Je suis une des dernières personnes qui ont vu Yann Doutreleau vivant.
Récit de Daniel Sanz, quarante-huit ans, chauffeur routier
Toute une tripotée de gosses. Et qui lèvent les bras en l'air :
-Arrêtez-vous ! Arrêtez-vous !
Vous les auriez vus, tous la bouche ouverte. Pas la peine de savoir lire sur les lèvres comme les sourds-muets. C'était clair, ce qu'ils voulaient : monter dans mon camion.
J'avais jamais vu de Noirs en vrai avant. Eh bien si on me demande, à l'avenir, je dirai qu'y sont pas plus méchants que les autres.
L'idée m'est venue que cet enfant n'était pas réel, qu'il sortait tout droit d'un conte. Que j'avais droit d'y entrer pour un instant. Qu'il voulait bien m'y accepter. A condition bien sûr que je cesse de poser des questions idiotes.
L'idée m'est venue que cet enfant n'était pas réel, qu'il sortait tout droit d'un conte. Que j'avais le droit d'y entrer pour un instant. Qu'il voulait bien m'y accepter. À condition bien sûr que je cesse de poser des questions idiotes.
Me dites pas, avec le nombre de chemins qui existent, de routes, d'autoroutes et le reste, on se demande pourquoi ils éprouvent le besoin de marcher là. Mais je commence à avoir mon idée. Ils marchent là : une, parce que c'est tout droit, et deux, parce que au bout il y a toujours une gare. Ca leur fait deux certitudes et ça repose. En général, c'est des personnes seules. Ca va tête baissée, à broyer du noir. Enfin je suppose. Quand on marche tout seul le long d'une voie ferrée, c'est pour quoi faire, si c'est pas pour broyer du noir ?
Lu en Août 2019
Livre séparé en deux parties. Histoire composée de plusieurs récits juxtaposés chronologiquement. Avant chaque, il y a une introduction dévoilant le nom du personnage, son âge et son statut. Ce sont les paroles des différents personnages face à la gendarmerie. L'histoire est tissée mais avec la version personnelle de chacun. Le lecteur retrouve la façon de parler et les expressions propres de chacun. La différence est remarquable entre Marthe, la mère de Yann et Nathalie sa maîtresse.
La première partie nous parle de la fugue des sept enfants (Yann et ses trois paires de frères jumeaux) et la deuxième de la recherche. Des personnages livrent des récits dans les deux parties. Yann est le cerveau de la bande.
C'est la version du Petit Poucet (d'ailleurs, la famille vit chez les Perrault) contemporaine et en France. Le récit traite de la différence d'éducation, de langage, des jumeaux mais également le racisme (envers les manouches et les noirs) et les actions qui en découlent. Yann joue de sa taille pour parvenir à son but, une compensation du handicap.
Malgré le titre, cela n'a pas de rapport avec l'océan, c'est juste leur destination mais l'action ne se déroule pas près de ce milieu.
La musique était tellement triste qu'on a fini par l'arrêter. Et pourtant elle me plaisait un peu quand-même, c'était bizarre. J'ai regardé sur le boîtier du CD. Ça s'appelait "suites pour violoncelle", et le musicien c'était Bach. Il y a des gens qui écoutent de drôles de trucs.
Qu'est-ce qu'y nous reproche à la fin ? Je l'ai mis au monde tout pareil que les autres. C'est ma faute s'il est arrivé tout seul ? Et gros comme un poing ? Après ses frères qui sortaient par deux et qui faisaient leurs huit bonnes livres l'unité, je me suis pas sentie le faire. C'est comme si j'avais pondu un œuf, parole !
Première partie, récit de Marthe Doutreleau, quarante ans, mère de Yann
Je ne l'ai pas compris ou je n'ai pas voulu le comprendre. Je me suis dit qu'on verrait ça plus tard, que cela faisait partie des choses que l'on peut remettre au lendemain. Mais il n'y a pas eu de lendemain.