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Critique de karmax211


Dans - le goût des autres - ce superbe film d'Agnès Jaoui, Castella-Bacri, homme frust(r)e aux entournures, tombe amoureux de - Bérénice - la pièce de Jean Racine, et de son interprète.
Pourquoi initier cette critique ainsi ?
Parce que je suis persuadé que les chefs-d'oeuvre en littérature, et le théâtre est littérature, les chefs-d'oeuvre ne s'empoussièrent pas avec le temps, ne se naphtalinent pas au prétexte que les temps et leurs codes ( terme générique ) changent.
Ainsi lis-je avec autant d'intérêt et d'émotion des pièces de Sophocle, d'Aristophane, de Corneille, de Racine, de Baumarchais, de Dumas, d'Hugo, de Rostand, de Guitry, de Giraudoux, de Camus, de Sartre, de Tchekhov, de Gogol, de Gorki, de Shakespeare ( j'ai une véritable passion pour Macbeth ), de Tennessee Williams, de Miller, de Brecht, de Beckett, de Ionesco, de Pinter, de Yasmina Reza, de Nathalie Sarraute, d'Ariel Dorfman, de Christopher Hampton...o.k. o.k o.k o.k comme dirait Jonasz...
J'ai vu 100 fois, j'exagère... plutôt 99..., la trilogie de Pagnol - Marius - - Fanny - - César - ( pas au théâtre, hélas ! )... et je ne m'en lasse pas.
Donc, retrouver Alceste le plus droit, le plus loyal, le plus honnête et le plus rigoureux des hommes qui, dans sa vertu paroxystique, hait un monde qui est tout son contraire, un monde d'apparences, de mensonges, de fourberies, de trahisons, de compromissions et de lâchetés, c'est se confronter à une comédie de moeurs qui, si elle a troqué des rubans contre des dreadlocks, des perruques contre des implants capillaires, la céruse contre le botox, reste notre quotidien.
Ce petit salon dans lequel évoluent Célimène la coquette médisante, Arsinoé son amie et rivale faussement prude et authentiquement jalouse, Éliante sa cousine bonne et vertueuse, Philinte, l'ami dévoué d'Alceste, homme qui oppose à la misanthropie de ce dernier une antonymie qui pourrait s'apparenter à la philanthropie si elle n'était pas nimbée d'un peu trop d'indulgence et de complaisance, les petits marquis que sont Oronte "le poète" vers de terre peu reluisant, oisif dont la seule gloire est d'être de ceux qui assistent matin et soir au lever et au coucher du Roi Soleil assis sur son trône d'aisance, Acaste et Clitandre tous deux aussi superficiels qu'inutiles, ce salon n'est-il pas l'allégorie d'un monde qui, si quelques-unes de ses formes ont changé, a pour autant maladivement gardé le même fond tout autant gangrené par le côté sombre, malsain et équivoque de l'humaine nature ?
Alceste notre misanthrope a donc un talon d'Achille qui se nomme Célimène, dont il est jalousement et atrabilairement épris. Arsinoé et Éliante sont amoureuses de cet homme inflexiblement grincheux. Philinte aime Éliante et nos trois marquis se disputent les faveurs de la belle Célimène.
C'était un petit rappel pour ceux qui auraient oublié ( je n'y crois pas mais dans le doute...) ou un court résumé pour ceux qui ne connaissent pas encore la pièce... il y en a chez les jeunes lecteurs... et chez les moins jeunes.
Naturellement, pour savoir comment se dénouera l'intrigue, je vous invite à lire ce chef-d'oeuvre de Molière dont je reste persuadé qu'il continue de nous parler, de nous interroger, de nous instruire... et moi de m'émouvoir...
À titre d'exemple, prenons la scène du sonnet. Combien vois-je autour de moi sur les réseaux sociaux, agitant leurs grelots de postulants à la Pléiade ou à l'Académie, d'Oronte 2.0 ?
Savez-vous qu'il y a en France aujourd'hui plus " d'auteurs " que de lecteurs ?
Qu'en aurait pensé Molière ?
Et ces nouveaux génies de la littérature, pareils au petit marquis, ne doutent pas un seul instant de leur talent... et gare s'il se trouve un Alceste pour nuancer leurs certitudes ! Comme lui, il sera mis au ban et contraint à l'exil...
Non, le monde est bien resté ce qu'il était au temps où Jean-Baptiste Poquelin le tartuffait.
L'homme est un animal culturel complexe, écartelé entre son aspiration à la vérité incarnée par Alceste, ses vanités dont Oronte nous est une figure familière, son désir de plaire que Célimène nous renvoie à travers un miroir où nous nous mirons souvent, sa quête de l'absolu, de l'inaccessible dont la douce Éliante à la manière d'un Don Quichotte nous murmure qu'elle devrait être notre essentiel.
Mais au mieux, pouvons-nous nous estimer satisfaits lorsque nous parvenons â être des Philinte, des hommes honnêtes.
Pour conclure et pour étayer mon long propos, un quatrain dodécasyllabique que j'ai écrit avec la plume d'Oronte et la lucidité d'Alceste.
ÉCRIVAILLEURS

Tu écris, il ou elle écrit, nous écrivons
Imbus et convaincus de posséder le don
Mais de tous ces mots sans honneur qui sont légion
Sache que le dernier reviendra au pilon...

Lisez ou relisez Molière, ça fait le plus grand bien !

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