Le premier amour de
Sándor Márai, auteur hongrois, met en scène un professeur de latin de 54 ans de province, en fin de carrière. Gáspár, surnommé «le Morse» par ses étudiants, raconte dans son journal intime ses journées. L'écriture lui permet de décrire la nature, d'exprimer ses émotions, de meubler son silence, d'apaiser sa souffrance intérieure, d'aller à la rencontre de l'incommensurable vide de son existence. Dans la première partie, il relate ses journées dans une vieille station thermale à Tátra, à 3 heures de train rapide de la ville de Z*, l'endroit où il vit. Il se retrouve dans ce lieu car il a besoin de se reposer puisqu' il est fatigué et un rien l'énerve. Il rencontre un autre résident, Timár, qui lui recommande d'aimer quelqu'un pour trouver un sens à son existence…
Il faut aimer quelqu'un, a-t-il repris plus tard de sa voix éraillée, sur un ton presque confidentiel, comme pour lui-même. Chaque existence se fracasse au moins une fois. Oui, chaque vie. Il faut oser aimer quelqu'un pour éviter ça, sinon, rien ne vaut la peine d'être vécu. Aimer les femmes, c'est ce qui nous est donné de plus simple. (p. 93)
Dans la seconde partie, le professeur retourne chez lui et il décrit le quotidien de sa classe, le vieillissement de sa gouvernante, la solitude qu'il ressent dans la petite ville malgré la présence de ses collègues et des autres villageois. Il attend quelque chose, quelqu'un, mais quoi, mais qui? Est-ce la mort? Il ne le sait pas. Peu à peu, il apparaît obsédé par une élève, Cserey, au point tel qu'il devient méchant avec un autre élève de son groupe, le petit ami de la belle étudiante. Son amour pour sa jeune élève est son premier, le seul, celui qui le fait souffrir, celui qui lui permet de trouver un sens à sa vie. C'est un amour atypique, un amour inaccessible, un amour irréaliste, un amour qui ne peut voir le jour.
Timár avait raison : il faut aimer quelqu'un- cette expression est peut-être trop forte, il suffit de trouver quelqu'un de suffisamment sympathique pour donner soudain plus de sens au quotidien. Cette sensation de vide, si lourde, si pénible, a disparu. le matin, je me réveille de bonne humeur, je sens que la journée a un but, comme s'il fallait régler une affaire ou comme si on avait la perspective d'une visite agréable.
Je suis content quand je vois Cserey. (p. 232)
J'ai bien aimé cette histoire d'un homme mûr découvrant l'amour pour la première fois. C'est triste, c'est déroutant, c'est dérangeant car cet amour se transforme en passion démesurée.
De plus, j'ai été un peu bouleversée par l'attente associée à l'espoir pour le narrateur. Cette attente s'avère présente pour contrecarrer la mort qui se profile au bout du chemin. Progressivement, l'espoir engendré par cette attente amène le professeur de latin à basculer dans la folie. La fin du roman apparaît dérangeante puisqu'elle laisse toute la liberté au lecteur de l'imaginer.
Je suis bien heureuse d'avoir découvert la plume de
Sándor Márai par le biais de cette histoire. C'est profond, c'est sombre, c'est la vie, la vie parfois.
Qu'est-ce que nous, les êtres humains, comprenons les uns aux autres? Rien. Nous ne savons même pas ce que nous sommes. Tout est différent de ce que nous croyons, entièrement différent. (p. 242)
Bien à vous.
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