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Critique de lanard


lanard
03 septembre 2010
Adrienne Monnier ; je l'imaginais une sorte de bigote de la littérature. Cette lecture conforte cette vision tout en la tempérant. Bigotte, sans aucun doute, mais grande catéchèse érudite, Adrienne Monnier fut certainement une grande libraire et je comprend pourquoi elle figure en belle place dans l'Éloge de la librairie de Baptiste-Marey. En témoigne la troisième partie de l'ouvrage qui recueille les écrits où elle expose sa conception de la librairie (qui était en même temps une bibliothèque de prêt, un cabinet de lecture) et sa défense du livre pauvre (nous dirions aujourd'hui du livre de poche) comme vulgarisateur des textes classiques).
Passons le côté bonne soeur de la littérature et ses façons quasi-mystiques ; droguée de bonne heure au symbolisme, inconditionnelle de Maeterlinck (elle vit Pelléas et Mélisande à l'âge de 10 ans et ce souvenir émerveillé lui donna envie, adolescente de lire ses livres) ; elle lit dans les lignes de la main (de ses grands auteurs, qu'elle rencontre dans sa librairie) ; voici son jugement sur la Théorie plastique de l'androgyne de Péladan : "Encore un écrit ravageur, qui n'a peut-être pas cessé ses ravages. J'en fut personnellement impressionnée au suprême degré, au degré qui me fit mépriser ma forme féminine et comprimer mes seins, comme une religieuse ou comme une amazone." (p. 46 in le Mercure vu par un enfant, 1946).
Une galerie de Portraits d'écrivains : Alfred Valette le directeur du Mercure de France, Léon Paul Fargue, Gide, André Breton, Léautaud, Paul Valéry, Apollinaire, Walter Benjamin, Valéry Larbaud, Becket, Joyce (curieusement, pas grand chose sur Joyce, malgré un long passage sur l'histoire de la traduction d'Ulysses), Hemingway en coup de vent. Enfin, on jubile en découvrant cet étonnant personnage de la scène littéraire que fut, Raymonde Linossier, morte trop tôt sans doute, auteur de Bibi-la-bibiste.
J'allais oublier Sylvia Beach, fondatrice de la librairie Shakespeare and Co.

Un point intéressant : les différentes accusations de copinage, les haines qu'elle s'attira; sa librairie semblait donner le ton de ce que devait être la littérature. Des haines et des rancunes littéraires se sont focalisées sur cette libraire aimée de quelques unes des gloires montantes de la littérature. Tantôt, on attribue son succès à ses amitiés avec des écrivains qui jouent dans la cour des grands (Cf. p. 38) : "Beaucoup de gens croient que, lorsque je me suis établie, j'avais déjà autour de moi un groupe d'amis, groupe qui m'aurait influencée à prendre telle direction plutôt qu'une autre, qui aurait fait de ma maison, par exemple, une petite chapelle attenant à la Nouvelle revue française. Ce genre d'accusation m'a souvent été adressé (Oui, pour certains, c'était une accusation)". Tantôt, on l'accuse d'avoir été le "véritable guide" de René Lalou auteur d'une Histoire de la littérature française contemporaine et d'avoir contribué à dévoyer la question du littéraire en affaire de copinage (voir sa réponse à son accusateur Edouard Dujardin, p. 239).
Une dernière précision, Adrienne Monnier n'était pas une bourgeoise ; originaire d'un milieu humble mais plein de bonne volonté culturelle, la libraire de la rue de l'Odéon s'est taillée une place originale dans le champ littéraire. Osons cette comparaison; cette grande dévote des lettres fût en quelque sorte la Madame Guyon de la littérature du XXème siècle.

On peut lire en introduction de ce livre des textes de Paul Claudel, Saint-John Perse, Jacques Prévert, S.M. Einsenstein, Michel Cournot, Pascal Pia, Yves Bonnefoy.
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