Un
Prix Nobel, forcément, cela donne envie de s'intéresser à l'oeuvre de l'auteur ainsi mis en lumière. Donc on s'intéresse à l'histoire de l'homme devenu célèbre, racontée par lui-même en 2005, et qui se consacre à ses vingt premières années.
Voici une autobiographie assez désabusée, qui tente de rendre compte du passé selon une chronologie scrupuleuse (quoique assez fatigante à la fin) de 1945 à 1967. Dommage qu'il n'ait pas poussé jusqu'à 68, on aurait aimé savoir comment il a vécu ces moments-là.
Modiano est donc fils d'un juif et d'une flamande mais ce ne sont pas ses origines qui nous intéressent le plus. Il est surtout le fils de gens désargentés mais vivant dans un contexte bourgeois-bohème avant l'heure, de préférence dans des quartiers « branchés » comme
Saint-Germain des Prés, aux activités artistiques pour la mère, comédienne à la modeste carrière, activités plus énigmatiques et pas forcément légales pour le père, présenté comme « affairiste » et dont on soupçonne qu'il prend des libertés avec la loi. D'ailleurs, gravitent autour de ces deux-là authentiques mauvais garçons et vrais voyous, gens du spectacle et amis généreux qui les « soutiennent ». Car le propre de leur mode de vie c'est de dépenser un argent qu'ils n'ont pas, d'hôtel en maisons amies, de restaurants chics en périodes de disette.
Rien de tout cela ne serait très grave si le jeune Patrick n'avait constamment la certitude non seulement de ne pas intéresser ses parents mais d'être celui qui gêne. D'où cette de jeunesse entre nourrices, pensionnats, internats, vacances chez les copains, toujours aussi éloigné que possible de parents qui ne l'aiment pas, ne s'intéressent pas à lui sauf quand il est question de lui imposer la loi paternelle. Nous sommes avant 68, on n'est majeur qu'à 21 ans et même parvenu à cet âge, on est encore sous la coupe paternelle tant qu'on n'a pas l'indépendance financière.
On est navré pour
Modiano d'
une jeunesse si sèche et si pauvre d'amour, heureux de le voir prendre la route et trouver son indépendance, fier (à la place de ses parents) de le voir écrire très jeune son premier livre et devenir – enfin – indépendant. Un chemin difficile mais qui, probablement, l'aura aidé d'une manière ou d'une autre. Pas de quoi tout de même dire « merci papa, merci maman » !