Ce tome fait suite à Counter X: X-Force: Rage War (épisodes 110 à 115) qu'il ne sert à rien d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 116 à 120, initialement parus en 2001, écrits par
Peter Milligan, dessinés et encrés par
Michael Allred, et mis en couleurs par
Laura Allred.
Axel Cluney est en train de cauchemarder : il se souvient de la première manifestation de ses pouvoirs, sur une plage avec une copine sur qui il a vomi une bile acide la défigurant à vie. Il se réveille dans son fauteuil et commence à passer en revue la dernière mission de X-Force : prévenir un coup d'état en Afrique du Nord, avec La Nuit, Battering Ram, Plazm (un peu trop brutal au combat), U-Go Girl (endormie après avoir téléporté l'équipe), Sluk (Byron Spencer) qui n'en a pas réchappé. Ses réflexions sur les tactiques à mettre en oeuvre sont interrompues par les deux modèles en culotte et soutien-gorge qui lui indiquent qu'elles l'attendent pour fai
re des galipettes. Il se laisse convaincre sans difficulté, alors que sur l'écran un individu est rongé par l'acide qui sort de la bouche de Zeitgeist (Axel Cluney). le lendemain, toute l'équipe est présente pour une conférence de presse. C'est Coach qui prend la parole, le responsable de l'équipe. Il annonce à la presse l'identité du remplaçant de Sluk au sein de l'équipe : Tike Alicar, nom de code l'Anarchiste. Un peu plus tard, Tike Alicar est dans le jacuzzi de sa suite, avec deux jeunes femmes nues, en train de répondre aux questions d'une journaliste assise sur le rebord. Il fait sauter le plafond avec ses pouvoirs, la journaliste ayant déclaré qu'elle avait trop chaud. En répondant, il explique que Zeitgeist le prend pour un abruti, et il explique ce qu'est une tmèse.
Une autre journaliste se trouve à Orange County pour l'ouvertu
re du vingt et unième Café X-Force, commentant sur la statue commémorant Sluk : elle émet une pulsation électronique apaisante pour 20 dollars. Un client est en train de manipuler des peluches à l'effigie de Doop et il en transperce une avec une griffe. Dans la salle de réunion de X-Force, les membres sont en train de se disputer : Beckah Parker (Gin Genie) ne se sent pas bien, Edie Sawyer (U-Go-Girl) estime qu'elle n'a aucun fan. La télévision diffuse l'interview de Tike Alicar avec sa tirade contre Axel Cluney (Zeitgeist). le soir, Axel Cluney et Edie Sawyer mangent dans un restaurant huppé. Elle évoque l'utilisation de son pouvoir de téléportation pour aller signer un contrat en Écosse. Elle lui fait remarquer que leurs missions ne sont pas très importantes, juste une sorte de prétexte pour justifier de leur vie de luxe. Elle le trouve d'ailleurs un peu tendu ces temps-ci : il pourrait peut-être prendre quelques jours de repos, et elle assurerait la fonction de chef de l'équipe par intérim. le lendemain dans leur quartier général de Santa Monica, Coach leur indique qu'ils ont une mission immédiate : aller libérer les 4 membres du groupe pop Boyz R Us, détenus par des tireurs meurtriers qui réclament un million de dollars. Ils ont déjà défenestré un premier membre pour prouver leur crédibilité.
La série X-Force nait en 1991 quand
Rob Liefeld transforme la série des New Mutants en une équipe paramilitaire menée par Cable, aidé par
Fabian Nicieza qui reprend l'écritu
re de la série après le départ de Liefeld pour former Image Comics. Nicieza est suivi de
Jeph Loeb, puis de
John Francis Moore, pour enfin être co-écrite par
Warren Ellis &
Ian Edginton lors de la période Counter X. En 2001, la série principale des X-Men prend le nom de New X-Men et est relancée par
Grant Morrison &
Frank Quitely. le responsable éditorial Axel Alonso décide que c'est l'occasion de confier X-Force à un autre scénariste sortant du moule :
Peter Milligan. Celui-ci refuse dans un premier temps, mais se laisse convaincre parce qu'Alonso lui accorde une liberté totale concernant les thèmes, sans aucune obligation de s'inscri
re dans la continuité des X-Men, ou dans l'univers partagé Marvel. Ce contexte explique que cette série ne ressemble à aucune autre. Les personnages sont entièrement nouveaux : U-Go Girl, Anarchiste, Coach, Battering Ram, Gin Henie, La Nuit, Plazm, Sluk, Zeitgeist, Doop, puis Orphan, Phat, Saint Anna, Bloke, Vivisector, puis Smoke, Succubus. Les rescapés de X-Force (précédente version) font une brève apparition le temps de 3 pages, et Wolverine passe incognito dans l'épisode 116 le temps d'une page, puis revient pour plusieurs pages dans l'épisode 120. La première mission ressemble à quelque chose : libérer des otages. La seconde ressemble encore à quelque chose : libérer Paco Perez, un enfant mutant détenu par une dictature. La troisième consiste à éliminer le chef de X-Force pour le remplacer par un plus malléable et avec une meilleure cote de popularité dans les sondages.
Le lecteur constate également immédiatement que le responsable éditorial a aussi privilégié un artiste qui sorte des sentiers battus, dont la maniè
re de dessiner ne correspondent pas à l'esthétique superhéros. le lecteur est d'abord frappé par une apparence obsolète, un peu naïve. Les costumes de tous ces nouveaux superhéros donnent l'impression de provenir des années 1960, comme s'ils avaient été imaginés par
Jack Kirby au début de Marvel. Il peut même avoir une impression de dessins à destination d'un jeune public prépubère : la peau bien rose de Bloke, le peu de poils sur le visage de Vivisector, les formes grossières de Phat, la pureté sans tâche de Saint Anna (comme si elle était dessinée par
Gilbert Hernandez). Les personnages ont souvent les yeux très grands ouverts, ce qui donne une expression forcée. En regardant Logan dans l'épisode 120, le lecteur reconnaît le personnage sans difficulté, mais il a l'air moins dangereux que d'habitude, avec des contours plus doux, et une gestuelle qui semble moins agressive que d'habitude, tout en restant un peu théâtrale. Cette impression est renforcée par une mise en couleurs acidulée, dégageant plus une impression de douceur que d'agressivité.
Pourtant ces caractéristiques n'empêchent par les dessins d'exprimer des émotions adultes ou cruelles : un superhéros éventré avec ses intestins sortis de leur logement abdominal, la folie furieuse de Vivisector tranchant des soldats avec ses griffes, l'horreur abjecte d'une tentative de viol, etc. Derrière une apparence datée, l'artiste réalise des planches et des cases avec un niveau de détails bien supérieur à la norme des comics de superhéros dans les années 1960. le pays situé en Afrique du Nord au début du premier épisode n'est pas reconnaissable, mais Allred a pris la peine de concevoir et de représenter une place forte avec des détails qui la rendent unique. Dans la page consacrée au vingt et unième Café X-Force, le lecteur a l'impression qu'il peut se promener entre les tables, aller passer sa commande au comptoir central, flâner pour regarder les produits dérivés. Au restaurant, il bénéficie d'une magnifique vue sur les buildings par la baie vitrée. Lorsque U-GO Girl invite Orphan dans sa chambre, il regarde le désordre par terre. Il prend également le temps de regarder chaque costume du carnaval de Bastrona.
Dès le premier épisode, les discussions entre les personnages établissent qu'ils manquent un peu de maturité, et qu'ils ne sont intéressés que par les contrats de parrainage. Milligan & Allred ne les gâtent pas : leur mutation ne les rend pas plus beaux, mais en font des monstres pour la plupart. Une peau d'une jolie couleur lavande, l'obligation de porter un masque sur le bas du visage pour maîtriser ses projections de bile acide, une peau toujours en train de suer, un hyper-développement pilaire. Ainsi ces monstres prennent leur revanche en faisant fructifier leur participation à une équipe de superhéros aux missions plus moins utiles. La scène introductive montre Axel Cluney regarder une mission sur un champ de bataille, revoir Sluk mourir, et considérer que ce n'est pas une grosse perte, voire que son apparence n'était peut-être pas assez humaine pour pouvoir faire partie de X-Force. Ce deg
ré de cynisme se retrouve par la suite : Edie Sawyer qui considère que les missions sont une obligation pour jouir d'une vie de luxe, les insultes échangées entre les membres de l'équipe, le choix du chef de l'équipe dicté uniquement par les projections d'audience sans lien avec ses compétences de meneur, et ça ne fait que s'accentuer d'épisode en épisode.
Peter Milligan reprend les techniques éprouvées de la téléréalité qu'il applique à une équipe de superhéros célèbres surtout parce qu'ils sont célèbres, dont le métier est d'être célèbres. Il va plus loin encore, en mettant en pratique le fait que le rôle de chaque membre est partiellement écrit, comme dans le catch (principe du Kayfabe) et qu'ils doivent respecter ces rôles prescrits. Ce capitalisme amoral gagne encore en horreur quand le lecteur découvre à quel point la fin justifie les moyens pour Coach.
Ce premier tome tient toutes ses promesses aujourd'hui encore : histoire entièrement indépendante de la continuité mutante, dessins sortant de l'ordinaire, tout en restant très comics, tonalité très adulte.
Peter Milligan &
Michael Allred racontent une histoi
re de mutants en marge de la société normale, avec costume de superhéros et superpouvoirs spectaculaires, comme une métapho
re d'une société où tout est spectacle et l'objectif prioritai
re de ses acteurs est de mener une vie de luxe.