qu'elle ne s'explique pas elle même, elle le rejoint chez lui. le roman prend alors une tournure étonnante car Natalia et l'allemand Andreas deviennent amants et se révèlent l'un l'autre sous un jour très inattendu et assez fascinant.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui démarre lentement mais qui envoute le lecteur de bout en bout. Paysages arides, personnages principaux mystérieux, intéressante galerie de portraits de personnages secondaires, subtilité de l'intrigue et des dialogues. le style est littéraire et imagé mais limpide et très agréable à lire (très bonne traduction).

Un beau roman sur la solitude, le besoin d'amour, l'incommunicabilité. le titre « un amour » reste énigmatique une fois le livre refermé.
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Natalia, pour fuir un passé un peu trouble et entamer une carrière de traductrice littéraire, s'installe dans une bicoque déglinguée à la campagne. Mais une femme seule face à une petite communauté bien soudée ,voilà qui va bientôt générer des tensions.
Cela commence d'emblée par un propriétaire violent, intrusif, qui lui donne un chien. Un animal tout sauf bien traité ,avec lequel Natalia peine à instaurer une relation. Cela se poursuit avec Piter, un homme plus âgé qu'elle, bien intégré dans la population locale, en apparence amical mais qu'on pourrait aussi ranger dans la catégorie "ces hommes qui veulent apprendre la vie aux femmes". Enfin arrive "l'Allemand" qui lui propose avec force précautions oratoires "un troc de marchandises" : "Je peux réparer les tuiles si en échange tu me laisses entrer en toi un moment, dit-il. "De l'influence des pluies torrentielles sur les relations sexuelles.
A rebours de bien des romans de rénovation-installation à la campagne vantant les côtés champêtres et vivifiants de la situation, nous sommes ici en présence d'un personnage déroutant, qui affronte ses ambivalences, perçoit celles des autres et tente souvent , non pas d'affronter, mais d'esquiver les problèmes auxquels elle est régulièrement confrontée. On a parfois envie de la secouer cette héroïne qui se laisse malmener et analyse son comportement avec férocité. le malaise grandit , la violence est de plus en plus présente le doute également. Quelle est la vision des événements qui prévaut ? Celle de Natalia ou celle des villageois ? La réponse sera donnée sur le fil. Un roman âpre et dérangeant.
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Natalia, trentenaire, prend un nouveau départ en s'installant à la Escapa, un petit village non loin de Petacas ( sud de l'Espagne), « une poignée de maisons au milieu de nulle part. ». Là, elle loue une vieille maison à un propriétaire véreux. Sans renâcler, elle accepte toutes ses conditions, supportant même sa manière de s'imposer chez elle. A sa demande, il lui donne un chien, un galgo traumatisé qu'elle nomme, à l'image de sa nouvelle vie, Chienlit.
Petit à petit, elle rencontre les quelques habitants du village. Tout d'abord, Piter surnommé le Hippie, un homme sympathique qui la conseille et la met en garde sur son entourage. Mais il y a aussi une famille de gitans parquée à la périphérie, un couple de vieux, le Gros qui tient le bar, une famille avec deux enfants qui sont ses proches voisins et le taiseux que tous appellent l'Allemand.
Tant bien que mal, Natalia tente de se créer un cadre agréable et de s'atteler à son nouveau métier de traductrice.
Au premier orage, Natalia s'aperçoit que la toiture de la maison est pourrie. Bien évidemment son propriétaire ne veut rien entendre. La jeune femme reçoit alors une proposition étonnante de l'Allemand.
Pourquoi Natalia a-t-elle accepté le troc de l'Allemand ? Et surtout pourquoi se jette-t-elle à corps perdu dans cette relation malgré les avertissements de tous. L'allemand semble être rejeté par le village entier. Cherche-t-elle à expier un acte dont elle se sent coupable ? L'allemand, ce taiseux impassible est-il la personne capable de combler son besoin vital d'être aimée ?
Natalia est une femme qui se pose beaucoup de questions, qui se fait des films. Elle fuit une blessure d'enfance et une expérience culpabilisante dans sa vie professionnelle. Fuir à la campagne, dans ce climat hostile, ne règle rien. Car les gens des campagnes ne laissent rien passer. Au contraire, ils la remettent face à se peurs, ses rêves troublants.
Soucieuse de s'intégrer, elle s'avilit jusqu'à perdre toute respectabilité. Tout comme Chienlit, elle ne parvient pas à calmer ses peurs dans ce nouveau milieu. Ira-t-elle jusqu'à mordre ou choisira-t-elle de s'effacer ?
Tout d'abord parce que j'adore l'univers de cette auteure. Et, si vous aimez les atmosphères ambiguës et les je vous recommande ses deux autres livres traduits en français, Quatre par quatre et Cicatrice. Chaque fois, l'auteur explore les relations de domination et de culpabilisation avec brio.
Si l'histoire de fond n'est pas ici spectaculaire, on retrouve l'ambiguïté, la finesse des analyses psychologiques des personnages. J'aurais aimé en savoir davantage sur le passé de Natalia mais finalement, avec le recul, je suis certaine que cela aurait desservi l'intrigue.
Un récit hypnotique et troublant désigné meilleur roman de l'année 2020 en Espagne qui confirme mon intérêt pour l'univers de Sara Mesa.
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