MOUVEMENTS
[...]
Bâton fou
boomerang qui sans cesse revient
revient torrentiellement
à travers d'autres
reprendre son vol
Gestes
gestes de la vie ignorée
de la vie
de la vie impulsive
et heureuse à se dilapider
de la vie saccadée, spasmodique, érectile
de la vie à la diable, de la vie n'importe comment
Gestes du défi et de la riposte
et de 1'évasion hors des goulots d'étranglement
Gestes de dépassement
du dépassement
surtout du dépassement
(pré-gestes en soi, beaucoup plus grands que le geste, visible et pratique qui va suivre)
Emmêlements
attaques qui ressemblent à des plongeons
nages qui ressemblent à des fouilles
bras qui ressemblent à des trompes
Allégresse de la vie motrice
qui tue la méditation du mal
on ne sait à quel règne appartient
l'ensorcelante fournée qui sort en bondissant
animai ou homme
immédiat, sans pause
déjà reparti
déjà vient le suivant
instantané
Gomme en des milliers et des milliers de secondes
une lente journée s'accomplit
La solitude fait des gammes
le désert les multiplie
arabesques indéfiniment réitérées
…
p.15-16
Pourquoi monter un cheval blanc, si l'on n'est pas menteur ?
p.64
TRANCHES DE SAVOIR
Muet, gardé par deux sourds, attend un signe.
p.54
L'enseignement de l'araignée n'est pas pour la mouche
III tranches de savoir
Le mal trace, le bien inonde.
p.62
III Tranches de savoir
Mme D… accoucha d'un enfant qui, sous
les regards atterrés, dans les douze heures
suivantes se fossilisa. Mauvais début pour
une jeune mère, très mauvais début. Mais
bon début pour une maladie nerveuse,
excellent début qui tient presque du
miracle, quoiqu'on ne soit sûr de rien avec
les femmes. Rencontrant un homme plaisant
elle pourrait encore se laisser aller aux
distractions.
p.52
Qui sait raser le rasoir saura effacer la gomme.
p.53
VIII - adieux d'anhimaharua
TOUJOURS SE DEBATTANT
Dans des escaliers sans fin, dans des
escaliers en vrille, dans des escaliers
chevauchant des escaliers, des formes
m'accrochaient. Je ne me laissais pas faire
d'abord… J'attrapais par le poignet ceux
qui montaient. J'écrasais la bouche des
orateurs. J'agrippais au vol, je tordais les
mains des bénisseurs, celles des offrants,
celles des trafiquants. Dans un grand
bruissement, dans un grand accrochement,
dans une grande matité je les tordais tous,
et me tordais moi-même, dans le grand
escalier sans fin.
p.124
VIII - adieux d'anhimaharua
APRÈS L'ACCIDENT
Le problème de la nuit reste entier.
Comment la traverser, chaque fois la
traverser tout entière ?
Que mes secondes sont lourdes ! Jamais
je ne les aurais crues si lourdes. Instants
éléphantiasiques.
Loin de tout, rien en vue et pourtant
comme des bruits à travers un filtre…
J’entends des paroles ininterrompues,
comme si sans cesse on disait, on répétait :
Labrador, Labrador, Labrador, Labrador,
Labrador, Labrador.
Une poche me brasse. Pas de fond. Pas
de porte, et moi comme un long boa égaré.
J'ai perdu même mes ennemis.
Oh espace, espace abstrait.
Calme, calme qui roule des trains. Calme
monumentalement vide. Plus de pointe.
Quille poussée. Quille bercée.
Évanoui à la terre…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Courant froid sous moi, courant chaud
dessus.
Fatigué de monter, vais-je descendre ?
Mais je ne suis plus fatigué. Je ne sais
plus rien de ce qui est la fatigue. Je ne la
connais plus.
Je suis grand. Je suis tout ce qu’il y a
de plus grand. Le seul peut être tout à
fait grand.
Où sont les êtres ?...
p.117-118
Le matin, quand on est abeille, pas d'histoires, faut aller butiner.
p.53