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Citations sur Vies Minuscules (91)

A regret enfin nous marchions entre les tombes, nous descendions le raidillon. En contrebas le village entier s'offrait à mes yeux. Le beau Chatelus tout en pentes où il y a de grosses maisons vieilles, des ombres calmes et des mousses ; mais ce Chatelus était un trompe-l'oeil, le vrai, était derrière nous ; le vrai, c'était celui qu'appelait de ses voeux Félix harassé et désoccupé à Mourioux, doucement déçu, quand il disait : "quand je serai à Chatelus". Je prenais sa main, son odeur de velours épais me rassurait, et s'il se penchait je sentais sur ma joue son gros souffle. Ma mère, ma grand-mère, me montraient chaque fois l'école où elles apprirent à lire ; des souvenirs leur venaient, des mots, et avec eux les morts , les petites filles mortes dont elles tirèrent les nattes et les morts folâtres qui leur firent la cour, les morts étonnants qui vécurent ; ceux-là aussi s'étaient obscurcis derrière nous.
(Vie de la petite morte)
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La morgue ouvrait aussi sur cette cour : parfois sous un drap une forme couchée passait, dont les brancardiers plaisantaient par la fenêtre ouverte avec les malades : je n'étais pas sous ce drap, mes yeux voyaient l'été, j'avais loisir de parler des morts. Je conserve de ces jours un souvenir d'enchantement profond. Je lisais le Gilles de Rais, (...). Je pensais à l'été vendéen qui calcinait à cette heure les ruines de Tiffauges, aux hautes herbes pareilles à celles qu'avait foulées l'Ogre, jadis, aux rivières d'argent bordées d'arbres tendres sous lesquels il avait pleuré, de repentir et d'horreur. Rien, pour lire cette histoire, ne me convenait mieux que la proximité des chairs souffrantes dans les draps pâles, sous le rire vainqueur de juillet : la bêtise conquérante des infirmières me faisait absoudre Gilles; la patience angélique de certains moribonds me le faisait maudire.
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Or le père aimait son lopin : c’est-à-dire que son lopin était son pire ennemi et que, né dans ce combat mortel qui le gardait debout, lui tenait lieu de vie et lentement le tuait, dans la complicité d’un duel interminable et commencé bien avant lui, il prenait pour amour sa haine implacable, essentielle.
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et qu'il s'en fallut comme d'habitude d'un cheveu, je veux dire d'une autre enfance ( … )
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Leurs gestes, qui pour moi furent les derniers, je les ai vus, et j'ignore quels ils furent; leurs dernières paroles me sont à jamais volées, soufflés leurs adieux derrière un rideau de vent violent; en aucun temps je ne me souviendrai de la double silhouette sur le pas de la porte, titubante et navrée, qu'ils offrirent cependant à mon ingrate mémoire, tout entiers dans la tombe et pourtant encore gentiment, héroïquement, agitant leurs mains jusqu'à ce que le voiture du petit-fils eût disparu, brouillé par les larmes bien avant que la forêt ne l'avalât au détour définitif du chemin.
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Que dire d'une enfance au Châtain ? Genoux écorchés, baguette de coudre pour tromper les jours et courber les herbes, "habits puant la foire" et vieillots, monologues patois sous les ombres luxueuses, galops sur les javelles chiches, puits ; les troupeaux ne varient pas, les horizons persistent. L'été, l'après-midi se tient dans l'œil d'or des poules, les tombereaux encalminés lèvent le cadran solaire de leur timon ; l'hiver, le ban des corbeaux tient le pays, règne sur les soirs rouges et le vent : l'enfant nourrit sa torpeur d'âtres et de gels sonores, lourd fait s'envoler les oiseaux lourds, s'étonne que ses cris s'embuent dans l'air glacé ; puis un autre été vient.
   Ses parents, je suppose, aimaient cet enfant tard venu. Juliette a des silences ; un pain sous le bras elle s'arrête, elle pose un seau sur le seuil et la pierre plus grise boit l'eau fraîche, ou activant le feu elle tourne la tête et une joue resplendit quand l'autre s'ombre, elle regarde le jésus, le petit larron, le dernier des Peluchet. Le père est grand : on le voit tout petit dans les champs et déjà il s'encadre là dans la porte, haut comme le jour et tout d'ombre, un joug sur l'épaule ou son fusil à pierre, et il tend à l'enfant un ramier, une poignée de genêts. Il est aimant : un jour il fait à Antoine des sifflets d'écorce fraîche, aulne ou tremble ; le gros couteau a des précisions d'aiguille, la sève perle au bois nu, dans la main rocailleuse le sifflet est léger comme une plume, fragile comme un oiseau : l'enfant sérieux siffle avec application, le père a une grande joie. Enfin, il est brutal
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Ma mère me mis en pension à un âge encore tendre ; non par brimade : on en usait ainsi, le lycée étant loin, les gares peu desservies, les transports coûteux ; et puis, aux yeux de ceux à qui grand air et liberté n'apprennent que quelques gestes essentiels, tôt harassants et monotones dès la jeunesse, il semblait légitime que la tâche glorieuse, toujours nouvelle et sans cesse s'améliorant, d'apprendre le pourquoi de toutes choses s'assortît, peut-être se payât, d'une claustration quasi monacale, romaine.
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Un absent en pleurait un autre dans cette maison d’absences, des
disparus communiquaient comme des médiums par des portraits, des tables vermoulues, des effluves ; sur ce coffre, nos effigies s’adressaient les mêmes messages ostentatoires et dénués de réalité que ceux, tissés sur un tombeau, qu’échangent deux stèles commémoratives ; et sans doute, loin de ce face-à-face touchant et sinistre, nous vivions l’un et l’autre ; mais nous vivions à jamais séparés ; et notre réunion spectrale d’ici, comme une amulette d’envoûtement, nous rappelait où que nous fussions que chacun de nous portait en lui le spectre de l’autre, et pour l’autre était spectre ; nous étions l’un pour l’autre et cadavre et placard.
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Des rossignols là-haut élargissent la nuit, ébauchent les routes du monde 
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[...] comme tous ceux que l'on n'appelle parvenus que parce qu'ils ne parviennent pas davantage à faire oublier leurs origines à autrui qu'à eux mêmes et qui sont de pauvres exilés chez les riches sans espoir de retour. (p.30)
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