L'Avare de
Molière ! Oh comme cela sonne déjà à merveille ! une comédie adaptée, étudiée, appréciée et qui n'a jamais perdu de son charme.
Le sujet du vieillard avare est sans doute l'un des favoris pour les dramaturges d'autrefois et même pour les romanciers. Un sujet que des contemporains de
Molière ont eux aussi traité. Par ailleurs, on dit que pour créer sa pièce,
Molière s'est inspiré d'une comédie de
Plaute intitulée «
La marmite ». Cela n'est pas faux surtout lorsqu'on constate la ressemblance entre certaines scènes et surtout le monologue très célèbre d'Harpagon. Néanmoins, il faut préciser qu'il existe des différences capitales. le genre des deux comédies est différent, l'une étant une comédie d'intrigue alors que l'autre, celle de
Molière, est une comédie de caractère et de moeurs ; en plus, Harpagon est avare par choix et attitude personnels, tandis qu'Euclion l'est devenu par pur hasard, de peur de perdre un trésor inattendu.
A vrai dire, nous sommes loin des comédies où l'on rit de bon coeur, ce rire aux éclats comme nous a habitués
Molière. Ici l'affaire est sérieuse ; le sujet est plutôt sombre. Ce vieillard hantée par l'argent, par la possession - et cela apparait dans ses répliques où
Molière a minutieusement choisi les mots et le champ lexical adéquat – qui mène sa vie et ses fils avec tyrannie vivant dans la misère et le calcul.
Molière a fait preuve d'une maîtrise parfaite dans la création de ce personnage même dans ses manies, ses gestes et son discours. Bien évidemment, nous ne sommes pas loin de la trame classique des amours contrariées des jeunes gens par un vieillard, et en même temps, on retrouve derechef ce dénouement moliéresque tant critiqué et qui contraste avec le reste de la pièce par ses solutions tirées par les cheveux. Mais, il faut noter aussi qu'en plus de la critique de ce caractère maladif, on trouve une critique des moeurs de son temps où la pratique de l'usure était courante (rappelons-nous le Shylock de
Shakespeare), où l'argent et le calcul pragmatique gouvernaient les mariages et où les jeunes mènent une vie sans scrupule.
En somme, je crois que cette comédie, par sa gravité, lui manquait peut-être l'écriture en vers pour atteindre la grandeur du Misanthrope ou
l'Ecole des femmes ; mais cela ne la prive pas pour autant de sa profondeur.