"Tu mourras sûrement avant l'âge de vingt ans, m'avait un jour dit un ami en plaisantant, faisant allusion à ma faible constitution.
- Quelle affreuse chose à me dire !" répondis-je, tandis qu'un sourire amer crispait mon visage. En réalité sa prédiction exerçait sur moi un attrait étrangement délicieux et romanesque.
Les femmes trop modestes sont aussi dépourvues de charme que les présomptueuses, mais il émanait, des vanteries nonchalantes et mesurées de Sonoko, une forme de féminité plaisante et candide.
En vérité, de toutes les sortes de décadence en ce monde, celle de la pureté est la plus redoutable.
L'attente d'un plaisir violemment désiré a toujours été pour moi génératrice d'angoisse plutôt que de joie.
L'averse et le soleil couchant éclaira la pièce. Les yeux et les lèvres de Sonoko luisaient. Sa beauté me décourageait, m'obligeant à me rappeler mon sentiment de faiblesse et d'impuissance. Cette pénible impression donnait à Sonoko un aspect encore plus éphémère à mes yeux.
Le soir, dans le prolongement des ténèbres qui environnaient mon lit, je voyais monter la ville étincelante. Etrangement silencieuse, elle regorgeait de feux et de mystères.
En vérité, de toutes les sortes de décadence en ce monde, celle de la pureté est la plus redoutable.
"Pour ma part, je me trompais certainement. En réalité, les autres garçons n'éprouvaient pas, comme moi, le besoin de se comprendre eux-mêmes, ils pouvaient être naturels, alors qu'il me fallait jouer un rôle, ce qui exigeait un discernement et une attention considérables. Aussi n'était-ce pas ma maturité d'esprit, mais mon sentiment de malaise, mon incertitude, qui me forçaient à exercer un contrôle sur mon moi conscient." p. 103-104
Depuis plus d'un an je connaissais l'angoisse d'un enfant pourvu d'un curieux jouet. J'avais alors douze ans.
Ce jouet augmentait de volume en toute occasion et insinuait que bien utilisé il serait un objet tout à fait délicieux. /... / Alors je me mis en tête de percevoir avec calme les désirs du jouet. Quand je le fis, je m'aperçus bientôt qu'il possédait déjà des goûts bien définis et évidents, ou ce qu'on pourrait appeler son propre mécanisme. La nature de ses goûts se trouvait liée, non seulement à mes souvenirs d'enfance, mais, l'une après l'autre, à des choses telles que le corps nus de quelques jeunes gens vus un été au bord de la mer, les équipes de nageurs du lac Meiji , le jeune homme basané qu'avais épousé l'une de mes cousines, et aussi les vaillants héros d'un roman d'aventures. Jusque là j'avais cru à tort que ces choses n'exerçaient sur moi qu'un attrait poétique, confondant ainsi la nature de mes désirs sensuels avec un système d'esthétique.
C'était un plaisir d'entendre la grand-mère formuler cette invitation précise et aimable. Mais, tout comme ses fausses dents trop bien faites, ses paroles n'étaient qu'un alignement parfait d'une quelconque matière inorganique.