Chroniques lunaires, tome 3 : Cress

Il n'y a rien de pire que de sentir son propre corps se retourner contre soi. Personne ne devrait avoir ce genre de pouvoir.
Loup

- Bien sûr qu'il ment ! s'écria le docteur, dont la voix se brisa. (Il était parvenu à se lever de la table d'opération et martelait la baie vitrée avec ses paumes, crachant des postillons sanglants devant lui.) Elle est parfaitement de taille à éliminer votre thaumaturge en chef, l'ensemble de votre garde et votre cour tout entière ! C'est la princesse Sélène, l'héritière légitime du royaume. Elle a le pouvoir de vous tuer tous, et c'est ce qu'elle fera. Elle va revenir pour vous, ma reine, et elle vous détruira !

Frissonnante, elle se blottit contre lui en se demandant comment elle allait mourir. Le crâne écrasé contre l'asphalte ? Le cou brisé, comme Iko ?
- Je suppose que c'est le moment.
Alors que Cress continuait la revue de détail de toutes les choses horribles qui pourrait lui arriver, elle se sentit soudain attrapée par la taille et renversait en arrière, soutenue par un bras au creux du dos. Elle poussa un petit cri et se cramponna à Thorne.
Puis il l'embrassa.
La mêlée générale devint pareille à un cyclone dont ils occuperaient l’œil. Les bras de Thorne la protégeait contre le vent, ses lèvres étaient douces et engageantes, comme s'ils avaient tout leur temps.
Envahie par une sensation de chaleur, Cress ferma les yeux. Elle voulut passer les bras autour de son cou, mais elle tremblait si fort qu'elle parvenait à peine à garder les doigts crispés sur sa chemise.
Elle achevait de fondre quand il la redressa brusquement.

Elle ôta sa tête de son épaule.
- Vous me croyez naïve.
- Bien sûr, un peu, admit-il, avec tant de naturel que cela ne sonnait pas comme une insulte. Mais je crois surtout que je ne suis pas le mieux placé pour te faire découvrir toutes les bonnes choses que l'humanité peut offrir. Je ne voudrais pas que tu sois trop déçue quand tu t'en rendras compte.
Cress croisa les mains sur son ventre.
- Je vous connais mieux qu vous ne le pensez, capitaine Thorne. Je sais que vous êtes plein de ressources. Courageux. Sensible, gentil, et...
- Séduisant.
- Séduisant, et...
- Charismatique.
- Charismatique, et...
- Irrésistible.
Elle pinça les lèvres et le fusilla du regard, mais son sourire moqueur avait balayé toute trace de sincérité.
- Désolé, s'excusa-t-il. Continue, je t'écoute.
- Peut-être un peu plus imbu de vous-même que je ne le croyais.

Elle laissa retomber sa tête dans le sable, à deux doigts de succomber au sommeil. Si seulement il voulait bien se rallonger auprès d'elle et la reprendre dans ses bras, elle n'aurait plus jamais à se lever.
- Cress, hé, tu as assez dormi. J'ai besoin de toi. Rappelle-toi les vautours, Cress. Les vautours.
- Vous n'avez pas besoin de moi. Vous n'en seriez pas là sans moi.
- Ce n'est pas vrai. Enfin... pas complètement. On a déjà discuté de ça.
Elle frissonna.
- Est-ce que vous me détestez ?
- Bien sûr que non. Et tu devrais arrêter de gaspiller ta salive avec ce genre de bêtises.
Glissant un bras sous ses épaules, il la força à s'asseoir. Elle lui saisit le poignet.
- Vous croyez que vous m'aimerez vous aussi, un jour ?
- Cress, tu es mignonne, mais je suis le premier homme que tu rencontres, alors bon... Allez, lève-toi.
Elle tourna la tête, accablée. Il ne la croyait pas. Il ne saisissait pas la profondeur de ses sentiments.
- Oh, tu ne vas pas te mettre à pleurer, au moins ? grommela-t-il.
- N-non.
Elle se mordit la lèvre. Ce n'était pas un mensonge. Elle aurait voulu pleurer, mais elle avait les yeux secs.
Thorne se passa la main dans les cheveux, d'où dégringolèrent des grains de sable.
- Ecoute, dit-il d'une voix ferme. On est des âmes soeurs, ça ne fait aucun doute. Et maintenant, s'il te plaît, debout !
- Je suis sûre que vous avez déjà dit à des tas de filles que vous les aimiez.
- Eh bien, oui, mais j'y aurais réfléchi à deux fois si j'avais su que tu me le reprocherais.
Désespérée, elle se laissa aller contre lui, prise de vertiges.
- Je meurs, murmura-t-elle. Je suis en train de mourir. Et dire que personne ne m'a jamais embrassée...
- Cress. Cress ! Arrête, tu ne vas pas mourir.
- On allait vivre une si belle histoire, comme dans les séries sur le réseau. Mais non, je vais mourir seule, sans avoir été embrassée, ne serait-ce qu'une fois.
Il poussa un gémissement d'exaspération.
- Ecoute, Cress, ça m'ennuie de te le dire mais je me sens sale, hirsute, et je ne me suis pas brossé les dents depuis deux jours. Le moment est vraiment mal choisi.
Lâchant un petit cri, elle enfouit la tête entre ses genoux pour empêcher le monde de tournoyer aussi vite. La fatalité de leur situation l'écrasait. Le désert n'en finissait pas. Jamais ils ne réussiraient à s'en sortir. Thorne ne lui rendrait jamais son amour.
- Cress, regarde-moi. Tu me regardes, là?
- M-hmm, marmonna-t-elle.
Il hésita.
- Je ne te crois pas.
Avec un soupir, elle releva la tête pour le fixer à travers le rideau de ses cheveux tailladés.
- Je vous regarde.
Il s'accroupit devant elle et chercha son visage à tâtons.
- Je te garantis que tu ne mourras pas sans avoir été embrassée.
- Je suis entrain de mourir, là.
- Mais non.
- Si...
- C'est moi qui déciderai si tu es sur le point de mourir ou non, et quand ça se produira, je te promets un baiser inoubliable. Mais en attendant, lève-toi.

It was not a daydream she'd ever had before, but she felt the familiar comfort of her imagination wrapping around her. She was an archeologist, a scientist, a treasure hunter. She was a master of land and sea.

- Vous allez perdre votre temps la bas, le prévient Jamal. Vous feriez mieux de l'oublier. Ce n'est qu'une coquille lunaire, elle ne vaut pas qu'on se donne tant de mal.
- Si vous le pensez sincèrement, dit Thorne, rangeant son pistolet dans sa ceinture, c'est que vous ne savez pas reconnaître la vraie valeur quand vous l'avez sous les yeux.

Iko (page 495)

- Je veux que tu saches que je n'ai rien contre toi, lui dit-elle en guise d'introduction. Ce n'est pas ta faute si ton programmeur a eu si peu d'imagination.
L'androïde lui retourna un regard inexpressif.
- Dans une autre vie, on aurait pu être sœurs toutes les deux, et je crois qu'il est important que ce soit dit.
Pas de réaction. Un clignement de paupières toutes les six secondes.
- Mais dans l'immédiat, il se trouve que j'ai une mission à accomplir, et je ne peux pas me laisser détourner de mon but par ma sympathie envers des androïdes moins évolués que moi.
Toujours rien.
- Bon, très bien. (Iko tendit la main). J'ai besoin de tes vêtements.

Les mirages ont toujours l'air parfaitement réels, mais ils ne te montrent que ce que tu as envie de voir. C'est une illusion d'optique, Cress