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Pour la première fois, la journaliste franco-iranienne Delphine Minoui, récipiendaire du prix Albert Londres en 2006, a choisi le roman pour nous immerger dans la réalité d'un pays dans lequel elle réside depuis une dizaine d'années, la Turquie.

Un roman qui commence avec l'arrestation d'un professeur à l'université du Bosphore, simplement pour avoir signé une pétition pour la paix (en faveur de l'arrêt des opérations militaires visant les Kurdes dans le sud-est du pays). Dès lors son épouse, professeur de français à l'université de Galatasaray, va passer par toutes sortes d'états. Après en avoir voulu à son mari de cet engagement qui a brisé leur vie de famille et est en train de le briser lui au fond de sa geôle, en reprenant la lutte de son mari, elle reprend espoir…

Ce récit est celui de la dérive d'un régime qui de démocratie, souhaitant se rapprocher de l'Occident, s'est muée en autocratie d'un adepte du culte de la personnalité qui utilise la religion pour ses ambitions personnelles — et la violence contre ses opposants. Parmi eux, les professeurs d'université sont des cibles privilégiées, des symboles de la liberté qu'il faut faire taire par la force. Une réalité décrite avec un rare talent par Delphine Minoui qui, en dépit des errements de ce pays, semble l'aimer et nous donne envie de mieux le connaître et de l'aimer à notre tour, ainsi que ses habitants si riches d'une longue histoire.
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Un roman d'actualité, maintenant qu'en Turquie l'élection présidentielle du 14 mai prochain approche et que RecepTayyip Erdogan, au pouvoir - d'abord comme premier ministre et ensuite comme président - depuis le 14 mars 2003, soit 2 décennies, est à nouveau candidat.

Le roman de Delphine Minoui présente, à travers essentiellement l'expérience d'un couple d'intellectuels, la précarité de vivre dans ce fascinant pays si l'on ose avancer d'autres valeurs que celles prônées par le "pseudo-sultan" Erdogan.

La paix par exemple ! C'est ce qui est arrivé au professeur d'histoire de l'université du Bosphore, Göktay Delim, 42 ans, qui, le 15 janvier 2016, est brutalement arrêté chez lui par les forces de police spéciales, comme terroriste, pour avoir osé signer tout simplement une pétition réclamant justement la paix.

Delphine Minoui, avec son talent de conteuse bien établie, nous présente les effets de cette incarcération du 15 janvier 2016 au 26 juillet 2019 pour le prisonnier lui-même, ainsi que pour son épouse Ayla, prof de Français au lycée français de Galatasaray, et de leur fille Deniz, née en 2010 et fort attachée à son gentil papa.

L'auteure nous brosse, en même temps, l'évolution du régime politique turque pendant cette période de trois ans et demi sous le "reis" Erdogan, en expliquant les moments cruciaux, telle la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016, soi-disant fomenté par le prédicateur Fethullah Gülen, son ancien camarade, et le référendum constitutionnel bidon du 16 avril 2017, qui a transformé la Turquie d'un régime parlementaire en un régime présidentiel.

D'origine franco-iranienne, l'auteure, dans sa critique du système despotique d'Erdogan, ne se laisse cependant pas aller à un anti-islamisme primitif, de plus en plus bon ton à la droite et l'extrême droite de notre échiquier politique.

La transition fondamentale du système de gouvernement turc est parfaitement bien illustrée dans la personne de la jeune Fatma, qui de fan d'Erdogan finit par se réjouir de la victoire electorale d'Ekrem Imamoglu comme maire d'Istanbul, le 23 juin 2019.

L'ouvrage met également en évidence la position fragile et périlleuse de la minorité kurde, répartie sur 4 États, l'Iran, l'Irak, la Syrie et la Turquie, et merveilleusement bien incarnée par l'élève d'Ayla, le sympathique Azad.

Avec une adresse rare et une forte dose d'empathie, Delphine Minoui réussit à intégrer la grande histoire et réalité de la Turquie dans la vie de tous les jours de quelques personnages, choisis avec soin, absolument représentatifs et attachant pour le lecteur.

En fait, avec la même sensilibilite dont elle a fait preuve dans son fascinant ouvrage "Moi Nojoud, 10 ans, divorcée" que j'ai eu l'honneur de commenter ici le 4 novembre 2020.

C'est par amour pour Ayla et Deniz que Göktay, sérieusement affaibli à la suite d'une grève de la faim et au bord du suicide, invente, au contraire, son alphabet du silence, que je vous laisse découvrir....
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Librairie Chantelivre / Issy- samedi 8 avril 2023


Après avoir découvert avec enthousiasme cette auteure franco- iranienne à travers son texte : " Les Passeurs de livres de Darayan", je n' ai pas hésité un instant, en apercevant exposé son dernier livre, en pile... !

Involontairement, j'enchaîne actuellement des lectures documentées sur les dictatures en différents points du globe et diverses périodes : L'URSS (* "les larmes de Chalamov" de Gisèle Bienne), la Roumanie
( " Eugenia" de Lionel Duroy)...et nous voilà en Turquie, sous la férule du président Erdogan...

Dans ce roman , " notre auteure- reporter" fait entrer en scène Göktay, professeur à l' université du Bosphore d'Istanbul, professeur idéaliste et très aimé de ses étudiants...
Il rencontre Ayla, son grand amour, elle-même enseignante de français. Ils ont une petite fille, Denys...Tout serait dans le meilleur des mondes si Göktay ne se mettait pas en danger en signant pétition sur pétition pour défendre ses convictions, la liberté d'expression...dans une Turquie où le régime d'Erdogan a dérapé vers un régime des plus autoritaires...

Au lieu de "rester dans sa bulle familiale" il signe la pétition de trop...."une pétition pour la paix" avec un grand nombre de signataires dont d'autres professeurs et intellectuels , pour contester la décision d'Erdogan pour une offensive ( en 2018) contre le nord de la Syrie....
Göktay se retrouve emprisonné plus de deux années avec plusieurs procès aussi caricaturaux les uns que les autres !

Son épouse, Ayla, dans un premier temps en veut à Göktay; de ne pas avoir songé en priorité,à leur famille : leur petite fille et elle...
Très vite...elle va évoluer, faire des rencontres dont celles d'étudiants...solidaires et admiratifs de leur professeur !
Jusqu'à son étudiant le plus brillant qui parvient à lui faire passer les oeuvres de Jean- Jacques Rousseau ( avec une feuille signée de tous ses camarades)...

Ayla, consciente du courage et de la détermination de son mari, reprendra le flambeau avec force
conviction et une énergie sans faille...!

Je n'en dirai pas plus, car de nombreux sujets importants s'entrecroisent à travers l' histoire de ce couple d'enseignants et de ce professeur arbitrairement détenu et destitué de ses fonctions à l'université d'Istanbul:

- le régime dictatorial et une société sous terreur..

- l'acharnement d'une dictature sur une communauté prise comme bouc- émissaire (* pour le gouvernement turc d'Erdogan, la persécution des Kurdes, accusés de tous les maux !)

- le rôle prépondérant des Résistances dont celles des intellectuels et des professeurs....

- Les méfaits de la propagande constante d'un gouvernement et ses conséquences durables sur les individus

-La guerre, la violence étatique généralisée vécues tragiquement par les enfants , entraînant des chocs et des culpabilités durablement, adultes.( ***Göktay traumatisé par la perte prématurée de son père, militaire, mort assassiné ...dont il ne comprendra que fort tardivement les véritables coupables...puis la génération suivante, où sa propre petite fille, Denys vit avec désespoir l'arrestation de son père adoré)

- L'omniprésence du mensonge," sport national" pour les régimes autoritaires...qui fausse tout , jusqu'aux rapports entre les personnes.

Une lecture au style fluide et agréable , rayonnante en dépit des thèmes graves et oppressants..car la Lumière, l'espoir subsistent avec les descriptions de la Résistance , du courage d'hommes, de femmes , jeunes comme vieux...contre l'arbitraire, et la terreur induite par un seul homme !

En dépit des arrestations arbitraires, de la peur, d'un quotidien angoissant...d'un gouvernement inique...reste l'amour inconditionnel des personnes pour leur pays ou une ville d'enracinement familial, ayant du mal à quitter leur terre natale...je finis ce billet avec un extrait éclairant , montrant bien cette ambivalence :

"C'est cela qu'elle a toujours aimé : le monde entier se donne rendez-vous à Istanbul. Il suffit de se perdre dans les allées du Grand Bazar, de s'attabler à n'importe quel café pour croiser des gens d'ailleurs, exilés, touristes, hommes d'affaires en transit. Il suffit de fermer les yeux pour se laisser bercer par un méli-mélo de langues européennes, de russe, d'arabe, de persan, d'hébreu, étonnant dialogue fictif entre ressortissants de pays ennemis qui se retrouvent ici, comme si de rien n'était. Sa ville- monde a beau être fière de sa diversité, elle n'en demeure pas moins la cité de tous les dangers, hanté par un passé fait de pogroms, de massacres, d'autoritarisme en tout genre.Son histoire a prouvé qu'elle pouvait sans transition devenir ville- monstre, capable de dévorer ses propres habitants."


(**Une parenthèse par rapport à une actualité proche: Des pensées pour le peuple turc qui, dans un mois, *le 14 mai, aura rendez-vous devant les urnes, pour l'élection présidentielle !)








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Il ne serait pas faux de dire que « L'alphabet du silence » de Delphine Minoui est un roman d'actualité en cette période si troublée. Ce qui est sûr, c'est que c'est un livre qu'il faut lire et à mettre entre toutes les mains !

L'histoire démarre en 2016 en Turquie.
Goktay, professeur à l'université du Bosphore à Istanbul est subitement et brutalement arrêté puis jeté en prison. Pourquoi ? Pour avoir osé signer une pétition pour la paix et dénoncer la répression féroce que mène le Président Erdogan contre les Kurdes. Pour ce simple geste, il est tout simplement accusé de terrorisme ! Pour Ayla son épouse c'est inconcevable et une terrible méprise !

Egalement professeur au lycée Français de Galatasaray, elle qui s'est toujours retenue de s'engager pour quoi que ce soit, doit faire face à l'impensable. Une déflagration dans la vie qu'elle menait avec Goktay et sa fille Deniz. D'abord profondément en colère contre son mari, et sombrant peu à peu dans le désespoir, Ayla va finir par se révolter contre cette injustice faite à son époux et va décider de reprendre le flambeau.

Aux portes de l'Europe, a à peine trois heures de la France, des milliers d'activistes, journalistes, fonctionnaires, professeurs et universitaires sont emprisonnés et torturés pour avoir seulement prôner d'autres valeurs que celles dictées par le pouvoir en place ! La liberté d'expression est tout simplement foulée aux pieds. Pour une simple signature sur une pétition, un homme est désigné comme terroriste !

Cet endroit c'est la Turquie. Face à cela, que fait l'Europe ! Rien ! Probablement que le peuple kurde n'est pas digne d'être défendu alors que ce sont les premiers à s'être battu contre l'Etat Islamique ! Là aucune manifestation face à cette dictature qui ne dit pas son nom ! Une Europe qui est pieds et poings liés par le chantage d'Erdogan, dictateur en puissance !

Alors oui, il faut lire « L'alphabet du silence » qui est un roman superbe. L'écriture de Delphine Minoui est tout simplement magnifique, empreinte de colère mais également d'amour. C'est un roman qui vous touche en plein coeur, qui ouvre les yeux sur le combat que peuvent mener certains hommes et femmes pour leur liberté d'expression. Ce roman leur rend tout simplement un immense hommage.

Et surtout merci à Delphine Minoui pour son combat à informer le monde face à la barbarie d'une dictature, quelle qu'elle soit.
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Ayla et Göktail se sont aimés non pas au premier regard mais aux premières paroles partagées. Ils sont tous les deux professeurs et habités par le désir de transmettre leur savoir mais plus encore le goût de la liberté et de l'ouverture.
Pour avoir signé une pétition en faveur du droit d'expression, Göktail est arraché en pleine nuit de chez lui et jeté au cachot. Ayla reste pétrifiée, leur fillette dans ses bras. Elle veut croire à une erreur. Comme pour un deuil elle passera par le déni,puis la colère dirigée tout autant vers son mari que vers ses bourreaux qui les condamnent à ce fait accompli! Puis vient l'abattement qui tétanise, et enfin la reappropriation active de ses valeurs et de celles qui ont conduit Göktail en prison. Elle ne veut plus cautionner par sa passivité et sa peur le déchaînement qui se déploit contre le monde universitaire et tout ceux qui refusent l'ostracisme. Grace à de belles rencontres, elle découvre que la résistance c'est organisée et offre une émulation source d'espoir et de force.
Delphine Minoui entrecroise avec subtilité et émotion l'Histoire de la Turquie d'Erdogan et l'histoire de ses personnages. Elle nous fait ressentir la chappe de plomb qui écrase les citoyens de façon perverse en falsifiant la réalité politique. En désignant comme terroristes ceux qui tentent au contraire de défendre la démocratie. Elle n'efface pas pour autant toute la magie et la beauté d'Istanbul, la grâce de son bosphore et de ses monuments, sa lumière, la richesse de sa multiculturalité.
J'ai beaucoup aimé sa façon de nous amener à vivre le cheminement intérieur de ses personnages, Göktail et Ayla mais aussi d'autre plus secondaires mais révélateurs de ce qu'un peuple soumis à l'endoctrinement politique et/ ou religieux peut vivre.
Et puis,il y a la force de la poésie, celle du désespoir qui amène Göktail à créer un nouveau langage pour échapper aux griffes de la folie.
C'est vraiment un très beau roman !
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Une sirène stridente réveille Ayla, elle ne sait pas d'où ça vient, elle est complètement perdue, il est très tôt, 5h.
"Sur l'écran de l'interphone, elle distingue effarée, une troupe de policiers armés jusqu'aux dents et équipés comme à la guerre, gilets pare-balles, armes automatiques et visages encagoulés, en train de s'engouffrer dans l'escalier. Elle à peine le temps de coller son oeil au judas qu'une demi-douzaine de Robocops sont déjà sur le palier. Son coeur bondit. Elle repousse les scénarios que son cerveau échafaude. Ces hommes se sont trompés de porte. Ils ne peuvent pas être ici pour elle, ni pour son mari. a présent, des coups de crosse contre la serrure. Elle voudrait ne rien entendre. Rester sourde aux hurlements qui lui ordonnent d'ouvrir. Elle ne bouge pas, ne crie pas. Sa respiration s'est accélérée. Soudain le verrou cède."

Son mari, Goktay, vient d'être arrêté pour avoir signer une pétition pour la paix. Professeur d'histoire, il a ses convictions et n'hésite pas à échanger avec les étudiants, qui l'admirent.

Où est la liberté d'expression, la démocratie, vantée par le président Erdogan ? Goktay, sera emprisonné et assimilé à un terroriste, pour avoir défendu ses idées.

Ayla, professeur de français et leur fille Deniz, abattues, ne savent plus vers qui se tourner, pour avoir des nouvelles et essayer de faire libérer son mari.

Un régime politique autoritaire, qui n'aime pas les intellectuels, les professeurs, pour la moindre peccadille, ils sont arrêtés.
Il faut toujours mentir, pour essayer d'échapper aux policiers qui traquent nuit et jour, le moindre petit rassemblement, la moindre parole, contre le gouvernement.

L'alphabet du silence de Delphine Minoui, nous montrera, qu'à travers l'absence de mots, la peur du quotidien, Ayla, va se battre et sera aidée, par des amis, des personnes courageuses, qui aiment leur pays, mais retrouver leur liberté, ne doit plus être qu'un rêve.

Un joli livre, qui montre que l'espoir subsiste toujours, malgré les horreurs que peuvent subir, toutes ces femmes et ces hommes. Une très belle écriture et beaucoup d'émotions.
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« La paix est en procès, le pouvoir poursuit sa guerre contre son propre peuple »
La Turquie d'Ergogan, dans l'absurdité des grandes purges qui ont précédé et suivi la tentative de coup d'état militaire de 2016.
150 000 personnes limogées, 50000 arrêtées dans l'armée, l'administration et le secteur privé.
La dérive autoritaire du nouvel Iznogoud n'a plus de limite

Dans le milieu universitaire, les arrestations font suite à de simples signatures sur des pétitions protestataires. Toute opposition intellectuelle est taxée de terrorisme.
Pour Ayla qui voit partir Göktay en prison, le quotidien heureux s'est effondré, laissant place peu à peu à l'esprit de résistance, coeur battant de ce roman aux accents de documentaire.
En alternant des chapitres du quotidien du couple séparé, Delphine Minoui peint un portait de la société turque, en recherche de démocratie mais ployant sous le joug dictatorial de son dirigeant.

Un livre engagé, émouvant, d'un réalisme glaçant. Remarquable !

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On oublie souvent qu'aux portes de l'Europe se trouve un pays dont le régime politique frôle la dictature, où les libertés individuelles sont foulées aux pieds, où l'expression à l'encontre du régime peut entraîner plusieurs années de prison pour les quelques téméraires qui osent encore faire entendre leur voix. Avec ce roman d'une intensité rare, Delphine Minoui nous met face aux faits tragiques qui ont agité ces dernières années la Turquie : attentats terroristes réels ou déguisés, coup d'état militaire avorté, manipulations politiques de l'opinion, interventions militaires contre les minorités… A travers l'histoire de Göktay et Ayla, ce sont les combats des intellectuels turcs qu'elle illustre, ces hommes et ces femmes qui ont connu un pays laïque à l'extrême où la démocratie était presque imposée aux citoyens. Que reste-t-il aujourd'hui de ce pays avant-gardiste ?

L'incarcération arbitraire de Göktay, les déboires judiciaires d'Ayla, l'opacité du traitement de son mari : tout dans ce texte m'a serré la gorge, a décuplé mon sentiment d'injustice. Je n'en ai été que plus émue quand j'ai lu les combats des enseignants et étudiants pour ouvrir les esprits face à l'obscurantisme imposé par le régime, les initiatives des uns et des autres pour faire entre leur voix et leur témoignage, et les changements que ça peut amener dans une population qui parfois, n'a jamais eu l'occasion de prendre conscience de tout ça. Delphine Minoui nous sert un récit aux accents de vérité, plein de nuances et de réflexivité. Elle explore les ressorts de l'engagement, la peur pour soi et les pour les siens qui peut retenir notre signature en bas de la page, et le courage qu'il faut pour oser, à son échelle, faire quelque chose dans l'espoir de susciter le changement.

Un superbe roman, magnifiquement écrit, qui prend aux tripes et touche au coeur, tout en illustrant la beauté de cette ville entre deux continents, Istanbul, creuset des combats idéologiques de la Turquie moderne.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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J'apprécie particulièrement Delphine Minoui.

Avec elle, j'ai découvert l'Iran d'abord, dans une autobiographie.

La Syrie ensuite, sous l'oeil expert de cette grande reportrice.

Et la Turquie enfin pour sa première fiction.



À Istanbul précisément, ville des paradoxes, à cheval sur l'Occident et l'Orient, ville d'espoir et de purges des fonctionnaires, ville de liberté où la prison n'est jamais une histoire lointaine...


Ayla et Göktay, enseignants en faculté, vivent heureux avec leur petite fille. Mais quand Göktay signe une énième pétition, celle-ci pour la paix et le droit des Kurdes, tout s'emballe. À commencer par le pouvoir d'Erdogan qui tourne peu à peu le dos à la démocratie, et qui semble même rattraper le temps perdu avec Attaturk en effectuant un virage serré en direction de l'Orient et de l'Islam. Les droits se restreignent et il vaut mieux se taire pour éviter purges et arrestations. 


Il est hélas bien trop tard pour l'enseignant. S'annonce alors un long et pénible combat judiciaire contre une institution allouée à Erdogan, et dont tous les fonctionnaires sont peu à peu remplacés par les membres de l'AKP.


Cette fiction dresse un portrait réaliste de la Turquie des années 2015/2019. 

Un peu de poésie et d'histoire en supplément et le tour est joué. Istanbul et le Bosphore se dévoileront sous vos yeux ébahis.

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« La Turquie n'était pas seulement en guerre ouverte contre les combattants du PPK. Elle était en guerre ouverte contre les droits de l'homme. »
En arrière fond de cet excellent roman, l'analyse passionnante de la Turquie au début du 21ème siècle.

2016 en Turquie - Un couple d'universitaires, Göktay, sa femme Ayla et leur petite fille.
Ayla, militante dans sa jeunesse, recherche maintenant le confort de sa famille, la préservation d'un cocon autour de l'enfant. Göktay poursuit seul l'engagement politique, signe une nouvelle pétition pour la paix et se retrouve en prison.
Le monde s'écroule pour sa femme qui éprouve surtout de la colère. Comment a-t-il pu les mettre en danger ainsi ? Car son geste menace désormais toute la famille…
Au fil des rencontres et de la résistance farouche de son mari, Ayla va petit à petit comprendre et le soutenir.

J'ai infiniment aimé ce récit sans jugement sur les citoyens turcs. Prisonniers de la peur ou de la manipulation qu'exerce le régime, comme la jeune musulmane Fatma. Elle soutient Erdogan, voyant en lui, le chantre de l'Islam politique, qu'elle juge tolérant, en un premier temps.

J'ai retrouvé aussi avec grand plaisir la puissance de l'écriture de Delphine Minoui. En effet, elle est aussi l'auteur de « Les passeurs de livres de Daraya » qui se déroule en Syrie. La préservation d'un espace de paix, d'humanité et d'ouverture avec la sauvegarde d'une bibliothèque, alors que la violence et les bombes menacent chacun.
Dans « l'alphabet du silence », les voix, les écrits des intellectuels sont également à éradiquer, à faire rentrer dans le rang de la soumission.
Face à l'oppression de plus en plus présente, de moins en moins masquée, tous les moyens de résister sont utilisés. Y compris les dessins que Göktay griffonne en prison et qu'il parvient à transmettre à sa femme.
La force du silence qui résiste, la force des dessins qui décrivent une situation.
« le silence est un espace (…) qu'aucune dictature ne pourra jamais atteindre. »

C'est aussi le message d'espoir de l'autrice. Les hommes épris de démocratie, de paix seront toujours présents, trouveront toujours le chemin de l'humanité, même si leur vie est en danger.
La liberté, la paix, la démocratie ont un prix.

En mai 2023 avaient lieu les élections présidentielles. Ce livre est paru en avril 2023 tandis que beaucoup espérait à l'intérieur et à l'extérieur du pays, une défaite de Recep Tayyip Erdogan… Hélas !...

Harmonie parfaite entre un roman, son suspens, et l'analyse de l'environnement politique.
Des romans qui nous ouvrent les yeux, qui nous grandissent.
Merci Delphine Minoui !

Instagram : commelaplume

Lien : https://commelaplume.blogspo..
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