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sur 817 notes
Un huis-clos sulfureux

L'histoire d'une amitié intense entre un Général et Conrad. Plus exactement, c'est leur fréquentation qui est intense depuis l'adolescence jusqu'à la trentaine. Leur amitié, elle, même si elle est réelle, est déséquilibrée par une différence de condition telle que l'un ne peut rendre à l'autre le confort matériel prodigué ; tandis que l'autre ne soutient pas la comparaison en matière d'intérêt pour l'art et la culture du premier.

Quarante-et-un ans avant ce huis-clos s'est produit un événement - que l'on pourrait tout aussi bien appeler un non-événement –une suspension du temps de quelques secondes qui constituera un tournant dans la vie des deux amis. le jour suivant, Conrad disparaît et refait sa vie au bout du monde. le général en reste très marqué et comme figé, gardant à l'identique une aile du château qu'il occupe, où il avait l'habitude de bavarder avec Conrad et Christine, la femme du Général, qui décèdera d'ailleurs très jeune, le laissant seul avec ses souvenirs, ses nostalgies, ses questions. Seul dans le sanctuaire qu'il s'est créé.

Et donc après tout ce temps, Conrad resurgit, le General l'accueille avec un repas à rallonge, des boissons fortes, des cigares tout en recréant l'atmosphère de jadis. Avec l'espoir d'enfin recevoir des réponses à ses questions. Ou plutôt LA réponse à SA question, toutes les autres n'étant que subsidiaires et destinées à mener à la seule qui compte vraiment pour lui. La conversation s'égrène, reconstituant le passé des deux hommes et en arrière-plan la grandeur et la décadence de l'empire austro-hongrois, qui est un peu à l'image de l'amitié entre les deux hommes. Mais la gêne de Conrad est palpable, on ressent bien la tension et on devine que la vérité aura du mal à émerger….
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Dans l'Europe d'avant la guerre de 1914-1918 se meurt doucement l'empire d'Autriche-Hongrie, monstre à deux têtes qui cache en son sein ses nationalismes naissants et ses aristocraties vieillissantes.

Parmi ces dernières, deux jeunes garçons se lieront d'amitié : Henri, fils de militaire hongrois, qui fait figure d'ange lumineux, heureux de vivre avec tout ce qu'offre la vie pour un jeune aristocrate de l'époque ; et Conrad, fils de petits nobliaux d'origine polonaise et bien plus modeste, brillant musicien mais moins à l'aise avec le futur avenir militaire qu'on lui offre à lui et son ami Henri.

L'ouvrage de Sandor Marai aurait pu conter l'évolution de l'histoire de cette amitié. Mais l'auteur fait un saut dans le temps à partir du chapitre VIII pour proposer un très long échange entre Henri et Conrad au soir de leurs vies, à un moment où tout est passé : la mort de leurs proches, de leur amour en commun, de la tentative de Conrad d'en finir avec Henri, de sa fuite, de l'attente courtoise mais vengeresse d'Henri depuis son château perdu dans les forêts hongroises.

L'essentiel de l'ouvrage est donc un dîner entre deux vieux hommes qui semblaient si proches, mais finalement si différents. Au cours de cet échange, la question de l'amitié y est testée sous toutes les coutures.

Derrière eux, les braises de la cheminée crépitent, ainsi que les âmes de ces deux vieux hommes au gré des souvenirs égrenés durant ce long repas.

C'est beau, c'est brillant, c'est magnifiquement écrit. Ce roman aurait pu être adapté au cinéma dans un style proche de Barry Lyndon, mais entre la fin du XIXe siècle et l'après Grande Guerre cette fois-ci.

À lire absolument.
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Si l'amitié exige réciprocité, comment composer quand on est différent de l'être sur lequel elle est projetée ?
200 pages d'un tête à tête grandiose entre deux hommes arrivés au crépuscule de leurs vies. Deux anciens meilleurs amis, Henri et Conrad, se retrouvent 41 ans après leur dernière entrevue. Tout se joue dans cette ultime confrontation qui cherche à expliquer le départ soudain de Conrad. À justifier ce silence abrupt entre ceux qui ont grandi comme des frères.

Que recèle le mot amitié, que doit-on attendre d'un ami ? Cela lui donne-t-il des devoirs ? Dans un quasi monologue, Henri interroge le poids du mot amitié. Faisant peser dessus ceux d'obligations et responsabilités.

Pendant 41 ans il a eu le loisir de s'atteler à décortiquer ce lien dans la solitude de son existence. Un temps qu'il a passé, tel un fin investigateur, à examiner tout ce que le mot ami convoque. À soupeser ce qu'il exige de l'autre et ce qu'il ne doit pas être. À en établir les règles et délimiter les contours. L'amitié pure est le désintéressement, donner sans rien attendre de l'autre. C'est accepter l'ami tel qu'il est. Reconnaître ses défauts et accepter les conséquences de ses travers.

Il questionne l'intérêt d'une amitié dans laquelle on ne voudrait que le meilleur de l'être aimé, et seulement constance et fiabilité. Mais telle la mer imprévisible, n'est-ce pas les vagues du caractère de l'autre et les tempêtes surmontées qui font le sel de l'amitié. Si l'ami est constant n'est-il pas ennuyeux de n'être pas surprenant ? Pour autant, quand ses réactions nous prennent de court, que cet ami prend la tangente, on peut y voir un acte de trahison. Ressentir colère et incompréhension de ne pas avoir su voir, ne pas avoir eu les clés pour déceler chez cet autre ce qui en lui bouillonnait.

Henri a eu toute sa vie pour cheminer sur les raisons qui ont conduit son presque-frère Conrad, à fuir du jour au lendemain. Lors de leur face à face c'est presque naturellement qu'il fait les questions et les réponses. Car il a passé le reste de sa vie à rejouer chaque minute de la dernière journée passée ensemble. Il a démêlé les fils de la pelote pour arriver à une vue d'ensemble d'une clarté totale. Conrad parle très peu, Henri parle pour deux. Il plonge dans la tête de Conrad et livre les pensées de son ami sans qu'il n'ait besoin de s'exprimer. Un ami c'est ça aussi, c'est celui qui nous connaît, celui qui sait tout, ou qui le temps aidant finit par tout comprendre.

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J'ai aimé découvrir cet auteur hongrois que je ne connaissais que de nom. Ce roman était intéressant à bien des points de vue, notamment pour la psychologie fouillée des personnages et la réflexion sur l'âme humaine.

Néanmoins, je ne peux nier avoir trouvé certains moment sun peu long. Je n'irais pas jusqu'à dire que je me suis ennuyée, mais ce n'est pas un roman impossible à lâcher avant d'en connaître la fin.

J'ai beaucoup aimé la tension entre les deux personnages, cette ambiance intriguante, les secrets peu à peu dévoilés au coin du feu dans ce chàteau sombre. J'ai réussi à deviner une partie de l'histoire au fur et à mesure, mais pas l'ensemble.

La plume était agréable et nous fait découvrir un autre temps. Je continuerai à me plonger dans l'oeuvre de cet auteur pour connaître davantage son style.
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Le roman sur les étranges liens d'amitié entre deux hommes ayant partagé une carrière militaire dès leur tendre jeunesse jusqu'à la rupture. L'histoire d'une confrontation masculine à travers le temps faisant écho à la nouvelle de Joseph Conrad "Le Duel", la référence à ce dernier étant explicite pour avoir donné à un des protagonistes le prénom de Conrad. le charme désuet de l'Empire Austro-Hongrois avec les valeurs traditionnelles faisant partie du mythe et qui s'entrechoque avec la montée en puissance de la Common Welth et du colonialisme dont Joseph Conrad témoigne également dans son oeuvre. La Mitteleuropa qui rencontre des tristes tropiques peut-être...les principes de l'honneur et de la honte, par conséquent de la culpabilisation s'affrontent à la volonté de vivre une vie libre des contraintes de l'époque mais vouée à l'inconnu.
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Un vieux général à la retraite reçoit la visite d'un ami perdu de vue depuis 41 ans. Ils étaient pourtant des amis très proches. Que s'est-il passé il y a 41 ans qui a provoqué une rupture, et pourquoi ce retour ? Voilà la trame du roman. Au fil des pages, l'auteur nous fait vivre cette soirée de retrouvailles, le repas, les échanges qu'ils ont entre eux, et petit à petit il dévoile les dessous de cette amitié et de cette rupture. Voilà typiquement un roman qu'on aurait pu me faire lire à l'école. le rythme est lent, assez ennuyeux, mais le texte est riche et il y a matière à toutes sortes de réflexions : sur l'amitié, l'amour, la patrie, la guerre, les différences de classe… Une lecture assez intéressante, donc, d'un auteur de qualité.
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Un huit clos de vingt-quatre heures tout simplement magnifique par son histoire et son écriture.
L'histoire, le Général Henri attend la visite de son ami d'enfance Conrad qu'il n'a pas revu depuis quarante et un an et quarante trois jours. le premier est issue d'une famille fortunée, aristocrate, le second est issue d'une famille modeste de fonctionnaires. Il avaient un lien d'amitié très fort voire gémellaire jusqu'à cette journée de chasse où Conrad démissionne de l'armée et disparaît sans un mot.
Lors de ces retrouvailles, ils sont tout deux âgés de 75 ans. Il n'y a donc plus de places pour les simagrées, l'hypocrisie, les non-dits. Bien que le Général soit nostalgique, il veut des réponses aux questions qu'il s'est posé durant ces quarante et un ans d'absence. Il n'éprouve plus de colère, ni de rancoeur envers son ami, il souhaite juste comprendre et connaître enfin la vérité. Même si le monde s'est écroulé autour d'eux, on ressent que cette rencontre est importante pour les deux.
À travers une écriture à la fois intense et élégante, l'auteur va nous parler d'amitié, de fidélité, de loyauté, de trahison, d'amour… tout cela sur un ton assez pessimiste.
« Nous étions, te dis-je, de vrais amis et rien au monde ne peut dédommager d'une amitié perdue. Même une grande passion ne saurait causer la satisfaction que procure l'amitié à ceux qu'elle touche de son pouvoir magique. »
Un magnifique livre qui pousse à la réflexion !
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Un ancien général de l'armée Austro Hongroise s'apprête à recevoir dans son domaine son ami de jeunesse qu'il n'a pas vu depuis 41 ans . La séparation a été très douloureuse , malgré par un incident inexplicable .

Très beau roman , tout en finesse , où le temps semble s'écouler avec une infini lenteur .

Au delà du remarquable face à face des deux "amis" qui nous tient en haleine de part tous les secrets et les non dits entre eux deux , ce livre est aussi un trait d'union entre le monde tel qu'il va devenir et l'empire Austro Hongrois. Il est question d'honneur , de fidélité , de devoir...Sentiments avouons le légèrement bafoués de nos jours.
La description de la chasse est saisissante , les relations entre individus remarquablement bien évoquées.
L'écriture est brillante, tout en restant d'une fluidité impressionnante.
C'est un petit bijou, fin , intelligence, laissant la place à l'honneur et au non dits , tout en nous plongeant dans la fin de l'empire , les horreurs de la guerre et les moeurs de la "haute" société
.
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Un huis clos oppressant entre deux vieillards à l'article de la mort. Les chandelles bleues se consument, la nuit tombe, les bûches du poêle deviennent braises et une amitié de plus de quarante ans est remise en question.
Un roman, certe du vingtième siècle, mais vraiment attachant, vraiment prenant. Un tête à tête entre deux hommes pour comprendre le pourquoi du comment.
C'est aussi, une vision de la la mort de ce grand empire Austro-hongrois et de la fin de cette monarchie.
Franchement un très beau livre de Sándor MÁRAI (qui fut interdit jusqu'en 1990 en Hongrie) et une magnifique réflexion sur l'amour, sur l'amitié, sur la fidélité et sur ce que tout un chacun doit en déduire.
À retrouver aux éditions le Livre de Poche.
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Dès les premières pages, impossible de lacher le livre !

L'univers de ce huis-clos n'est pas loin de celui du Guépard, le magnifique film de Luchino Visconti : la Vienne du siècle dernier, les fastes de la noblesse autrichienne, les forêts de chasse impériales, la rigueur des sentiments, le beau langage et la belle écriture !

Le décor étant planté, le huis-clos annoncé peut commencer, entre Henri (le noble fortuné) celui qui cherche la vérité, et Conrad (son ami désargenté) celui qui la détient. Curieusement, le dialogue s'avère être un long monologue, fait par le demandeur, qui s'égare très souvent dans des digressions que le détenteur s'efforce de recadrer dans l'essentiel de l'énigme qui les réunit.

Il en résulte de nombreuses redites et longueurs, notamment sur la définition de ce qu'est l'amitié. Pour l'accepter et y trouver intérêt, il convient de replacer l'intrigue dans son époque, quand la noblesse des sentiments était complexe et raffinée. Ainsi, ce long monologue devient passionnant, et dévoile l'intrigue très progressivement.

Henri m'a semblé plutôt antipathique et imbus de son rang, enclin à des affirmations qui feraient scandale aujourd'hui. Conrad m'a paru trop discret et d'une sensibilité plutôt sympathique. le dénouement de l'intrigue est relativement prévisible, et le suspens s'éternise, mais les dernières pages sont savoureuses.

J'ai conscience de ne pas avoir été très clair dans mon commentaire, mais la confusion des sentiments ne porte pas à l'être.
En résumé, j'ai aimé ce livre pour son originalité et sa belle écriture. Il est des lectures, rares, qui élèvent l'âme, "Les braises" en fait partie.

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