Lire le monstrueux ouvrage de
Yann Moix, ce pavé dans la marre de la rentrée littéraire, m'a demandé une véritable préparation. Parce que je n'avais jamais lu monsieur
Moix et que je le détestais par principe. Tout en cet homme m'était insupportable. Il suffisait qu'il apparaisse au coin d'un article ou sur mon écran, pour qu'enfle en moi un agacement titanesque.
Il a donc fallu que j'accepte de me livrer à ma lecture en mettant de côté mes sentiments personnels. Lire franchement donc, pour que seule l'oeuvre me préoccupe. Il m'aura fallu une dizaine de jours pour arriver à bout de ma lecture. Et voilà. Je me retrouve devant mon écran et il faut que je garde ma franchise pour essayer de partager mon point de vu sur
Naissance.
Non, pour moi
Naissance n'est pas un chef d'oeuvre, et non, je ne fais toujours pas parti des admirateurs de monsieur
Moix. Mais je ne le déteste plus.
Dans son ouvrage, l'auteur nous offre toute sa démesure et tente de créer un monument littéraire en free-style. Je le reconnais,
Moix a du talent. Dommage qu'il s'en serve mal. Ce qu'il nous sert ici, c'est du vomi de fin lettré. Il a donc du talent mais il semble tourner en rond dans sa névrose sans que ses diatribes donnent
naissance à autre chose qu'à des jeux de mots. le livre d'un lecteur cultivé qui nous livre tout ce qu'il a digéré.
Il manque une théorie au livre, une fondation, un objectif.
Moix semble seulement adopter les ruptures littéraires qu'il a retenues. le Nouveau Roman déjà, qui a voulu déconstruire le genre romanesque. Mais là où
Butor a admirablement tordu, malmené et déconstruit le roman,
Moix tente de tout détruire, il ne laisse rien. C'est jeter la littérature avec la boue de la tradition littéraire. Et lorsque l'auteur joue avec les mots, les énonciations, l'argot, le vocabulaire, la langue, il a la verve facile, certes, mais surtout la verve veine. Même son nihilisme sent le renfermé.
Monsieur
Moix tente de construire une cathédrale sur du sable. Même sa volonté de ne pas être aimé (alors qu'on sent à quel point il voudrait le contraire) retombe sans panache. N'est pas Nabe qui veut. Pour cela il ne suffit pas d'aimer le Jazz et la provocation.
Naissance a, pour moi, pris la forme de préliminaires interminables qui tournent autours de l'orgasme sans jamais m'y amener. L'éloge ultime de la frustration littéraire. Une masturbation sans éjaculation.
Et pourtant, à cause ou grâce à cette lecture, je ne déteste plus
Yann Moix. Comme je l'ai déjà, je reconnais enfin qu'il a du talent. Mais plus que cela, j'ai entrevu son humanité. Et comment haïr ce que l'on parvient à comprendre ? Car ce que je vais retenir de
Naissance, c'est l'ego boursouflé et abîmé de son auteur. C'est sa névrose talentueuse qui n'a pas su aller au bout de son Art. Et je comprends. Je comprends cette haine de soi, et cet ego rendu monstrueusement important par le renflement de cicatrices trop nombreuses. Je comprends sa haine de l'époque et des autres. Je comprends son amour pour la littérature qui est finalement son seul instinct de survie.
Alors bien que je ne puisse pas adhérer à l'oeuvre que je viens de lire, je suis contente que cette dernière ait obtenu le prix Renaudot. Parce que l'empathie a presque totalement remplacé mon agacement. Ce n'est pas lui-même que
Moix aime, c'est sa haine de soi. Il idolâtre cette dernière, la porte aux nues, la nourrie de musique et de littérature.
Que ce prix le console de ne pas être plus. de ne pas avoir choisi de vivre au lieu de mourir sans cesse. Et lui permette d'enfin de se créer une
naissance par la recon
naissance. Ainsi, un jour peut-être, l'oeuvre de monsieur
Moix sera à la hauteur de son intelligence et de sa souffrance. Il se pourrait alors que je fasse partie des ses plus fervents admirateurs.
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