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sur 876 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans toute l'oeuvre de Yukio Mishima et dans son suicide spectaculaire, la mort explose comme un soleil. L'origine du roman le Pavillon d'Or ( Kinkakuji, 1956) est un événement réel, qui choqua les Japonais. le 1er juillet 1950 Hayashi Shôken, bonze novice de vingt et un ans laid et bègue, provoque l'incendie d'un chef d'oeuvre architectural de Kyoto, jusque là miraculeusement épargné des typhons et des bombardements. Mishima s'empare du sujet, de quelques particularités d'Hayashi Shôken et imagine le processus intérieur qui conduira un jeune novice à la destruction du Pavillon d'Or. Et en même temps il développe ses propres préoccupations esthétiques et philosophiques. L'écriture est limpide, précise et les descriptions saisissantes.

Mishima est un très bon conteur qui prend au piège son lecteur. On s'attache d'emblée à Mizogushi, le narrateur. Ce jeune homme, bègue et laid, moqué et mal aimé est émerveillé depuis son enfance par ce que lui raconte son père, un obscur prêtre de campagne aux mains sales, au sujet du Pavillon d'Or. La réalité le déçoit évidemment : c'est un vulgaire pavillon noirâtre. Son père meurt et Mizogushi n'éprouve rien. Il est détaché de la réalité. Il devient novice au temple du Pavillon d'Or. Il ne l'idéalise plus même si le Pavillon demeure sacré. Cependant il se remet à l'aimer passionnément quand le Pavillon est sur le point de finir en cendres dans les bombardements ou d'être balayé par le typhon. Mizogushi est seul à garder le Temple et fait corps avec lui, souhaitant ardemment sa destruction. Il éprouve alors un rare moment de paix et de volupté. Mais le Pavillon d'Or ne cède pas, il semble au contraire immortel et lui renvoie sa laideur physique et morale ainsi que son impuissance à la figure. Mizogushi a deux amis. le premier lui semble un modèle de beauté, de gentillesse et de pureté. le second Kashiwagi est plus intéressant, plus ambigu. Il est laid et a un pied bot. Il s'adapte à la réalité et sait se faire apprécier des femmes. Il cerne parfaitement la personnalité de Mizogushi, l'entraîne dans la débauche avec l'intention de l'arracher au Pavillon d'Or, comme l'explicite son interprétation de l'énigme zen de « NANSEN TUE UN CHAT »*. En vain. Mizogushi est trop orgueilleux. Il imagine alors se venger cruellement de tous ceux et de toutes celles qui le méprisent. La vengeance d'abord fantasmée se réalise dans une scène explicitement sadique. En même temps il veut posséder jalousement le Pavillon d'Or et le défendre des souillures, de la vulgarité en particulier celles de l'occupant et des touristes. Il a pensé à remplacer un jour le Prieur mais son ambition est sapée par son orgueil démesuré et sa mauvaise conduite. Il est seul. le Pavillon d'or est devenue sa prison, un lieu de Beauté, de Pureté qui l'empêche de vivre. Et qu'il lui faut détruire.

Mishima plonge très profondément dans les pensées et les émotions les plus obscures de son personnage avec une rare intensité. le lecteur éprouve de plus en plus de répulsion devant sa cruauté. A un certain stade, l'identification me semble impossible, surtout si on est une femme, et il faut prendre du recul pour admirer le chef d'oeuvre.

*Tuer le chat, c'était arracher la dent qui fait mal, extirper la Beauté à la gouge. Était-ce bien résoudre le problème ? Je ne sais pas. Les racines du Beau n'en étaient point, pour autant tranchées ; morte la bête, sa beauté ne l'était peut-être pas. Et c'est pour se moquer de cette solution trop commode que Chôshu met ses sandales sur sa tête. Il savait, pour ainsi dire, qu'il n'est pas d'autre solution que d'endurer le mal de dents.
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Yukio Mishima était un sacré personnage aux multiples facettes : romancier, dramaturge, essayiste, poète, acteur, réalisateur, chanteur, culturiste et fervent adepte des arts martiaux. Il s'est montré très tôt doué pour écrire et son père a accepté à contrecoeur de le voir se lancer dans cette carrière, qu'il a bien fait d'embrasser puisque sa renommée a vite atteint le monde entier, le plaçant par trois fois sur la liste des Nobel. Personnage sombre, maître de la mise en scène, il ne supporte pas ce que devient le Japon d'après-guerre et organise un coup d'État en novembre 1970, qu'il sait vouer à l'échec. Si bien qu'il en avait préparé la sortie : à 45 ans, il se livre à un seppuku, le suicide rituel samouraï.

"Le Pavillon d'or" se base sur un fait réel : en 1950, un bonze met le feu au Pavillon d'or, un joyau d'architecture de Kyoto, la capitale impériale. L'incendiaire a prétendu qu'il avait mis le feu par haine de la beauté.

En s'appuyant sur de nombreuses sources, Yukio Mishima prend le parti de relater le parcours fictif du bonze qu'il appelle Mizoguchi afin de retracer le chemin qui l'a conduit à cet acte criminel.

Le narrateur, Mizoguchi donc, est né d'un père prêtre bouddhiste et est élevé par son oncle à la ville. Il est bègue et a tendance à se mettre en retrait, se contentant d'observer. Il se fait pourtant un ami avec qui il sera admis en tant que novice au Pavillon d'or, un temple que son père porte aux nues, comme la chose la plus belle au monde.

Mizoguchi est au départ très déçu, ne trouvant pas dans le Pavillon d'or l'émerveillement escompté. Petit à petit, le charme va néanmoins opérer, au point de l'obséder. Sa personnalité s'assombrit. Lorsqu'il rentre à l'université, il se fait un ami handicapé par ses pieds bots qui se venge tous les jours sur la vie par un esprit vif et mordant. Mizoguchi comprend alors qu'il n'a pas à subir, qu'il peut lui aussi être acteur.

Tel l'anneau du Mordor, le Pavillon d'or va exercer son pouvoir (bien malgré lui) sur Mizoguchi qu'on voit sombrer dans la folie. le Prieur, son mentor, assistera impuissant à la déchéance de son protégé.

Si toute son oeuvre de Yukio Mishima est de cet acabit, je veux bien renouveler l'expérience. C'est du grand, grand roman. L'écriture pour commencer est belle et exigeante, précise : la traduction reste celle d'origine, excellente, qu'on doit à Marc Mécréant, et qui a un léger côté désuet qui colle au texte à la perfection. le meilleur du roman est néanmoins la psychologie du narrateur, qu'on voit évoluer avec son parcours et ses fréquentations au fil des ans. Mizoguchi est flippant mais j'ai adoré le suivre jusqu'au bout. Et enfin il y a cette immersion dans la culture nippone, d'autant plus authentique qu'elle se place dans les années 1950, qui m'a offert un extraordinaire dépaysement culturel.

Une superbe découverte!
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Récit fictif de l'incendie d'un temple de Kyōto par un acolyte bouddhiste perturbé en 1950, le roman reflète les préoccupations de Mishima pour la beauté et la mort.

Le narrateur, Mizoguchi, un jeune acolyte zen, est aliéné du monde qui l'entoure ; né physiquement peu attrayant et fragile et dans une sombre pauvreté, il bégaie beaucoup et se tient à l'écart des autres. Ses sentiments obsessionnels pour le Temple d'Or varient de la déception au respect en passant par l'identification à la structure. Mizoguchi ressemble à d'autres héros tourmentés de Mishima qui deviennent obsédés par des idéaux inaccessibles : réalisant le profond manque de beauté de sa propre vie, il décide de détruire le temple.
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Un roman envoûtant inspiré d'un fait réel: l'incendie en 1950 du Pavillon d'Or, temple sublime de Kyoto, incarnation de la Beauté par son harmonie sublime . L'incendiaire est un jeune moine d'une complexion fragile et bègue . C'est un roman psychologique, voire philosophique, dans lequel le narateur, Mizoguchi, le jeune moine incendiaire est tiraillé entre deux amis, l'un incarnant l'être pur et mystique, l'autre étant une sorte d'intellectuel démoniaque ayant un pouvoir de lire dans l'âme de Mizoguchi. Connaissant dès le départ l'issue l'intérêt du roman réside dans la peinture des motivations de Mizoguchi faite par Mishima avec finesse. Mishima, comme le jeune moine, ressentait une sorte d'aliénation devant la société, et il était aussi d'une complexion fragile, même s'il se forgea un corps d'athlète à force de discipline acétique. Certains verront peut-être quelque chose de prémonitoire dans l'incendie du temple pouvant annoncer le suicide par seppuku de l'écrivain. le monde de Mishima, celui du Japon traditionnel, lettré, héritier d'une riche culture, était aussi un monde très nationaliste confronté à l'américanisation rapide de la société japonaise après la défaite de 1945. Certains passages faisant référence à l'histoire de la culture japonaise peuvent échapper aux lecteurs occidentaux, mais le roman reste pourtant fascinant malgré toutes les réserves que l'on peut émettre sur les idées ultra nationalistes de Mashima.
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Un roman envoûtant inspiré d'un fait réel: l'incendie en 1950 du Pavillon d'Or, temple sublime de Kyoto, incarnation de la Beauté par son harmonie sublime . L'incendiaire est un jeune moine d'une complexion fragile et bègue . C'est un roman psychologique, voire philosophique, dans lequel le narateur, Mizoguchi, le jeune moine incendiaire est tiraillé entre deux amis, l'un incarnant l'être pur et mystique, l'autre étant une sorte d'intellectuel démoniaque ayant un pouvoir de lire dans l'âme de Mizoguchi. Connaissant dès le départ l'issue l'intérêt du roman réside dans la peinture des motivations de Mizoguchi faite par Mishima avec finesse. Mishima, comme le jeune moine, ressentait une sorte d'aliénation devant la société, et il était aussi d'une complexion fragile, même s'il se forgea un corps d'athlète à force de discipline acétique. Certains verront peut-être quelque chose de prémonitoire dans l'incendie du temple pouvant annoncer le suicide par seppuku de l'écrivain. le monde de Mishima, celui du Japon traditionnel, lettré, héritier d'une riche culture, était aussi un monde très nationaliste confronté à l'américanisation rapide de la société japonaise après la défaite de 1945. Certains passages faisant référence à l'histoire de la culture japonaise peuvent échapper aux lecteurs occidentaux, mais le roman reste pourtant fascinant malgré toutes les réserves que l'on peut émettre sur les idées ultra nationalistes de Mashima.
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"Le Pavillon d'or" est un roman inspiré d'un événement réel : l'incendie du pavillon Kinkaku-ji (le Pavillon d'or construit avant 1400) à Kyoto en 1950
Mizoguchi, un jeune moine bouddhiste, en est le personnage principal. Timide, il est épris de beauté. Aussi il est obsédé par le Pavillon d'or, qui incarne pour lui la perfection esthétique et spirituelle. Une fascination qui atteint des niveaux obsessionnels, le conduisant alors à la folie et au désir de détruire ce qu'il aime le plus…
« Sous sa housse de neige, le Pavillon d'Or était d'une incomparable beauté. »
L'écriture de ce roman est poétique et riche en métaphores.
Et les descriptions des lieux, envoûtantes. Elle se fait lente pour rendre compte des introspections du personnage.
Mishima explore des questions existentielles complexes, ici la dualité humaine, avec ses conflits intérieurs entre le désir charnel et les aspirations spirituelles. Les tensions intérieures qu'elle engendre. A travers son personnage et le déchirement entre ses désirs sensuels et sa quête spirituelle pour la transcendance.
Mais aussi des thèmes tels que la vanité humaine, la notion de beauté absolue et l'obsession de celle-ci, la recherche de la perfection.
Une découverte captivante qui invite à méditer sur la nature éphémère de la beauté et sur la fragilité de l'existence.
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LE PAVILLON d' OR de YUKIO MISHIMA
En1950, un des plus beaux temples de Kyoto part en fumée. Sur ce thème Mishima tisse une histoire avec le jeune Mizogushi, élevé dans ce temple de la beauté en opposition avec lui, laid et bègue. C'est grâce à son père, ami du moine en charge du temple, que le jeune garçon peut être novice dans cet endroit improbable pour un campagnard. Beauté, laideur, amour et haine, le roman chemine lentement, tel le sentier qui entoure ce pavillon d'or pour nous amener au point qui permet de le voir se refléter dans l'étang. le roman fourmille d'informations sur le Japon d'après guerre, sur le bouddhisme Zen et la vie au sein des temples.
Oeuvre énigmatique et fascinante, qui va au-delà de la dualité, beauté laideur, je me suis laissé entraîner au rythme lent de Mishima. Pour ceux qui ont eu la chance de voir ce Pavillon d'or reconstruit en 1955, il est impressionnant de voir comment Mishima, par petites touches, le décrit avec une telle précision.
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Comment écririez-vous une estampe japonaise ? J'ai bien dit, écrire. Ce roman extraordinaire dessine, chapitre après chapitre, de véritables images chargées d'émotions et de couleurs raffinées. C'est une oeuvre délicate qui parle de l'âme tourmentée d'un jeune homme abandonné et marginalisé à cause de son bégaiement. Devant le temple d'or, il se consume jusqu'à perdre la raison.
Basée sur une histoire vraie, l'incarnation romanesque de l'acte effroyable de l'incendie de ce temple emblématique de Kyoto donne la chair de poule. Un petit bijou de la littérature japonaise.
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Ce récit nous entraine au coeur de Kyoto dans un temple bouddhiste emprunt de beauté et de spiritualité.

Depuis sa tendre enfance, le Pavillon d'Or représente pour Mizoguchi le paroxysme du beau. Quand son père, un prêtre bouddhiste, l'emmène pour la première fois visiter le temple, il est confronté à une réalité bien différente de ses rêves d'enfant. Déçu par l'aspect esthétique du temple, il conserve un souvenir mitigé du lieu.

A la mort de son père, Mizoguchi va intégrer le Pavillon d'Or comme novice. Il débute sa formation pour devenir religieux comme son père. Son attraction pour le Pavillon d'Or perdure entre répulsion et fascination. Bègue et pauvre depuis son enfance, un souffle de vengeance et de puissance sommeille en lui. Son apprentissage religieux et son amitié avec le bienveillant Tsurukawa ne lui permettent pas d'étouffer les sentiments obscurs qui l'assaillent. Sa cruauté prend peu à peu possession de lui. Jusqu'où cette soif de destruction le conduira-t-il ?

Ce roman étrange laisse un goût indéfinissable. Portée par un esthétisme exacerbé, cette oeuvre parvient à déchiffrer les contrastes de l'âme humaine et toute l'étrangeté du monde. Ce récit ne ressemble à aucun autre et c'est peut-être aussi pour cela qu'il m'a laissé une trace indélébile.
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Le Pavillon d'Or ressemble pour moi au reflet du ciel sur l'eau pâle d'un lac. Ciel bleu, ciel noir ? C'est sans doute entre ces deux couleurs du ciel que le récit oscille et mon sentiment aussi (je vous jure : je n'ai pas fait exprès !).
Je suis entré par enchantement dans ce texte. L'écriture est belle, mais il y a autre chose, une variation, une oscillation, une incantation entre deux pans de la vie, le côté lumière et le côté ombre comme si le chemin de l'existence devait trouver sa cadence dans ces deux versants qui s'opposent.
Il faut se saisir de ce livre avec lenteur lorsqu'on est vraiment disposé à y entrer, c'est-à-dire détaché, éloigné de tous les bruits extérieurs de l'existence.
Les bruits intérieurs, ce sont autre chose, ils nous appartiennent en quelque sorte et je sais par expérience que certaines lectures savent les apaiser.
Yukio Mishima, l'auteur, dont ici c'est ma première incursion dans son univers, s'empare d'un fait divers qui survint dans la nuit du 2 juillet 1950 au cours de laquelle le Pavillon d'Or, temple bouddhiste de Kyoto, datant du quatorzième siècle, fut incendié par un acte criminel. Ce drame qui détruisit ce lieu sacré émut le Japon encore traumatisé par les plaies de la seconde guerre mondiale. Lorsque l'identité du pyromane fut révélée, un jeune moine qui avoua avoir agi par "haine de la beauté", le choc fut encore plus grand...
Nous suivons ce jeune bonze, le narrateur, dans les pas qui vont l'amener à commettre l'insensé. C'est un récit d'apprentissage. Tout est fait pour accueillir cet enfant dans le sérail religieux, mais il est laid, il est bègue, il en souffre, souffre des quolibets et injures de ceux qu'il croise sur son chemin. On pourrait se dire que dans son chemin d'apprentissage, il trouvera de quoi apaiser les tourments de son coeur...
L'obsession de la beauté, et donc celle aussi de la laideur, forme l'ossature du texte. Naître sans beauté, est-ce naître sans grâce ?
La beauté ici fait front à une volonté de sa destruction. C'est tout d'abord la beauté du lieu qui fascine le narrateur lorsqu'il le découvre pour la première fois, les premiers reflets du temple dans l'eau, son or qui brille, ondes chatoyantes, éblouissantes, aveuglantes presque, comme une beauté parfaite et arrogante, qui choque déjà le jeune garçon.
Peut-on éprouver une haine de la beauté au point de vouloir un jour la détruire ? L'humiliation qui ronge un coeur peut-elle à elle seule expliquer cela... ?
Mais la beauté est parfois dans la rencontre d'une jeune femme, sa peau blanche, son corps qui attire le regard fasciné, l'émotion d'un adolescent aux prémices de la vie.
Pêle-mêle, j'ai aimé l'atmosphère du livre, les paysages, les personnages (l'inoubliable Tsurugawa, le compagnon au coeur pur mais aussi Kashiwagi le cynique aux pieds bots), et surtout l'écriture et le style de Mishima qui fait surgir les images dans notre esprit.
Le narrateur cherche pourtant des chemins de traverse. Parce qu'il souffre. Il souffre du regard méprisant des jeunes filles. Comment ne pas se sentir brusquement effroyablement lourds face à la beauté qui surgit dans le paysage ? Comment prendre la vie à revers ?
Contre toute attente, il devient sans cesse un coeur impatient de retrouver le Pavillon d'Or lorsque ses pas l'en éloignent. Allez comprendre...
Pour autant, à aucun instant j'ai ressenti de l'empathie pour ce jeune moine dans sa souffrance. Je crois que l'auteur n'y tenait pas et cette distance dans laquelle il nous tient vis-à-vis de son personnage est sans doute la meilleure manière d'apprécier le récit dans toute son ambivalence.
La beauté, l'inutile beauté, est là, au coeur du récit, faisant peu à peu son ravage dans le coeur du narrateur, le perçant comme une vrille. Entre fascination et répulsion.
Ce roman est aussi un murmure de bruits et d'images. le grincement d'une balançoire. le bruissement des bambous. La douceur des chrysanthèmes. L'imminence de la mer...
Les deux amis du narrateur ont aussi de l'importance, entre le sage Tsurukawa et le cynique Kashiwagi. C'est un peu comme si l'un était sa bonne conscience, l'autre sa mauvaise, oscillant de l'une à l'autre comme le balancier d'un pendule. On pense forcément au Ying et au Yang. La fascination du narrateur pour ce personnage insensible qu'est Kashiwagi nous sidère forcément, la beauté s'est détournée de lui depuis longtemps et tout semble lui réussir, le désir, les femmes...
Les pages viennent, se déplient, érotiques parfois dans l'effleurement des mots. L'échancrure d'un kimono, le crissement de la soie qui s'ouvre, la blancheur d'une peau nue dans l'entrebâillement du tissu. le texte à certains endroits est d'un chavirement érotique capable de créer des émois chez le lecteur qui je suis. Vous me direz... Mais non, vous ne me direz rien... Laissez-moi savourer ce que l'écrit peut encore suggérer avec tant d'audace et d'extase alors que l'image est là pour tout gâcher...
Au rythme de cette déambulation tendue vers le geste fatal qui dicte les pas de notre narrateur, le Pavillon d'Or surgit dans l'absolu de son éternité, dresse son architecture, cristallise cet obstacle qui se met sans cesse sur sa route, entre lui et la vie, la vie qu'il pourrait cueillir à gorges déployées.
Le Pavillon d'Or, ce monument, qui impose sa stature impressionnante, est un personnage à part entière, qui tient du mystique et du vivant.
La permission devient alors consentement. Ce qui semblait interdit au narrateur devient alors une manière de s'accomplir dans l'incandescence d'un geste presque ordinaire, celui de gratter une allumette...
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