Pour elle, ce papa avait été un ange du ciel. Qu'importaient les larmes de sa mère qu'elle n'avait jamais vues ou les passe-droits qu'elle avait eu au détriment des autres. Son père, c'était de l'or en barre. Le cœur sur la main, il était prêt à tout... pour lle. Le seul fait de le voir épuisé, lui si fort, si à l'épreuve de tout, la peinait. Elle l'avait vu amaigri, les traits tirés, déprimé et malheureux, et le fait d'apprendre que sa mère était en cause lui mettait le cœur en pièces.
Elle préférait lire ou tricoter, tout en regardant n'importe quoi en pitonnant. Elle avait encore en mémoire l'unique fois où, au cinéma, devant le film Love Story, il s'était levé pour aller l'attendre au fumoir. A la fin du film, alors qu'elle avait les yeux rougis par l'émotion, il lui avait lancé: «Toujours la larme à l'œil, toi. Pour des niaiseries. Pleurer pour ces mélodrames en public, ça ne fait pas sérieux. Ce n'est qu'un jeu, du cinéma, Solange.» Et pourtant, dans ce film,la jeune héroïne vivait le même drame, livrait le même combat que, sans le savoir, il allait affronter beaucoup plus tard. Un jour. Maintenant.
À quarante-cinq ans, l'âge où l'homme se bat entre les cheveux noirs et les cheveux gris qui surgissent, Robert Landreau avait été l'amant d'une fille d'un an plus jeune que son aînée. Premier emploi, dix-sept ans, inconsciente, la frêle enfant avait succombé au charme du quadragénaire. Pour quelques mois seulement, jusqu'à ce qu'elle apprenne que le patron avait une autre flamme. Elle avait quitté son emploi en larmes. Sans chercher à nuire à l'homme qu'elle avait aimé. Sans rien dire à personne, sans même savoir, au grand soulagement de Robert, que l'aventure était en fait ce qu'on appelle, un détournement de mineure.
Laisse-moi aller jusqu'au bout, laisse-moi vider ce que j'ai sur le cœur depuis tant d'années. Une seule fois, la première et la dernière. Rends-moi ma paix, laisse la peine qui m'étrangle sortir de ma gorge pour que je m'en libère. Si tu savais comme je l'ai aimé «ton monstre» que je serrais sur mon cœur comme un ange. Quand il est mort, cinq jours plus tard, et que je te l'ai appris par téléphone, j'ai perçu au bout du fil, un soupir de soulagement.
Tu as pris son enfance, son adolescence, mais tu n'allais pas prendre sa vie de femme. Elle a compris qu'elle t'avait tout consacré, qu'elle t'avait obéi à la lettre, qu'elle avait été asservie. Si bien que tu as même réussi un certain temps à en faire ta complice dans tes relations avec les femmes. Elle t'aimait, elle
te respectait, mais dans son cœur, elle désapprouvait ta conduite et ton arrogance envers moi.
On aurait désiré lui adresser des mots aussi puissants que ceux qu'elle nous a transmis. Peine perdue. Comme toutes celles qui nous quittent trop tôt, la voix et la présence d?Hélène Monette manqueront à l?appel.
Nous souhaitons qu?exprimés à travers les voix de poétesses, de celles qui l?ont lue, la lisent ou la liront, ses mots résonnent dans toutes les chambres à coucher, dans les rues, dans les mémoires. Qu'ils soient forces et résistances pour toutes les femmes qui écrivent, qui pensent, qui luttent.
La soirée prendra la forme d'un cabaret de lectures de textes d'Hélène Monette. Vous y êtes convié.e.s pour 19h. Elle sera suivie d'une rencontre plus libre dans un lieu à déterminer.
Avec des lectures de :
Martine Audet, Nicole Brossard, Catherine Cormier-Larose, Carole David, Gabrielle Giasson-Dulude, Valérie Lefebvre-Faucher, Lili Monette-Crépô, Chloé Savoie-Bernard, Caroline Scott, France Théoret, Élise Turcotte, Nathalie Watteyne.
Animation : Marie-Ève Blais
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