Exemple parmi beaucoup d'autres de l'Histoire comme récit qui oublie les femmes, celui de la visibilité du volontariat international féminin dans la guerre d'Espagne, puis la Seconde guerre mondiale, à travers le parcours d'une Suissesse extraordinaire Élisabeth Eidenbenz (1913- 2011 ).
Institutrice et infirmière, elle est âgée d'une vingtaine d'années lorsqu'elle rejoint l'Asociación de Ayuda a los Niños en Guerra (Association d'aide aux enfants en guerre), part en Espagne en 1937 afin de venir en aide aux enfants et aux femmes en plein coeur de la guerre civile.
Rentrée en France, et atterrée par le sort des réfugiés républicains entassés dans les camps où les gens tombent comme des mouches et par le taux très élevé de mortalité des enfants, elle dirige la maternité suisse d'Elne.
Entre 1939 et 1944, 597 enfants de 22 nationalités vont naître dans ce havre de paix, de réfugiées espagnoles, juives, tziganes grâce au courage et à l'abnégation des équipes et aux dons venus d'Europe. La Maternité célèbre la vie, et redonne force et courage à des femmes désespérées.
Associée à l'Oeuvre suisse d'entraide ouvrière , la Maternité doit se plier à une politique de neutralité et ne doit pas accueillir des réfugiés politiques, ou juifs. Surveillée par la Gestapo et la Gendarmerie, l'equipe de la Maternité tente de contourner les règles, mettant en péril leur vie, et la survie de l'établissement, fermé par les Allemands en 1944.
L'universitaire Assumpta Montellà a tissé des liens avec Élisabeth Eidenbenz, décédée en 2011 -qui rédige la préface de l'ouvrage et s'étonne de l'attention et de l'admiration qu'elle suscite- ainsi qu'avec des parturientes qui se remémorent leur séjour dans la Maternité.
Avec La Maternidad de Elna, elle donne donc la parole aux femmes qui purent sortir des camps pendant quelques semaines pour accoucher dans des conditions décentes et se reposer avant d'y repartir (certains bébés n'y survivront pas) ainsi qu'aux enfants aujourd'hui septuagénaires qui naquirent à Elne, entre 1939 et 1944. Ce n'est pas un ouvrage universitaire austère mais un livre de témoignages spontanés, de paroles recueillies, de photographies.
Élisabeth Eidenbenz poursuivit courageusement sa mission, malgré les embûches, les restrictions, et souvent l'absurdité cruelle de certaines situations.
Elle se désolait de prendre soin d'enfants qui allaient de nouveau connaître la faim, le froid, et aussi la déportation en Allemagne. Elle devait parfois laisser la Gestapo capturer des femmes pour en sauver d'autres.
Certains récits sont glaçants.
Des Espagnoles cachaient les enfants juifs dénutris sous leurs jupes quand les Allemands venaient les chercher. Certaines se souviennent encore de Lucie, jeune mère juive ayant accouché d'un enfant mort-né qui était restée pour donner le sein aux enfants que leurs mères trop faibles ou trop maigres ne pouvaient nourrir. Lorsque la Gestapo vient l'arrêter en 1943, Lucie s'enfuit. Quand elle vit que les Allemands emmenaient Élisabeth Eidenbenz à sa place, elle se rendit, pour la sauver et préserver la Maternité.
Dédié au bébé anonyme mort de faim et enterré sous le sable du camp d'Argelès, La Maternidad de Elna rend hommage à une belle figure de Résistance et de générosité, qui permit à 597 enfants de naître dans des conditions décentes, vint en aide aux enfants malades et organisa un système d'aide humanitaire dans différents camps de concentration.Souvenons-nous de toutes ces femmes bénévoles, ces infirmières venues d'Europe pour aider les plus fragiles, comme les “mamàs belgues ” originaires d'Anvers et de Bruxelles, et dont certaines payèrent leur engagement de leur vie.
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«Había una madre que no tenía leche y el niño lloraba de hambre día y noche. Cuando se agotaba de tanto llorar, se dormía y ella le daba calor con su cuerpo. Cuando salía el sol, enterraba al bebé en la arena hasta que le dejaba fuera sólo la cabecita. La arena le servía de manta. Pero al cabo de unos días el niño se murió de frío y de hambre. Yo estaba embarazada y con sólo pensar que mi hijo nacería en aquel infierno me desesperaba.»