La chronique fantôme de Marianne
Une deux trois
Dans ce thriller doux-amer sous le soleil de Tel-Aviv, le danger se précise lentement, par des détails presque insignifiants, les aventures amoureuses de femmes solitaires tournent au cauchemar, dans l'indifférence générale, jusqu'à ce qu'une enquêtrice curieuse et obstinée repère ce que personne n'avait su voir avant elle...
Un suspense à trois temps.
Trois femmes, trois histoires, trois rencontres amoureuses qui se terminent mal. Un seul homme. Orna se suicide dans un hôtel en Roumanie, Emilia est retrouvée morte près d'une gare routière, Eva rencontre un homme charmant au café. Les enquêtes de la police avancent à petit pas, en arrière-plan. Tout le suspense se joue dans le décalage entre ce que sait déjà le lecteur et ce que les protagonistes ne réussissent pas à voir et à éviter, aussi prudentes, sympathiques et avisées soient-elles. Cela fait penser aux enquêtes de Columbo, qui démasque un criminel que l'on connaît déjà oubien à un film sur Landru, où l'on suit les victimes en sachant très bien ce qui va arriver, où se trouve le danger et combien cela va mal se terminer.
Un roman étonnamment sensible et réaliste
Dror Mishani décrit avec une grande finesse les ressorts psychologiques de chacune des protagonistes, les sentiments, les peurs, les rêves qui les font avancer, explorer un jeu amoureux qui n'aurait jamais dû s'avérer fatal. L'auteur prend le temps de raconter ses personnages féminins, leur vie, leur détresse ou les défis auxquels elles sont confrontées : surmonter un divorce avec un enfant à garder, survivre dans un pays dont on ne connaît pas la langue, continuer à travailler et à étudier avec des enfants encore petits….
Ce temps donné à ses personnages, à leurs rencontres, il l'accorde aussi au déploiement de son histoire. On découvre la vie de mère célibataire, l'exploitation des femmes d'Europe de l'Est recrutée pour s'occuper des personnes en fin de vie, le fonctionnement d'un service de police à Tel Aviv ...Les jours, les semaines, les mois, les années s'écoulent. Plus de quatre années séparent les deux premières disparitions. Alors que le travail de la police dépend des affectations et du hasard, les enquêtes sont tributaires de enquêteurs qui se relaient, et les personnes concernées ne verront pas toutes la fin de l'enquête, que ce soient les personnes âgées dont s'occupe Emilia, venue de Lituanie travailler en Israël – et témoins possibles mais disparus avant qu'on les interroge, ou bien un personnage secondaire atteint par un cancer. ... le roman y gagne me semble-t-il en densité et en réalisme
A découvrir, pour ses portraits de femmes, la description de la vie en Israël et un suspense mené de main de maître. Un charme certain.
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