"
Le calvaire" est le premier roman d'
Octave Mirbeau, le premier des trois dont on peut dire qu'ils s'inspirent librement de l'existence même du grand écrivain.
Jean-François-Marie Mintié est né à Saint-Michel les Hêtres dans l'Orne, à l'orée de la forêt de Tourouvre.
Sa famille habitait le Prieuré, une dépendance de l'ancienne abbaye détruite pendant la révolution de 1789.
Son père était le notaire du lieu, et sa mère de constitution fragile, maladive et dépressive, ne s'occupait que peu de ce pauvre petit diable d'enfant ...
Octave Mirbeau raconte ici l'histoire pathétique de Jean-François Marie Mintié.
Il ne peint pas le personnage à la demi-palette.
Sa plume, splendide déjà, va et s'emporte, bousculant ses personnages vers des destins tristes et sordides.
L'écriture de Mirbeau est certes splendide mais comme toujours, ou presque, elle contient des accents exagérés dans les émotions, les sentiments et les situations.
Les premières années du jeune homme sont décrites comme dans un désespoir sans fond.
Le "bordel ambulant d'une armée en campagne" comme l'a si bien chanté
Jacques Brel, la débâcle de l'armée lors de la guerre de 1870, est racontée ensuite sans concession aucune.
Le manque de discipline, les rapines sur la population, la bêtise des officiers, la troupe livrée à elle-même ; Mirbeau affiche d'ores et déjà un antimilitarisme qui ne le quittera jamais.
La bourgeoisie, la religion ne seront pas non plus épargnées, pas plus que la gent féminine d'ailleurs.
"
Le calvaire", s'il a vieilli, est pourtant un roman important d'
Octave Mirbeau, car il en contient en germe tout ce qui, du jeune écrivain, fera une des plus incontournables plumes de son temps.
Même si je lui préfère celle de
Lucien Descaves, tout aussi déterminée dans sa lutte contre l'injustice, toute aussi brillante mais moins rageuse et emportée, moins portée aux excès.
Mirbeau, jeune écrivain, affiche déjà ici la conception qu'il se fait de la littérature, l'intransigeance qu'il voue aux "fabricants de pièces", aux dévoyés qui écrivent comme une distraction facile alors que la littérature, pour lui, est un art grave.
Est insctite aussi dans "
le calvaire" la volonté farouche de Mirbeau à devenir un écrivain original, sincère, de ne pas être une pâle copie de ses prédécesseurs.
"suivant les caprices de ma mémoire, les hantises de mes souvenirs", se lamente son personnage, "je pense avec la pensée de l'un, j'écris avec l'écriture de l'autre ; je n'ai ni pensée, ni style qui m'appartiennent".
Ce roman fait écho à un autre, "
Dans le ciel", qui ne fut pas repris en volume après avoir été publié sous forme d'épisodes, en 1892 et 1893, dans "l'Echo de Paris".
L'amitié entre un jeune écrivain et un peintre talentueux, car c'est cela dont il aussi question dans "
le calvaire", de cela et de la prévalence de la littérature aussi sur tout art, quel qu'il soit.
Et pour se faire, aujourd'hui, une idée plus précise de qui était vraiment Mirbeau, de l'importance qu'a eu son mot à "l'avant-siècle" d'
Hubert Juin, il est bon de se replonger dans le 37ème numéro des "Hommes du jour" paru le 3 octobre 1908 et disponible sur Gallica, la bibliothèque virtuelle de la BNF.
"
Le calvaire", en tout cas, s'il n'est pas mon livre préféré d'
Octave Mirbeau, est pourtant un incontournable pilier de son oeuvre ...