Personne ne répond jamais aux questions qui vous tiennent à coeur.
Je crois qu'on entend encore dans les entrées d'immeubles l'écho des pas de ceux qui avaient l'habitude de les traverser et qui, depuis, ont disparu.
Drôles de gens. De ceux qui ne laissent sur leur passage qu'une buée vite dissipée. Nous nous entretenions souvent avec Hutte de ces êtres dont les traces se perdent. Ils surgissent un beau jour du néant et y retournent après avoir brillé de quelques paillettes.
Une petite fille rentre de la plage, au crépuscule, avec sa mère. Elle pleure pour rien, parce qu'elle aurait voulu continuer de jouer. Elle s'éloigne. Elle a déjà tourné le coin de la rue, et nos vies ne sont elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d'enfant? (p.251, fin du livre).
Une vieille petite gare, jaune et gris,avec, de chaque côté des barrières de ciment ouvragé, et derrière ces barrières, la quai où je suis descendu de la micheline.
la place de la gare serait déserte si un enfant ne faisait du patin à rouletts sous les arbres du terre-plein.
Moi aussi j'ai joué là, il y a longtemps, pensai-je.
Une petite fille rentre de la plage, au crépuscule, avec sa mère. Elle pleure pour rien, parce qu'elle aurait voulu continuer de jouer. Elle s'éloigne. Elle a déjà tourné le coin de la rue, et nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d'enfant?
Je ne suis rien. Rien qu'une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d'un café. J'attendais que la pluie s'arrêtât, une averse qui avait commencé de tomber au moment où Hutte me quittait.
Je n'entendis d'abord que les sonneries brèves et répétées qui annoncent que la ligne est occupée. Et puis, dans l'intervalle des sonneries, je distinguai des voix d'hommes et de femmes qui se lançaient des appels : - Maurice et Josy voudraient que René téléphone... - Lucien attend Jeannot rue de la Convention... - Mme du Barry cherche partenaire... - Alcibiade est seul ce soir...
Des dialogues s'ébauchaient, des voix se cherchaient les unes les autres en dépit des sonneries qui les étouffaient régulièrement. Et tous ces êtres sans visages tentaient d'échanger entre eux un numéro de téléphone, un mot de passe dans l'espoir de quelque rencontre. Je finis par entendre une voix plus lointaine que les autres qui répétait :
- "Cavalier bleu" est libre ce soir... "Cavalier bleu" est libre ce soir... Donnez numéro de téléphone... Donnez numéro de téléphone...
Chapitre XX, p. 123-124, nrf.
[ Incipit ]
Je ne suis rien. Rien qu'une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d'un café. J'attendais que la pluie s’arrêtât, une averse qui avait commencé de tomber au moment où Hutte me quittait.
Quelques heures auparavant, nous nous étions retrouvés pour la dernière fois dans les locaux de l'Agence. Hutte se tenait derrière le bureau massif, comme d'habitude, mais gardait son manteau, de sorte qu'on avait vraiment l'impression d'un départ. J'étais assis en face de lui, sur le fauteuil de cuir réservé aux clients. La lampe d'opaline répandait une lumière vive qui m'éblouissait.
- Eh bien voilà, Guy... C'est fini..., a dit Hutte dans un soupir.
Un dossier traînait sur le bureau. Peut-être celui du petit homme brun au regard effaré et au visage bouffi, qui nous avait chargé de suivre sa femme. L'après-midi, elle allait rejoindre un autre petit homme brun au visage bouffi, dans un hôtel meublé de la rue Vital, voisine de l'avenue Paul-Doumer.
Vous aviez raison de me dire que dans la vie, ce n'est pas l'avenir qui compte, c'est le passé.