Une putain d'histoire explore l'univers de l'adolescence de l'intérieur. le récit est porté par le jeune héros, Henry, 16 ans. D'où le titre, qui, comme l'ensemble du roman, reprend le langage peu châtié des ados. C'est un polar. le jeune protagoniste est brutalement confronté à la mort de sa petite amie, Naomie, qui de toute évidence, n'est pas accidentelle.
Bernard Minier a choisi de concentrer l'action sur Glass Island, près de la frontière canadienne, entre Vancouver et Seattle. L'auteur a joint une carte géographique pour mieux situer. L'endroit est plutôt hostile, de part son climat froid et pluvieux. La nature est sauvage. Les éléments déchaînés permettent une dramatisation maximale. C'est pour explorer des territoires qui ne l'ont pas encore été par les grands auteurs de polars que
Bernard Minier a fait ce choix. Il a
lui-même acquis une bonne connaissance de la région pour y avoir séjourné mais confie que Glass Island, imaginaire, est inspirée en fait de plusieurs îles réelles. Lummi Island et Cedar Island existent bien en revanche.
L'écriture et la construction du récit sont efficaces. La tension et le suspense s'installent très vite. La narration est entrecoupée de retours en arrière, qui peu à peu rattrapent le récit et l'éclairent.
Stephen King et
Lovecraft sont évoqués pour bien ancrer l'histoire dans une atmosphère sombre et macabre. Les tendances gothiques des ados contribuent aussi à renforcer l'ambiance sinistre. Bien que l'auteur s'en défende, le roman flirte par endroits avec le Club des Cinq, voire Chaire de poule, avec soirée Halloween obligée. On est bien toutefois dans une littérature adulte, avec son aspect pervers, corrompu et sulfureux.
Un mystère relatif à l'identité d'Henry laisse entrevoir une possible piste au meurtre. En effet, le jeune protagoniste est un enfant adopté, élevé par deux mères. Marginalisé par sa situation familiale, il a malgré tout réussi à s'intégrer à la petite communauté de l'île. C'est toutefois Henry le premier suspect des enquêteurs.
Le ferry constitue le lieu central de l'action. C'est là que se retrouvent les cinq ados sur le chemin du lycée. C'est un véritable observatoire pour le détective, Noah, qui vient enquêter sur l'île. C'est là que se disputent Henry et Naomie, juste avant sa mort.
Le roman dégage parfois une atmosphère de thriller des années 1990. La scène du phare rappellera à certains de ma génération – et de celle de
Bernard Minier – celle de Sang chaud pour meurtre de sang-froid (Final analysis) de 1992. Elle est aussi très Hitchcockienne. En revanche, les technologies de pointe de surveillance informatique et drones très présents en font une oeuvre bien contemporaine.
C'est un roman qui rend hommage à la littérature américaine, l'auteur le précise dans les remerciements. Non seulement il se passe aux US, mais son écriture, elle-même, fait très américaine. A tel point qu'on a par moments l'impression d'avoir affaire à une traduction.
Les rebondissements et retournements se multiplient sur la fin. le dénouement ne m'a pas paru satisfaisant.