AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,53

sur 131 notes
5
2 avis
4
10 avis
3
8 avis
2
4 avis
1
0 avis
Etrange livre que cette Sorcière, essai historique qui se lit comme un roman, voire même parfois comme un fièvreux poème épique en prose, à la fois fascinant et agaçant, d'une justesse parfois imparable et qui ne s'obtient pourtant qu'à force de distordre les faits.
La thèse proposée est intéressante, séduisante même. Si le terme de féminisme est encore bien trop moderne pour ce texte, la figure initiale de la sorcière telle qu'elle se forme au cours du Moyen-Âge en est pourtant une figure superbe, par sa révolte et son savoir, conquis au prix de tant de souffrance.
Pourtant, la nature de la femme n'est justement pas dans la révolte : seule l'iniquité, la violence terrible dont elle a fait l'objet, ont pu la pousser sur cette voie, et le lecteur (la lectrice ?) moderne a parfois du mal à ne pas grincer un peu des dents devant cette image de la prétendue nature féminine que Michelet renvoie. Certes non plus maléfique, mais idéalisée et fragilisée à outrance, fantasmée en grande partie, si culturelle encore et au fond si peu naturelle.
Regard contemporain sur le texte, qui en fausse un peu la portée ? Certes, peut-être. Parlons plutôt alors de la fameuse iniquité, de la fameuse violence évoquée par l'auteur, qui crée au fil de ses chapitres un Moyen-Âge littéralement horrifique, un Ancien Régime odieusement corrompu dans lequel Eglise et aristocratie portaient tous les vices. La charge est d'une lourdeur asez pénible - même pour qui n'est pourtant guère porté à défendre l'Eglise, et reconnaît aux hommes une tendance générale à abuser plus ou moins du pouvoir qu'ils détiennent. Sans souci de nuance, Michelet ne retient que ce qui l'arrange dans l'univers qu'il fait revivre, et ne comprend au fond pas grand chose à ce qu'il incrimine pour défendre sa thèse, celle d'un triomphe de la nature initié par la femme au plus noir des âges et que la société moderne peut enfin accomplir.
Cette nature, d'ailleurs, aussi libre, saine et généreuse qu'elle puisse paraître, n'est-elle pas au fond qu'une autre idéologie, guère moins despotique que celle qu'elle condamne ? le terme contre-nature est souvent utilisé, pour qualifier surtout les pratiques de l'Eglise, coupable d'avoir préféré les hommes aux femmes. Ce qui, en un sens se justifie, si l'on pense a la diabolisation de la femme qui en a indubitablement résulté, mais ouvre aussi très vite sur une restriction dangereuse des limites de la nature, susceptible de faire autant de victimes que le poids du péché.

Toutefois, à défaut du sens de la nuance et de l'objectivité historique, il faut reconnaître à Michelet des intentions superbes, et surtout un superbe talent de conteur par lequel revivent avec puissance et démesure les siècles passés. Grand maelström de faits et d'idées, foisonnant, complexe, brillant parfois, la Sorcière reste un texte passionannt, daté sans doute mais ouvrant déjà à la modernité.

Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
Commenter  J’apprécie          250

Jules Michelet n'est pas ce que l'on pourrait appeler un historien neutre, au sens scientifique du terme. Historien qui reconstruirait le passé à partir de matériaux trouvés et analysés de la façon la plus objective qui soit.

C'est un historien écrivain qui se rattache au romantisme ; un historien de l'engagement, de la passion, du parti pris. Je dois dire que j'ai toujours aimé son style, le lire constitue un enchantement. Il existe une parenté chez les romantiques. Il y a quelque chose d'hugolien dans sa façon d'énoncer les choses, dans le caractère péremptoire de ses démonstrations, dans la puissance des mots qu'il emploie.

Je ne sais s'il aurait apprécié cette comparaison, car Jules Michelet, l'aîné, n'a pas besoin d'être mis en regard d'une référence quelconque…

On dit que le 19ème S. a produit deux grands historiens écrivains qui assumaient leurs engagements, Michelet et Guizot, le premier républicain, le second libéral. On reconnaît aussi, qu'ils ont donné des écrits au style superbe, qu'ils ont été d'extraordinaires conteurs.

La Sorcière paraît en 1862, en l'âge mûr de l'auteur, 64 ans ; inutile de dire qu'on est en présence d'une violente charge contre la bêtise cléricale, religieuse, et d'une réhabilitation de la femme dont le bon sens et les connaissances empiriques étaient vite taxés de sorcellerie par les clercs du Moyen-âge.

Nous savons que les historiens modernes, ont critiqués la méthode de Michelet, ainsi que ses sources et, d'une certaine façon, l'école historique romantique. Pierre Chaunu, d'ailleurs, exprimait plus que de la réserve à l'égard de Michelet, en qui il voyait davantage un écrivain qu'un historien.
La Sorcière révèle la passion de l'auteur, sa colère presque, ses convictions face à l'obscurantisme religieux du Moyen-âge que le siècle des Lumières n'avait pas tout à fait effacé. C'est un livre que j'ai lu comme un roman et moins comme un livre d'histoire ; mais quel style !
Michelet a le don de vous transmettre sa passion. Et peu importe qu'on lui reproche un certain manque de rigueur, je le trouve formidable et souhaite que nos historiens actuels soient capables de transmettre, comme lui, la passion de l'histoire.
Pat
Commenter  J’apprécie          110
Qui dit occultisme, dit ésotérisme et dit alors sorcières. Ainsi, c'est au cours de différentes recherches sur le sujet que je suis tombé sous le podcast plus que décomplexée de C'est pas Sorcières réalisé par Louise et Marion. Grâce au premier hors série de cette émission, dans lequel les créatrices présentaient leurs bibliothèques magiques, j'ai entendu parler de cet essai. N'étant pas un adepte du genre et malgré sa véracité historique contestée, j'ai eu très envie de découvrir la triste et célèbre chasse aux sorcières subie injustement par la population lors de l'immergence de l'église et ses clergés dans notre quotidien.

Malheureusement et même si j'ai apprécié l'élégante et satinée prose de Jules Michelet, il est indéniable que celle-ci semble des plus datée et alambiquée qui soit. Qu'il m'a fallu faire force de concentration et de focalisation pour tenter d'appréhender et de comprendre au mieux l'approche passionnante et parfois lyrique de la réflexion de l'auteur quant à ce douloureux épisode de notre histoire. En ce sens, j'ai été sensible au discours tenu et établi par ce dernier même s'il est vrai que celui-ci manque clairement de nuances. L'auteur intente, à l'image de l'église contre les femmes d'antan, un véritable procès contre la société ecclésiale qui dominait le monde il y a encore peu. Ce parti pris aurait pu se révéler pertinent si celui-ci s'était construit autour de réels et démontrés faits plutôt que sur certaines affabulations. Finalement, et dans son contexte historique, les travaux de recherches sont assez maigres et malgré une seconde partie axée sur certains célèbres procès, le reste de l'essai m'a semblé bien trop lyrique et mystique qu'autre chose. Néanmoins, cette dimension portée sur les croyances d'antan et autres allégories du genre permettent à Jules Michelet de narrer avec allure et distinction une analyse à l'ambiance envoûtante et mystérieuse.

C'est pourquoi et malgré la véracité de l'apport théorique et historique apportée et en prenant en compte la période antérieure esquissée, nul doute que l'historien redore la figure de la sorcière avec style et réussite. Sans en réaliser l'image moderne que nous connaissons tous maintenant – quoi que encore assez injustement diabolisée dans certains pays et autres sociétés sectaires -, ce dernier dévoile un émouvant et vivifiant portrait de ce que sont ces femmes savantes et libres. Plus que la sorcière, Jules Michelet décortique finalement la place et l'évolution de la femme au sein du monde et ce, de l'antiquité à la révolution française. C'est un des aspects qui m'a le plus convaincu même si son dessin se veut parfois fortement axé et influencé selon les moeurs de l'époque il n'en est pas moins salvateur envers cette population opprimée depuis l'ascension de l'église et dont sa critique se veut fortement tranchante. L'auteur n'hésite nullement à dévoiler au grand jour les failles et autres problématiques liées au domaine ecclésial et son sytème et dont, malgré la dimension assez pieuse de la Sorcière, cet aspect m'a semblé des plus saisissant.

Ainsi et si je passe outre les défauts de cette oeuvre, je ne peux nier avoir apprécié cet exercice de lecture. J'ai découvert à travers cet essai, une analyse passionnée et passionnante quant à un épisode marquant de notre histoire. Bien que le discours de Jules Michelet puisse parfois raisonné daté et alambiqué, je n'ai pu être insensible à la rédemption qu'il apporte avec ferveur aux femmes persécutées dans le seul but de mettre en place le système religieux qui gouverne encore certaines visions de notre monde actuel.
Lien : https://mavenlitterae.wordpr..
Commenter  J’apprécie          90
L'oeuvre de Michelet est immense, et sans doute l'affection de sa deuxième épouse l'aidera à traverser une période de malheurs causée par la mort de ses enfants et une gêne matérielle qu'il supportera avec courage. C'est dans ses compositions qu'apparaissent ses puissantes qualités lyriques et romantiques. Il a le don de l'évocation qui anime les choses en traduisant les faits par des images et transforme les êtres en symboles. Il prend sans cesse parti et en arrive ainsi, de bonne foi à alterner la vérité, et son histoire devient un pamphlet, un chef d'oeuvre en prose. Il ne faut pas oublier cependant que Michelet à suivi l'enseignement du philosophe Cousin, il s'est souvenu que pour l'historien ' l'esprit d'une époque se manifeste par trois choses: les lieux, les peuples, les grands hommes.' au terme d'une patiente enquête en visitant les climats, les archives en se forgeant ses idéaux une résurrection intégrale de son passé, en mettant en avant l'humanité de la femme.
Commenter  J’apprécie          60
Un texte assez original, à mi chemin entre le roman et l'essai, qui se découpe en deux parties.

L'auteur va ici nous parler des sorcières, sont elles nées ainsi ou sont elles le fruit de l'évolution de l'occident.

On va suivre ici la sorcière, à travers sa vie et à travers les âges, de la fin de l'antiquité tardive à la veille de la révolution.

On y voit la sorcière comme une femme, seule, loin de tout, et surtout des villes.

Dans un cadre de vie incertain, peu d'éducation et un travail difficile, elle garde contact avec la nature, qui la fait vivre, et avec les anciennes croyances païennes, toujours présentes dans les campagnes.

La sorcière grandira et prendra sa place dans la société, souvent appelée au secours des malades, et prenant de plus en plus d'importance, jusqu'à en devenir gênante.

La seconde partie de l'ouvrage est censée reprendre et expliquer des cas de sorcellerie à travers les âges.

Cependant celle ci ne m'a pas convaincu. J'ai trouvé qu'elle prenait plus la forme d'une attaque directe envers l'Eglise, la sorcellerie prenant un aspect secondaire, quand elle est évoquée.

Une lecture en demi teinte donc, dont la première partie pourra intéresser tout curieux désirant en apprendre plus sur les sorcières.
Commenter  J’apprécie          50
La sorcière, figure mythique et protéiforme, évoquant aussitôt les bûchers très clichés et les sabbats endiablés, est ici abordée par Michelet à travers les âges, et honnêtement malgré le thème passionnant, ce livre m'a un peu déçue. Bon, je savais qu'un texte écrit il y a aussi longtemps serait bourré de tout un tas de détails que les historiens modernes savent faux, archi-faux, mais je ne pensais pas que ce serait si flagrant, et je suis à peu près sûre que déjà à l'époque où La sorcière fut écrite, on savait déjà faux beaucoup de ces idées. Seulement voilà, ce devait être plus vendeur! le sensationnalisme est aussi un peu fatiguant, chez un auteur qui semble se piquer de vérité. Michelet écrit à charge, quitte à ne se saisir que d'une partie de l'histoire, et il a parfois la plume franchement lourde, et une vision de la femme franchement passé de mode. Ce qui est dommage car lorsqu'il se laisse distraire par le simple plaisir de l'écriture, sa prose se fait presque poétique, très élégante en tout cas. La première partie, plus généraliste, est d'ailleurs la plus intéressante, quand il se laisse être écrivain sous couvert d'histoire, car ensuite, lorsqu'il reprend des cas documentés historiquement, c'est beaucoup plus plat et répétitif, et d'une telle mauvaise foi parfois que le lecteur en hésite à continuer.
Intéressant, mais plus pour avoir lu Michelet une fois, dirons-nous.
Commenter  J’apprécie          51
La Sorcière de Michelet tient plus du réquisitoire anticlérical qu𠆚utre chose. L𠆚uteur s𠆞st ainsi donné une mission qui éclipse, hélas, son sujet : faire comparaître l’Église, repère, si j𠆞n crois ce texte, de fanatiques, de pervers, d’ignorants et d’obsédés sexuels. On se demande comment la civilisation occidentale a-t-elle pu autant briller avec un tel handicap ! Cela dit sans dédouaner l’Église de ses errances idéologiques à l’occasion meurtrières – moins tout de même que les régimes athées et fanatiques de Staline, Hitler et Mao qui n’ont jamais œuvré au nom De La Croix par exemple…

Pourtant, et pour revenir à notre sujet, ce sont surtout les laïcs qui ont majoritairement persécuté les sorcières. La lecture du livre de Jean-Michel Salmann – Les sorcières, fiancées de Satan – me semble un remède salutaire pour tempérer les ardeurs de Michelet, lequel admet tout de même que derrière le mot de « sorcière » se cachait ce goût de la calomnie frappant n’importe qui et pas seulement les femmes occupées de plantes et de Nature en général : « Notez qu’à certaines époques, par ce seul mot Sorcière, la haine tue qui elle veut. Les jalousies de femmes, les cupidités d’hommes, s𠆞mparent d’une arme si commode. »

Michelet s𠆞n prend beaucoup au Moyen Âge, décrit comme « un brouillard gris de plomb […] d’une effroyable durée de mille ans ». Ici on nous parle de « l’immonde fraternité des Templiers » adorateurs du Malin, comme en écho à toutes les calomnies dont cet ordre a été l’objet. Là on peut lire à propos de l’église gothique qu𠆞lle est la « vraie et redoutable image de la dure cité de cristal dans lequel un dogme terrible a cru enterrer la vie ». le Moyen Âge chrétien ignore évidemment les sciences et la médecine, il est forcément sale, d’où la lèpre (sic), laquelle n�tait pas exclusivement les chrétiens, mais passons. Mieux, l𠆚uteur considère le Moyen Âge comme un « entr�te » entre l𠆚ntiquité et la Renaissance. Mille ans d𠆞ntr�te ça fait long !

Parallèlement, « partout où les Musulmans, ces fils de Satan [pas sûr qu’ils apprécient le compliment !], travaillent, tout prospère, les sources jaillissent et la terre se couvre de fleurs » (sic). Michelet aime les fables, je vous disais, et fait de Satan le promoteur du progrès, comme pour mieux diaboliser l’Église. Que c𠆞st infantile ! D’où tient-il, par exemple, que les chrétiens « maudissent la Nature » ?!

À force d𠆚nathémiser l’Occident chrétien, Michelet sombre même dans l𠆞rreur historique : « Partout où le droit canonique reste fort, les procès de sorcellerie se multiplient […] Partout où les tribunaux laïques revendiquent ces affaires [de sorcellerie], elles deviennent rares et disparaissent, du moins pour cent années chez nous, 1450-1550. » C𠆞st faux : « La naissance des procès en sorcellerie accompagna en revanche l’établissement de la justice civile, comme s’il eut fallu un premier bouc émissaire pour essuyer les plâtres » (Marie Mougin : https://www.franceinter.fr/culture/la-chasse-aux-sorcieres-la-face-cachee-de-la-renaissance). Michelet ne peut l’ignorer, mais s’il admet de retentissants procès laïques en sorcellerie, c𠆞st dans une perspective de concurrence avec l’Église. Les laïcs sont pour lui les « censeurs et réformateurs des mœurs ecclésiastiques ».

Michelet doit cependant concéder qu𠆞n Espagne, où elle était pourtant très puissante, « l’Inquisition, exterminatrice pour les hérétiques, […] l’était bien moins pour les sorciers ».

Puis on glisse vers des affaires qui n’ont plus grand-chose à voir avec les sorcières, dont l’une des plus fameuses : Loudun et le malheureux prêtre Urbain Grandier – que Michelet n𠆚ime pas, lui qui voit dans chaque homme ou femme d’Église perversité, folie et lubricité, bis repetita –, plus victime de son succès auprès des femmes et de ses amitiés avec les protestants que de quelque diablerie qu’il dut toutefois payer sur le bûcher. Michelet accorde aussi une grande attention à Marie-Catherine Cadière, fervente mystique du XVIIIe siècle, abusée par un prêtre jésuite et accusée à tort de sorcellerie.

On aurait aimé pourtant en savoir plus sur ce « monde singulier, délicat des fées, des lutins, fait pour une âme de femme [où] la fée est une femme aussi, le fantastique miroir où elle se regarde embellie ». La sorcière fut effectivement traquée injustement. Des manuels monstrueux ont été rédigés à son encontre, dont le plus fameux : Malleus Maleficarum (Marteau des sorcières), écrit par les dominicains Heinrich Kramer et Jacob Sprenger.

Et derrière la sorcière, il y a la femme qui, « avec son cœur et sa pitié, sa divination de bonté, […] va d𠆞lle-même à la médication ». La femme se cache en effet derrière la sorcière, avec son cortège de souffrances, sous n’importe quelle latitude de ce monde et sous n’importe quel Dieu, céleste ou laïc…

Enfin, Jules Michelet, s’il avait été parfaitement honnête, aurait dû nous parler de ce procès républicain en sorcellerie qui conduisit des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d𠆞nfants au bûcher révolutionnaire, allumé par les colonnes infernales en Vendée. Mais il est vrai que, chez Michelet, on ne blasphème pas la Révolution…

Commenter  J’apprécie          52
Ce n'est ni un livre d'histoire (la méthode, romantique, est peu "scientifique") ni un roman, puisque la majeure partie du livre évoque bien des cas concrets, réels. Davantage qu'un livre proto-féministe (et il y aurait à redire sur ce point) c'est surtout de la part de l'auteur une charge anticléricale, en montrant les carences du système religieux, ses déviances, ses crimes. La première partie est une sorte de longue prose poétique sur l'image de la Sorcière, mêlant à la fois recherches et jugements parfois caricaturaux de l'auteur. Ici il s'agit de redorer le blason de la femme proche de la nature, qui en connaît ses bienfaits, la femme passeuse de traditions et donc héritière des cultes païens, des pratiques d'antan. Elle est forcément pourchassée même si elle tient un rôle important dans les campagnes moyenâgeuses. Elle est aussi innovatrice, avant-garde de la médecine ; de là tout une glorification de la science, du progrès, l'apanage d'un Satan défenseur de l'homme à l'inverse d'un christianisme sanglant, meurtrier. Cette partie repose comme le dit lui-même Michelet sur un "léger fil fictif", permettant de voir les théories de l'auteur se concrétiser dans le récit d'une jeune femme conspuée. Cela a certains avantages pour saisir le lecteur mais en même temps l'ensemble sonne in fine comme un brouillon de roman.

La deuxième partie est plus proche du domaine de l'historien. La sorcière passe davantage au second plan, Michelet traite plutôt deux sujets qui s'entremêlent : la corruption au sein de l'Eglise et la place de la femme (et notamment de la jeune fille) dans la société, de la fin du Moyen-Age jusqu'au XVIIIe siècle. Pour cela il se base principalement sur trois affaires, comme une gradation dans l'horreur et la déviance. C'est ici que l'ouvrage semble le plus persuasif, davantage pamphlétaire, mais en même temps le lecteur moderne pourra aussi remettre en question une certaine image de la femme développée par l'auteur (à titre d'exemple la vision caricaturale de la femme provençale). Les cas sont édifiants et bien que l'on puisse remettre en cause la partialité de l'auteur on se laisse emporter par ces histoires où la foi devient un abîme.

En somme un ouvrage quelque peu daté, dont la forme peut être fortement remise en question mais qui montre quelques prémices dans la lutte féministe (un anachronisme) en revalorisant la femme du peuple qui doit faire face à des systèmes déviants.
Commenter  J’apprécie          50
(La femme) n'a d'amis que ses songes, ne cause qu'avec ses bêtes ou l'arbre de la forêt.
Ils lui parlent ; nous savons de quoi. Ils reveillent en elle les choses que lui disait sa mère, sa grand-mère, choses antiques, qui pendant des siècles ont passé de femme en femme. C'est l'innocent souvenir des vieux esprits de la contrée, touchante religion de famille, qui, dans l'habitation commune et son bruyant pêle-mêle eut peu de force sans doute mais qui revient et hante la cabane solitaire.
Monde singulier, délicat, des fées, des lutins, fait pour une âme de femme.
Dès que la grande création de la Légende des saints s'arrête et tarit, cette l égende plus ancienne et bien autrement poétique vient partager avec eux, règne secrètement, docement. Elle est le trésor de la femme, qui la choisie et la caresse. La fée est une femme aussi, le fantastique miroir où elle se regarde embellie.
Commenter  J’apprécie          40
De tout temps, on a toujours cherché à anéantir celles et ceux qui s'élèvent contre un certain ordre du monde. C'est ce qui a déclenché la chasse aux sorcières à la fin du Moyen Âge et allumé des bûchers dans toute l'Europe.
C'est cette histoire d'asservissement et de résistance que compte la langue vivace de Jules Michelet, l'historien des petits, des sans-grade, de ceux qui n'ont pas eu d'histoire. Michelet retrace l'histoire d'une sorcière imaginaire, victime des pouvoirs qui asservissent le peuple et oppriment la femme.
La première partie est un essai toujours aussi stimulant pour l'esprit, où le style sublime de Michelet est présent tout le long.
Ce livre se divise en deux parties assez différentes l'une de l'autre.
La première partie est un essai toujours aussi stimulant pour l'esprit, où le style sublime de Michelet est présent tout le long.
La deuxième est malheureusement un peu dépassée, ce qui explique ma note. C'est une étude se voulant historique, sérieuse, pour démontrer les arguments avancés dans la première partie, mais faite avec des sources aujourd'hui contestées, désuètes.
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (558) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3186 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..