"
Les Braises" de
Sándor Márai est ma première incursion dans l'oeuvre du "
Stefan Zweig hongrois" et mon sentiment immédiat à la fin de la lecture de ce court roman fut une légère déception. Déception probablement liée à mon immense admiration pour Zweig (qui mit fin à son existence l'année de la parution de ce roman en 1942) mais surtout parce que je n'y ai pas ressenti la jubilation que j'éprouve devant la somptuosité du style de l'écrivain viennois.
Malgré tout, c'est un un grand roman et il mérite votre attention et votre lecture.
« Les chandelles brûlent jusqu'au bout », traduction du titre original hongrois, reflète, à mon avis, de façon plus adéquate l'intrigue. Elle se dévoile lentement au fil d'une conversation entre deux hommes âgés, brisés par une amitié rompue, hommes du passé, issus d'un empire austro-hongrois à jamais disparu. Ces deux amis d'enfance, inséparables, se retrouvent 41 ans après le départ subit de l'un des deux.
Dans les premiers chapitres, l'hôte, le Général évoque ces souvenirs dans l'attente des retrouvailles, puis la majeure partie du roman consiste en un dialogue entre les deux protagonistes (parfois un long monologue) respectant les trois unités du théâtre classique. D'ailleurs, Márai lui-même en fit une adaptation théâtrale en 1965 (et on peut facilement imaginer une mise en scène avec deux grands acteurs qui pourrait être grandiose).
Au fil du dialogue, les questions du Général restent souvent sans réponse : Conrad, son interlocuteur reste elliptique mais, toutefois, et c'est tout l'art de l'écrivain qui permet au lecteur d'y discerner des réponses dans une « obscure clarté ».
Les thèmes de l'amitié brisée, des différences de classes sociales et les rapports antagonistes qui en découlent, de la nostalgie d'un monde révolu sont esquissés avec brio dans une vision pessimiste de l'existence.
Le dénouement final (sans grande surprise) survient au seuil d'une longue nuit de discussion, menant à l'ultime séparation des deux hommes.
Hasard ou circonstance troublante,
Sándor Márai vécut 41 ans en exil (comme celui de Conrad), avant de se donner la mort sans jamais être retourné dans sa Hongrie natale.